Jésus a changé. Depuis quelques semaines, je le sens plus concentré, plus tendu. À certains moments, son regard se voile. Il semble triste, mais résolu. Tout à l’heure, au repas, il nous a parlé longuement, avec solennité, comme si c’était un discours d’adieu. Nous n’avons pas compris pourquoi.
Puis avec Jacques et Jean, je l’ai suivi ici, en plein milieu de la nuit, au jardin de Gethsémané. Jésus est agité, on dirait qu’il va à l’abattoir. Il s’est écarté de nous pour prier, nous demandant de faire de même. Mais nous sommes trop fatigués par les émotions de ces derniers jours. Nous sombrons dans le sommeil.
Trahison
Au bout de quelques heures, Jésus vient nous réveiller : ses yeux sont rouges mais son air, déterminé. Il rassemble les affaires, dit que c’est le moment où il va être livré. Dans notre torpeur nous ne comprenons rien. Soudain, mes sens s’éveillent : là-bas, un groupe s’approche rapidement. Ils ont des torches et des armes. Je discerne peu à peu les chefs des prêtres, qui nous en veulent depuis si longtemps. Que font-ils là ? Ah mais, c’est Judas avec eux ! Je croyais qu’il devait faire une course… Aurait-il osé trahir Jésus ? Sans nous regarder, il prend Jésus par le bras et lui donne un baiser. Aussitôt, les gardes attrapent Jésus. Mon monde bascule : le Maître est prisonnier !
Mon sang ne fait qu’un tour
Même si nous sommes minoritaires, je ne laisserai pas commettre une telle injustice sans me battre. Je tire mon épée et je charge vers celui qui donne les ordres : je cours, je hurle, je frappe à l’aveuglette, débordant de rage.
J’ai touché quelque chose et je m’arrête – le temps se suspend, plus un bruit autour de moi. Puis les cris, les insultes, les gardes qui courent vers moi : mon ennemi est à terre, encore vivant. Il se tient l’oreille en gémissant. Les gardes sont furieux, clairement j’ai aggravé la situation.
Cela aurait pu tourner très mal
Alors que je panique et me prépare à me défendre contre les gardes, Jésus se glisse entre eux et moi. Personne n’a pu le retenir. Il me dit : « Range ton épée. Ne crois-tu pas que le Père me protège ? C’est mon heure, je dois y faire face. N’aie crainte, ce que je fais, je le fais de plein gré. » Puis il s’agenouille auprès du blessé. De sa main droite, il lui relève la tête ; de l’autre, il lui touche l’oreille. Je l’entends murmurer une prière de bénédiction… Je le suis depuis trois ans, mais il ne cesse de m’étonner ! Jésus, au cœur de la tourmente, agressé et humilié, prend encore le temps de donner la paix. Il fait du bien, même à ceux qui lui veulent du mal.
Incroyable mais vrai
L’homme se redresse, le sang ne coule plus, son oreille est guérie. J’ai vu tant de miracles de Jésus, mais je ne sais ce qui me frappe le plus : sa puissance, ou son amour infaillible. L’impossible, l’impensable, le fou, Jésus le réalise encore : il sauve même son ennemi.