Les éditions Excelsis nous gratifient d'un livre qui comble une certaine lacune dans le domaine de la louange. Christophe Paya, professeur de théologie pratique à la Faculté Libre de Théologie Évangélique de Vaux-sur-Seine et pasteur des Églises Évangéliques Libres, a pu toucher de près cette question dans son expérience pastorale, et son épouse, pianiste d'église, a contribué à nourrir cette réflexion.
Ce livre aidera toutes les personnes impliquées dans ce domaine : chantres, musiciens, ceux qui assurent la présidence des cultes, les pasteurs qui tâtonnent en cherchant parfois des équilibres précaires, mais aussi toutes celles et ceux qui s'interrogent sur nos pratiques cultuelles et qui veulent leur donner du sens car, à la page 8, nous lisons : "L'évolution d'une pratique chrétienne, cependant, ne peut pas être laissée au hasard et aux effets de mode". Ce livre se veut "biblique, théologique et pratique" (p. 15). L'une des préoccupations majeures de l'ouvrage est de situer la louange dans son rapport au culte communautaire, même si la louange est aussi abordée du point de vue personnel comme "amour pour Dieu qui répond à l'amour de Dieu" (p. 16).
Les différents chapitres de ce livre nous proposent : un parcours biblique de la louange dans l'histoire d'Israël, puis dans le Nouveau Testament ; une réflexion sur le sens du culte communautaire chrétien ; un bref résumé du chant d'église depuis la Réforme jusqu'à nos jours ; les équilibres de la louange ; la place de la louange dans le cadre du culte et son articulation avec les différents moments du culte avec une réflexion pertinente sur "l'ordre" recommandé par l'apôtre Paul dans 1 Corinthiens 14. Celui-ci n'est pas donné pour contrôler ou brimer, mais au contraire pour donner la parole aux dons jugés plus faibles, qui autrement ne pourraient s'exprimer, car "Il faut qu'il y ait ordre pour que le culte échappe à cette loi universelle, la loi du plus fort...". Effectivement, en matière de "fort", il ne faudrait pas que la louange serve plus le culte dé-Cybèle que l'écoute attentive du souffle léger de l'Esprit qui devrait permettre au groupe de chantres d'être plus attentif à celles et ceux qui aimeraient aussi pouvoir s'exprimer, pour apporter leurs dons au service de la communauté, mais qui n'ont pas le pouvoir du micro et de son amplification. Nous trouvons aussi un chapitre consacré aux différentes expressions de la louange où l'auteur explique que la louange ne peut se réduire simplement au chant mais comprend aussi des prières et des lectures bibliques. À partir de là se posent plusieurs questions : quels vont être les critères de choix pour construire une liste de chants ? Comment les intégrer au culte afin qu'il y ait un fil conducteur ? Les intervenants de la louange ; les qualités et les possibles égarements de la louange.
J'ai particulièrement apprécié le chapitre 4 touchant aux "équilibres de la louange". L'auteur donne quelques principes théologiques qui devraient présider à notre façon de concevoir et de vivre la louange : replacer la louange du culte du dimanche dans le cadre plus global et plus "trivial" des contingences quotidiennes afin de ne pas rêver une louange qui n'aurait aucune conséquence pratique dans la vie du croyant dès le lundi. Pour cette raison, l'expression parfois emphatique de notre adoration pendant le culte "devrait être la prière de quelqu'un qui a conscience du chemin qu'il lui reste à parcourir" (p. 70). Des expressions comme "Je te donne ma vie, prends-la toute entière", "Entre tes mains j'abandonne tout ce que j'appelle mien" sont à comprendre et à communiquer à l'assemblée comme "l'expression d'un désir ou d'une prière de consécration, d'amour et de louange" (p. 70) et non pas comme si cela allait de soi et se produisait automatiquement, simplement parce qu'on le chante à tue-tête. Quatre autres "équilibres" sont étudiés : le monde spirituel et le monde terrestre ; trinité et christocentrisme ; intellect et émotions ; le corps et l'esprit. Ce qui est pertinent dans l'étude de ces "équilibres" est qu'elle n'aborde pas les deux pôles en tension mais plutôt comme complémentaires. À lui seul ce chapitre pourrait être l'objet d'une étude à part entière tant il est vrai que la spiritualité chrétienne, tout en revendiquant certains textes bibliques, peut basculer dans un certain radicalisme dangereux et inquiétant(1) !
Pour conclure, nous avons là un livre bien documenté notamment par l'apport de thèses écrites sur le sujet (Ruth Labeth et Margaret Cording-Petty), émaillé de citations très pertinentes d'auteurs anciens (Augustin, Luther et Calvin sont convoqués) ou contemporains (G. Kendrick, par exemple). Notons au passage une mise en page soignée et originale (notes de musiques, alinéas avec barres de retrait qui démarquent bien les citations, etc.). Je ne peux que vous recommander ce livre qui, de plus, n'est pas très cher. Alors, bonne lecture !