Au début, je n’ai pas compris qu’elle s’adressait à moi.
Concentré sur un bus à prendre, c’est à peine si je l’ai remarquée lorsqu’elle s’avançait vers moi. Une toute petite mamie, frêle au point qu’on pouvait se demander comment elle tenait debout. Mais dynamique ! Elle me parlait avant même que je ne me rende compte que j’étais son interlocuteur et ponctuait ses propos d’arabesques dignes d’un chef d’orchestre avec sa canne.
— Quelle belle journée ! Si ce n’est le vent, claironna-t-elle, enthousiaste, le fichu en bataille.
— Eh oui, madame, le Chicago de la France ! Pas pour le crime, pour le Mistral... Je vous souhaite une bonne journée, madame.
— Bonne journée à vous, monsieur !
Comme avec la plupart des rencontres fugaces, on ne refait pas le monde. On ne parle ni politique, ni morosité ambiante, ni autres sujets d’actualité. On échange simplement un peu du trop- plein de ce que l’on ressent de positif sur le moment. Mais c’est déjà énorme, et rare.
Quand avons-nous commencé à rentrer dans nos coquilles ? Je doute que ce soit naturel. Quand nous sommes-nous mis à redouter la réaction de l’autre si nous osons une parole conviviale ? Qui a décidé qu’on devait être présenté avant d’envisager le partage de quelques mots de sympathie ? Copie à revoir...
Des semaines après, je repense à la mamie, que je ne reverrai probablement jamais, et une douce chaleur m’envahit. C’est donc aussi facile que ça ?