C’était arrivé du jour au lendemain : un matin, elle s’était réveillée incapable de se tenir droite. Depuis dix-huit ans, elle vivait courbée, le dos déformé par l’infirmité, dans une immense souffrance. Le sol était devenu son seul horizon, et la solitude accentuait sa douleur. Dans la vie quotidienne, tout était effort : s’habiller, marcher, porter des objets… jusqu’au simple fait d’échanger un regard avec son époux. Tout était biaisé par ses contorsions et déformé par la souffrance de l’effort.
Pourquoi elle ?
Elle n’avait pas renoncé à une amélioration, mais après tant d’années, qu’espérer encore ? Elle tâchait donc de faire contre mauvaise fortune bon cœur, en se concentrant sur les petites joies encore possibles. Parfois cependant, dans les heures et les douleurs de la nuit, l’angoisse remontait à la surface et craquelait son vernis de courage : « Pourquoi ? Pourquoi moi ? Pourquoi Dieu a-t-il permis cela ? » Au matin, elle reprenait ses armes et ses masques, pour affronter le quotidien.
Dans cette vie étrange, elle trouvait un réconfort particulier à aller chaque semaine à la synagogue. Il était bon d’y entendre les promesses de Dieu dans les Écritures saintes le jour du sabbat, même s’il lui arrivait de douter.
Une parole, deux regards
Ce samedi-là, un homme venu de Nazareth, était de passage à la synagogue. Même si elle n’avait pas la force de se contorsionner pour le regarder, ce qu’elle entendait était extraordinaire. Les mots coulaient dans son cœur, elle sentait l’amour de Dieu, elle pleurait, elle priait.
Le prédicateur fit une pause dans son discours, et elle sentit une sorte de feu, comme si tout le monde la regardait. Elle se tassa encore plus pour se noyer dans l’assemblée, mais le feu continuait. Et puis l’orateur dit d’une voix forte : « Femme, viens près de moi ! » Quand les personnes autour d’elle lui touchèrent le bras, elle comprit que c’était à elle qu’il parlait. Avec surprise et émotion, elle obéit : elle se leva péniblement, et se dirigea vers Jésus. Lorsqu’elle croisa son regard, levant à demi la tête, elle dût s’arrêter, tant ce regard la pénétrait jusqu’au plus profond de son être.
Délivrée à tout jamais
Il vint alors vers elle et lui dit d’une voix douce : « Femme, tu es délivrée de ton infirmité. » Puis il posa les mains sur ses épaules, et d’un coup, le poids qui l’écrasait depuis tant d’années disparut ! Elle se redressa, le vit face à face, et une joie immense monta en elle comme une source qui jaillit. Tremblante, elle osa louer Dieu à haute voix : « Quelle joie pour moi car le Seigneur a porté ses regards sur moi, petite et faible. Il est grand, celui qui redresse les courbés et relève les accablés ! Je veux dire merci au Dieu puissant, car il a entendu le cri de mon cœur, et m’a répondu. »
Comme Jésus lui souriait, elle prit confiance et se tourna vers les autres : « Vous aussi, reconnaissez que Dieu est grand et qu’il vous aime. S’il est intervenu pour moi, il pourra vous libérer vous aussi. »
Puis elle sortit de la synagogue, et pour la première fois depuis longtemps, elle leva les yeux et regarda le ciel. Jésus l’avait délivrée à tout jamais du mal et de la malédiction qui pesaient sur elle.