Ce jour-là, la foule a suivi Jésus pour l’écouter. Il a alors rassemblé ses disciples autour de lui et leur a dit : « Vous êtes le sel de la terre, vous êtes la lumière du monde*... »
Des paroles simples, une métaphore précise, avec un intérêt énorme ! Jésus a dit à ses disciples d’hier et le répète à ceux d’aujourd’hui ce qu’ils sont, en vue de leur donner envie d’agir.
Faire briller sa lumière
Jésus a précisé juste après : « Quand on allume une lampe, ce n’est pas pour la mettre sous un seau ! Au contraire, on la met bien en haut, et elle brille pour tous ceux qui sont dans la maison. » Jésus n’oblige pas ses disciples à briller, mais il leur fait comprendre que ce serait vraiment dommage pour le monde si leur lumière ne brillait pour personne, laissant le monde souffrir d’une obscurité qu’eux seuls peuvent combler.
Quel est donc ce « seau » qui peut empêcher les chrétiens de briller ? En fait, Jésus fait allusion à cette sorte de pot qui servait, à l’époque, à mesurer le volume d’un sac de blé. Il n’éteignait pas la lampe mais il cachait la lumière. Est-ce que le jugement que les chrétiens portent parfois sur les gens ou la manière dont ils évaluent leurs capacités n’empêchent pas leur lumière de briller ?
Oser la rencontre avec l’autre
Or, précisément, pour le Dieu de l’Évangile, chaque être humain a, de toute façon, un prix infini à ses yeux, quelle que soit sa grandeur du point de vuephysique, spirituel, artistique, social, intellectuel ou moral... Il n’est pas bon, jamais bon, de chercher à comparer… Jésus invite plutôt ses disciples à voir comme Dieu voit et à reconnaître chacune de ces lumières, à les valoriser, les élever… et s’en réjouir. Ils le remercieront alors de cette incroyable merveille qu’est cette personne qu’ils ont rencontrée et appris à aimer. Une personne avec qui, sans doute, il leur donnera de cheminer... peut-être un bref instant, un plus long moment ou une vie tout entière.
Cette façon d’être et de faire devrait obliger les chrétiens à ouvrir les yeux sur celles et ceux qui les entourent. Les conduire à s’intéresser aussi à ce qui ne les intéresserait pas forcément a priori. Une forme de déplacement nécessaire où l’axe premier n’est plus le moi ou la communauté mais le Christ tel que nous le voyons se comporter avec les gens dans les Évangiles.
Rayonner autour de soi
Les chrétiens souhaiteront-ils vivre en autarcie en pensant se suffire à eux-mêmes et en protégeant leur foi au sein des murs de leurs églises ? Ou opteront-ils au contraire, par amour de ce monde et de leur prochain, pour le partage de ce qui fonde leur vie, de celui qui insuffle en eux la vie ? Voudront-ils transformer leurs églises-citadelles en Églises qui rayonnent dans le monde et résonnent dans leur cité, dans leur quartier ?
Ceci passe forcément par des chrétiens qui choisissent de vivre au cœur de leur environnement en s’investissant dans la relation à l’autre. C’est un refus nécessaire d’un unique entre-soi rassurant mais qui est à l’opposé même de l’appel ultime de Jésus à aller et de son message constant à vivre dans ce monde et à l’aimer passionnément.
Un rôle à jouer
La parole de Jésus donne le sens de la mission des chrétiens sur cette terre. Sel et lumière dans le monde, ils doivent prendre conscience que leur foi n’est pas une réalité uniquement personnelle ne servant finalement pas à grand-chose, mais qu’elle les amène à jouer son rôle au sein de la société. Il ne s’agit pas de faire des adeptes mais d’être phares et lieux d’où part constamment un fruit nourrissant et bon...
La présence de Dieu dans une vie ne se déguste jamais seul ; elle se multiplie chaque fois qu’elle se partage.
Un pasteur pas comme les autres
Clarence LaVaughn Franklin est un pasteur baptiste afro-américain militant des droits civiques. En 1946, il s’installe comme pasteur à la New Bethel Baptist Church de Détroit. Il fréquente les clubs de Hastings Street et se lie d’amitié avec les musiciens. Le dimanche, il les invite et ils viennent l’entendre prêcher à New Bethel. Et c’est ainsi qu’il commence à être connu comme le « Pasteur du Jazz ». Chez lui, à Detroit, il reçoit les grands du Gospel, mais aussi Sam Cooke ou Dinah Washington.
Pour B. B. King, C. L. était, entre autres, le prédicateur des bluesmen parce qu’il était venu les voir, les rencontrer. Mais, il était encore plus à ses yeux : le prédicateur de tous. « Il était l’un des nôtres. Contrairement à bien d’autres hommes d’Église, il n’a jamais qualifié notre musique de diabolique - et nous l’aimions pour cela. Mais il a fait plus que cela. Il nous a fait savoir qu’il admirait ce que nous faisions. Il nous considérait comme de vrais artistes et n’hésitait pas à dire au monde ce qu’il ressentait » dit-il. Tous les pasteurs n’appréciaient pas forcément ce mélange entre message chrétien et musique profane. Pour la plupart, il doit y avoir un mur de séparation bien haut et très solide entre l’Église et « le monde ». L’Église doit rester une citadelle spirituelle et culturelle au milieu d’un univers dangereux et malsain où domine le mal. Mais C. L. Franklin a vu les choses radicalement différemment et il a ainsi influencé définitivement sa fille, qui deviendra la reine de la Soul, sister Aretha Franklin.