De ma fenêtre au premier étage, je regarde le trottoir d’en face. Les trottoirs de ma rue sont dallés et, de loin en loin, barrés de bandes plus foncées.
Survient un garçon de quatre ou cinq ans qui tient la main de son père. Comme tout jeune garçon qui se respecte, arrivé à une bande foncée, il tente de sauter par-dessus à pieds joints. Douves ? Trou rempli de serpents ? Abîme sans fond... ? Allez savoir ce qui se passe dans sa tête...
Toujours est-il qu’il n’y arrive pas.
— Euh oh, me suis-je dit : « Il va se faire houspiller, le petit. Son papa a certainement des choses beaucoup plus importantes à faire ! »
Eh non.
Le père s’arrête, retourne son fils pour qu’il soit face à l’obstacle à franchir et lui explique comment, s’il prend un peu d’élan et lance un pied avant l’autre, il y arrivera. Je n’ai pas besoin de vous décrire le visage du garçon quand il y est parvenu. Ni le regard complice entre les deux lorsqu’ils ont repris leur chemin.
Il ne me faut pas plus qu’une scène comme celle-ci pour me réconcilier avec une humanité, y compris la mienne, qui parfois me désespère. Et de souhaiter, pour vous comme pour moi, que dans les moments compliqués de notre existence, il y ait quelqu’un qui fasse preuve de patience et consacre le temps nécessaire pour nous aider à franchir un endroit sombre. C’est un peu le b. a.-ba de notre raison d’être sur la terre, non ?