Mission intégrale. Volume 2 Regards historiques, philosophiques, bibliques et théologiques

Complet Présentation de livres

McTair WALL (éd.)
Charols, Excelsis, coll. « REMEEF », 2023, 218 p, 16 €.

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Mission intégrale v.2La collection « REMEEF » s’enrichit d’un ouvrage pour tous les francophones intéressés par la question de l’articulation entre « évangélisation » et « action sociale ». Le livre ne cherche pas à clore un débat toujours en cours et souvent présent en arrière-fond des débats stratégiques, à la fois dans le monde des missions et plus généralement en ecclésiologie et implantation d’Églises. En bref : faut-il évangéliser ou s’engager pour le bien commun ?

Hannes Wiher retrace tout d’abord l’émergence de la notion de la mission intégrale (MI) qui naît dans le contexte de la mission étudiante en Amérique latine. La MI est définie par René Padilla comme « l’engagement dans le monde, la mission dans la vie politique (incluant la proclamation, le service et l’évangélisation), l’action et la prière au niveau de l’Église locale, la croissance de l’Église et la présence chrétienne » (cité p.20). Hannes Wiher analyse les divergences d’opinions émaillant le monde évangélique au sujet de l’engagement social sous l’angle des visions du monde. Certains théologiens, marqués par les catégories très distinctes de la pensée occidentale (moderne, efficace, analytique) insistent sur les distinctions, alors que le reste du monde adoptant une perspective plus holistique et relationnelle du monde, se montre impatient vis-à-vis de différences trop nettes ou de priorisations trop marquées.

Daniel Hillion offre ensuite un regard aiguisé sur les enjeux philosophiques et conceptuels de la MI. Il insiste sur le fait qu’elle remet au goût du jour l’importance de l’intégrité de la vie chrétienne, excluant toute compartimentalisation entre sacré et séculier et soulignant l’importance d’un discipulat qui touche tous les domaines de la vie. Daniel Hillion met toutefois en garde contre le risque de confondre « vocation humaine » (tous les humains) et « vocation missionnaire » (disciples) et promeut la nécessité de distinguer clairement entre les différentes dimensions du déjà et du pas encore eschatologique, sans quoi certains engagements risqueraient de voir ses acteurs se décourager dans le contexte d’un monde marqué par le péché et l’imperfection (des chrétiens et des non-chrétiens !). Daniel Hillion insiste aussi sur le fait que, si le dualisme séparant les besoins « spirituels » des humains de leurs besoins physiques n’est pas biblique, une certaine dichotomie entre l’âme/esprit et le corps devrait être préservée.

McTair Wall examine l’œuvre de Luc (évangile et Actes) sous l’angle de la MI, notant que ces textes sont à la fois des histoires de la mission et des textes missiologiques, donnant à voir les œuvres de Jésus et de ses disciples pour qu’ils soient imités par l’Église naissante. Il offre un éclairage dense, notamment sur le texte-programme de Luc 4.16-30, relevant que le reste de l’œuvre lucanienne (et du Nouveau Testament) peut être lu comme une « mise en scène » du programme. Jésus, ses disciples et l’Église adoptent une perspective intégrale de leur mission : paroles et actes forment un tout, le plus souvent indissociable, et font « connaître la bonne nouvelle du règne de Dieu en Jésus-Christ là où elle n’est pas encore connue » (p.91) (observation soutenue par l’étude des termes grecs) pour rejoindre celles et ceux qui sont pauvres (économiquement et/ou spirituellement) et exemplifier la réalité du salut dans tous les domaines de la vie. Wall relève que la mission des disciples est prévue par l’Écriture au même titre que la mort et la résurrection de Christ.

Enfin, Hannes Wiher situe la MI dans la question de la définition de la mission, proposant plusieurs typologies des différentes tendances représentatives du monde évangélique contemporain. Le chapitre permet aux lecteurs de situer les diverses contributions de la médiasphère évangélique ; mais aussi de les examiner au regard des nombreux textes et termes bibliques examinés par Wiher, qui conclut que ces derniers enseignent un « holisme avec distinctions bibliques ».

L’ouvrage a le mérite de sensibiliser ses lecteurs à la riche réflexion missiologique émanant de ce qu’on appelle aujourd’hui le « Monde majoritaire » vers lequel le centre de gravité du christianisme s’est déplacé. Les Occidentaux ne sont plus pleinement représentatifs du monde évangélique. Les discussions animées qui caractérisent certains colloques, blogs et autres cafés théologiques paraissent à beaucoup d’autres (et notamment la part croissante de jeunes et non-Occidentaux ayant une vision plus « holistique » du monde), détachées des réalités complexes de leurs propres contextes de témoignage quotidien. Au regard des exigences croissantes du « monde » par rapport à l’intégrité des élites et des tenants de toutes sortes d’idéologies (que la foi chrétienne est aux yeux de beaucoup), il sera salutaire aux chrétiens de procéder à un « audit d’intégralité ».

Un livre exigeant face aux nombreux enjeux discutés et aux nombreuses références (missiologiques, philosophiques, géographiques, sociologiques), mais démontrant ce que l’interdisciplinarité de la missiologie peut apporter aux pasteurs, théologiens et, bien sûr, implanteurs soucieux de contextualiser leur travail.

Auteurs
Timothée JOSET

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