L’esprit de Noël habite ma rue.
Ben oui, vous dites, la municipalité a installé les guirlandes, les sapins et autres pères Noël, les commerçants ont sonorisé les rues piétonnes et passent en boucle des chants de saison, comme d’habitude. Eh non. L’esprit de Noël dans ma rue, c’est un homme. Grand, maigre, sale. Il porte, été comme hiver, les mêmes vêtements, dont une veste kaki à capuche qui lui cache la moitié du visage. Une grosse barbe hirsute occulte l’autre moitié.
On le trouve, toujours au même endroit, assis ou couché sur le trottoir en face de la superette. Alors que d’autres apostrophent les passants, geignent ou quémandent, il ne dit rien, ne demande rien. Il est là... Je ne passe pas mes journées dans la rue, mais lorsque j’y suis, il m’arrive d’observer la réaction des autres à ce phénomène inhabituel : ceux qui font le tour, le lycéen qui raconte au téléphone qu’il vient d’obtenir son Bac, dépasse l’homme couché à plat ventre, revient sur ses pas et lui touche l’épaule « Ça va ? » ; la caissière de la superette qui sort en courant et lui donne quelque chose enveloppé dans une serviette ; les anonymes qui laissent une bouteille d’eau ou un sac de nourriture à proximité.
Le dénuement, la fragilité et la solitude qui rencontrent le don. Générosité, aussi petite soit-elle, de son temps, de sa personne, de ses biens, d’une parole de réconfort.
Ce n’est pas l’esprit de Noël, ça ?