Daniel Marguerat est un auteur profond et prolifique que nul animateur d’études bibliques, nul prédicateur sérieux dans sa vocation d’interprète des Écritures, nulle personne en désir d’une lecture éclairée du Nouveau Testament, ne doit ignorer. L’Aube du Christianisme représente une remarquable introduction à la diversité des travaux de ce professeur de Nouveau Testament de l’Université de Lausanne dont l’une des caractéristiques est une exceptionnelle qualité pédagogique. Il est un des ces auteurs qui donne à son lecteur l’agréable sentiment d’être intelligent ! Sur le rayonnage du libraire les 530 pages peuvent effrayer, mais voici la bonne nouvelle, il s’agit de l’assemblage, très cohérent, de 18 articles indépendants les uns des autres et préalablement publiés en des lieux divers. Chaque article peut donc être lu pour lui même, et l’ensemble lu dans l’ordre qui plaît au lecteur. Attention la tentation est grande en ayant terminé un chapitre d’en attaquer immédiatement un autre tant cette lecture est riche et stimulante. Certes nul n’est tenu à adhérer à toutes les propositions de l’auteur, mais parce qu’il veille à cette double qualité : rien n’est affirmé sans être fondé, et la méthodologie est exposée, même un désaccord entraîne une réflexion stimulante.
L’Aube du Christianisme est constitué autour de 4 grands chapitres intitulés : Jésus, Paul, Marc & Matthieu, Luc & Actes. Le livre s’ouvre sur un long article consacré à Jésus de Nazareth, offrant le regard actuel de l’historien du christianisme primitif sur la personne de Jésus, sur son message, sur son groupe, ce que nous savons aujourd’hui du contexte religieux, politique et social de la Palestine du 1er siècle et comment Jésus est à la fois enfant de son siècle et différent de lui. Le second article envisage Jésus sous l’angle du sage et du prophète eschatologique. Du chapitre consacré à Paul, je signale particulièrement le premier article « La mystique de Paul ». J’aurais intitulé ce chapitre « vie spirituelle et prédication de Paul », un bref extrait :
« L’image caricaturale d’un Paul en intellectuel rationaliste tient plutôt de la projection de l’exégète sur son sujet : Paul priait ; Paul eut des visions ; Paul guérissait ; Paul parlait en langues. Mais il est d’autant plus frappant de constater que sur aucune de ces pratiques, l’apôtre ne fonde une mystique du croyant… Jamais il ne confère à ses propres expériences spirituelles une valeur paradigmatique, exemplaire de la condition croyante » (p. 167).
Cet article est suivi d’une stimulante étude de 1 Thessaloniciens « Imiter l’apôtre », puis de Philippiens chapitre 3 « Paul et la Loi ».
Sur les évangiles, l’article intitulé « Pas un iota ne passera de la Loi. La Loi dans l’évangile selon Matthieu » clarifie la problématique Matthieu-Paul, les œuvres et la grâce. S’il faut encore susciter le désir de cette lecture citons les titres de trois autres articles : « Quand Jésus fait le procès de juifs. Matthieu 23 et l’antijudaïsme » « Le Nouveau testament est-il antijuif ?» et, dans le chapitre sur Luc & Actes « Du temple à la maison » où D. Marguerat expose comment Luc articule le Temple lieu de légitimation et de ségrégation et la maison, caractéristique des disciples, lieu d’intégration.
Un index de 24 pages des textes bibliques, cités complète utilement le recueil.
27,50 euros ont certainement souvent été plus mal dépensés, courrez le risque d’une addiction à Marguerat.