Comment espérer, vivre et penser la foi chrétienne dans un contexte minoritaire, celui de l’occident du 21ème siècle ? La société postchrétienne dans laquelle nous nous inscrivons est-elle un naufrage – un sujet de lamentation et de regret – ou au contraire une opportunité pour la mission de l’Église aujourd’hui ?
Alan Kreider, spécialiste du christianisme des premiers siècles, nous invite à relever la tête en nous plongeant dans l’histoire du rayonnement de l’Église naissante. Ou comment cette communauté partie de rien, marginale et parfois persécutée, est pourtant parvenue à croître et se déployer jusqu’à toucher l’ensemble du bassin méditerranéen ?
L’hypothèse de l’historien est simple et féconde : « Les croyants d’aujourd’hui sont, d’une certaine manière, dans une situation comparable à celle des chrétiens des premiers siècles. Et ceux-ci peuvent indiquer des pistes utiles aux chrétiens d’aujourd’hui » (p. 11). C’est ainsi en travaillant sur l’analogie des contextes, mais aussi aux actualisations nécessaires, que nous pourrons alors réfléchir à offrir à l’Europe l’Église dont elle a besoin aujourd’hui.
La réflexion débute ainsi au premier chapitre par cette question, presque naïve : pourquoi devenait-on chrétien pendant les premiers siècles de l’Église ? Et les premiers éléments de réponse ne manquent pas de surprendre. Cette croissance exponentielle de l’Église ancienne(1) ne s’explique ni par la mise en œuvre de programmes d’évangélisation bien ficelés ni par celle de cultes spécifiquement orientés vers les non-croyants (le culte ne leur était même pas accessible). Elle procède encore moins de la respectabilité de la communauté chrétienne ou de sa visibilité dans l’espace public. Non, il reste l’évidence : le christianisme croissait simplement parce que les chrétiens eux-mêmes, leur style de vie (à contre-courant), leur façon d’être ensemble et avec les autres étaient attirants. Les païens voyaient des personnes qui priaient et semblaient être porteuses d’une puissance spirituelle – Dieu à l’œuvre au milieu d’eux –, et cela les attirait. L’évangélisation consistait ainsi simplement en « un processus continu de fermentation », au contact naturel de la population. Et Dieu ajoutait ainsi chaque jour à son Église…
Ces quelques pages d’analyse historique sont passionnantes, vivifiantes ; même si le format un peu court de l’ouvrage nous laisse sur notre faim. Mais c’est probablement la visée de cet essai : une mise en appétit pour la réflexion et pour l’action. L’auteur poursuit dans le chapitre suivant en...