Comment résumez-vous le message de l’islam?
Le Coran, notre livre sacré, explique avant tout ce que doivent être nos relations sociales entre êtres humains et avec toutes les créatures. Sans vouloir être chauvins, les musulmans devraient être des modèles, à la hauteur de l’attente de l’humanité, afin de l’aider à vivre en harmonie...
Je pensais que la foi musulmane se résumait plutôt dans les cinq piliers traditionnels...
Si on y réfléchit bien, ils ne font que renforcer cette idée de vivre en harmonie entre les hommes.
• La foi en un seul Dieu permet de dire que mon Dieu est aussi celui des autres. Abraham, Moïse, Ézéchiel, Jésus, Muhammad... et tous les autres prophètes nous ont parlé de Lui.
• La nécessité de faire la prière cinq fois par jour encadre l’ensemble de la journée. Elle est faite pour nous empêcher de commettre des turpitudes, si on la pratique telle qu’elle nous est recommandée.
• Le ramadan apprend l’autodiscipline, l’autocensure et le contrôle de soi, donc à vivre en harmonie avec la société.
• Le but de l’aumône légale ne laisse aucun doute: elle invite à la solidarité.
• Quant au pèlerinage à La Mecque que tout musulman doit faire s’il en a les moyens, sa signification philosophique et étymologique rappelle l’égalité de tous les êtres humains: hommes et femmes, riches et pauvres, blancs et noirs. D’ailleurs les pèlerins y vont tous habillés exactement de la même manière.
Ce que vous dites ne correspond pas toujours à l’islam dont nous sommes témoins. Quel regard portez-vous sur l’islam dans nos pays occidentaux?
La tradition soufi est pour ceux qui veulent aller au cœur de l’islam et qui veulent chercher à comprendre la relation intime entre la créature et le Créateur. En tant que religion, l’islam est social, relationnel, facteur de paix entre les hommes. Il me donne un grand optimisme.
Je dénonce, par contre, l’Islam comme moyen, quand il est utilisé à des fins personnelles ou profanes. Alors, toutes les dérives deviennent possibles.
Avouez qu’on entend rarement un musulman dénoncer les excès d’autres musulmans, y compris ceux qui se font persécuteurs des autres.
C’est vrai. C’est notre faiblesse. Nous ne réagissons pas à la mesure de ce que nous devrions faire et nous n’avons pas voix au chapitre.
Quel regard portez-vous sur la Bible?
Le Coran reconnaît l’authenticité de l’Évangile tout comme celle de la Thora et il les explicite. Il atteste par exemple la naissance virginale de Jésus, venu à l’existence par la Parole divine. Le Coran tient Jésus en grande estime. Il ne fait mention d’aucun péché ni même d’erreur dans son comportement.
Que faites-vous alors des textes de l’Évangile qui attestent que Jésus est vraiment mort, crucifié, alors que le Coran prétend qu’on a mis quelqu’un d’autre à sa place?
Nous pensons que Jésus est encore plus honoré par le Coran, par le fait qu’il dit que «Dieu l’a élevé corps et âme» sans qu’il connaisse la mort. Cette compréhension a aussi le mérite de disculper les Juifs de sa mort. C’est à son prochain retour, pour annoncer la fin de ce cycle que, d’après le Coran, Jésus mourra comme toutes les autres créatures.
Jésus a également déclaré «Je suis le chemin, la vérité et la vie. Nul ne vient au Père que par moi». S’est-il trompé?
Cela a été vrai pendant son temps, jusqu’à la promulgation de l’islam comme religion de Dieu Allah, par la venue du prophète Muhammad que Jésus avait annoncé.
Comment percevez-vous les chrétiens?
Tous ceux qui se soumettent volontairement à Dieu sont, à mes yeux, des musulmans. Abraham a été le premier. Nous tenons donc en estime tous les croyants soumis au Dieu unique.
Que ressentez-vous quand un musulman se tourne vers la religion chrétienne?
C’est difficile à concevoir car pour nous, il revient à la religion précédente. Cependant, c’est son choix qu’il est libre de faire ou de ne pas faire car le Coran dit: «pas de contrainte en religion».
Les chrétiens pensent que le Coran est un retour en arrière par rapport à l’Évangile. Par exemple, Jésus a prêché l’amour des ennemis et n’a jamais utilisé les armes. Muhammad, lui, a mené des batailles sanglantes...
C’est seulement deux ans avant sa mort qu’il a été autorisé par Dieu à le faire. C’était en situation de légitime défense.
Et la Djihad alors, la guerre sainte?
Pour nous, elle commence par se battre contre soi-même et ses mauvais penchants. Celui qui s’y consacre totalement n’a plus le temps de se battre contre les autres.
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M. Saïd Ali Koussay a été ministre de la Population, de la Condition Sociale, de la Jeunesse et des Sports de Madagascar. Ceci l’a ouvert au dialogue avec des représentants des différentes confessions religieuses de son pays. Marié et père de trois enfants, il est aujourd’hui Imam et aumônier musulman à l’hôpital Avicenne de Bobigny (région parisienne).
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Quelques clés
• La tradition soufi remonte aux origines de l’Islam. Elle est marquée par un désir d’intériorité, de spiritualité et de tolérance. Alors que l’islam traditionnel insiste sur la séparation du fidèle d’avec Dieu, le soufisme met l’accent sur l’union possible. Elle préfère appeler le prophète du Coran Muhammad plutôt que Mahomet. Le soufisme est représenté en France au sein du Conseil du Culte Musulman.
• De façon étonnante, le Coran a changé la promesse de Jésus d’envoyer le Saint-Esprit à ses disciples après sa mort [Jean 14.16]. En effet, la sourate 61 [verset 6] fait dire à Jésus: «Je suis... le prophète de Dieu envoyé vers vous pour... vous annoncer la bonne nouvelle d’un prophète qui viendra après moi et dont le nom sera «Ahmad». Les musulmans croient donc que Jésus a annoncé «Muhammad» le prophète.
• La sourate 4 [verset 157] dit à propos de Jésus: «Ils [les juifs] ne l’ont pas tué; ils ne l’ont pas crucifié, cela leur est seulement apparu ainsi.» La mort de Jésus pour le salut de l’humanité et sa victoire sur la mort sont ainsi niés par le Coran alors qu’ils sont le centre de l’Évangile.
• La sourate 2 [verset 256] dit «pas de contrainte en religion». Cependant, de nombreux textes coraniques commandent de tuer les «transgresseurs» [2.190,191] et les polythéistes [9.5].