La révolution de l’amour. Pour une spiritualité laïque.

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A priori, la philo n'est pas ma tasse de thé... J'ai plus l'habitude de lire la Bible ou des livres de théologie. Mais pour élargir mon horizon, j'ai décidé de chercher un livre d'un genre différent. C'est là que j'ai été interpellé par cet ouvrage, principalement attiré par ce sous-titre étrange : Pour une spiritualité laïque.

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La révolution de l’amour. Pour une spiritualité laïque.

Pour nous, la spiritualité est justement tout sauf laïque. Mais c'est intéressant de voir les raisons pour lesquelles Luc Ferry parle de spiritualité sans dieu (ou Dieu ?). Il commence par rappeler que tous les êtres humains, de toutes les époques et en tous lieux, ont ou auront à affronter des souffrances, des pertes d'êtres chers, et à la fin, la mort. Comment vivre heureux avec cette perspective ? Comment vivre une vie bonne malgré cette fin dramatique ? Les religions font appel à Dieu et à la foi pour permettre à l'homme d'obtenir le salut, qui consiste à vivre auprès de Dieu après la mort. La philosophie s'intéresse aussi au salut des hommes, mais elle ne cherche pas à les sauver de la mort elle-même, mais de la peur de la mort. Pour cela, certains courants de philosophie nous enseignent à ignorer la mort, d'autres à la minimiser, d'autres à y réfléchir pour donner du sens à notre vie. Si vous voulez connaître un peu mieux les différents grands courants philosophiques, ce livre va vous plaire. Savez-vous ce qu'enseignaient les stoïciens et les épicuriens ?... Un peu de culture générale ne peut pas faire de mal. Si le concept de « spiritualité laïque » vous étonne, vous serez sans doute encore plus étonnés d'apprendre que l'auteur nomme ainsi ce que Hegel appelait la « vie de l'esprit », cette quête de la sagesse et de spiritualité, mais sans dieu. Hegel était-il un charismatique sans dieu ?

L'homme d'aujourd'hui est influencé par toutes ces philosophies. Parfois, même les chrétiens sont influencés, sans s'en rendre compte, par de telles pensées. Ainsi, connaître ces différentes solutions face à la peur de la mort permettra au lecteur de mieux comprendre ceux qu'il côtoie, et peut-être de reconnaître en lui quelque attirance vers ces solutions sans dieu. Luc Ferry ne se contente pas de décrire les courants philosophiques, il propose également une évaluation de chacune. Inutile de dire qu'aucune ne lui donne entière satisfaction. Il n'est ni chrétien ni croyant. Amis chrétiens, savez-vous ce qu'il reproche à notre foi ? Il dit que les chrétiens cherchent refuge dans le futur, qu'ils ont de l'espérance. Pour lui, l'espérance est vaine, et même mauvaise : elle signifie qu'on ne vit pas vraiment dans le présent, qu'on n'accepte pas notre condition de mortel. Cette quête d'immortalité est jugée comme une autre manière de mourir, elle « nous condamne à mort dès cette vie même, en nous faisant perdre notre être propre, notre identité fondamentale d'être humain » (p. 319). Qu'en pensez-vous ? Les chrétiens ne vivent-ils que dans l'espérance d'un au-delà meilleur, sans vivre aucune joie sur cette terre ? Refusent-ils plus que les autres leur condition d'êtres mortels ? Luc Ferry n'est pas le seul à nous voir ainsi. À nous de montrer au monde que nous vivons aussi cette vie avec sérénité et joie.

Autre point intéressant, Luc Ferry propose une analyse de la mondialisation : comment et pourquoi s'est-elle développée ? Pourquoi est-elle irréversible ? Qu'est-ce qui pousse les gens à consommer toujours plus ? Sur ce point, on fait vite le parallèle avec la notion de contentement qu'on trouve dans la Bible. Et je trouve que Ferry fait preuve de sagesse (heureusement, car la philosophie, c'est l'amour de la sagesse) : « Plus vous avez une vie intérieure riche, plus vous êtes structuré par des valeurs non seulement morales, mais culturelles et spirituelles stables et fortes » (p. 94), moins vous aurez envie d'aller acheter des gadgets inutiles. Il fait le rapprochement entre la consommation, ou plutôt l'hyperconsommation, et la drogue : en vouloir toujours plus, et de plus en plus fréquemment, jusqu'à la mort. Voilà qui fait réfléchir...

Dernier point que je voudrais commencer à vous expliquer : pourquoi ce titre, La révolution de l'amour ? Y aurait-il quelque chose de révolutionnaire dans l'amour ? Ferry démontre que le mariage d'amour est très récent puisqu’il date du 20ème siècle. Quand on lit la Bible, on sait que le mari doit aimer sa femme comme Christ a aimé l'Église. Mais ce qu'on oublie souvent, c'est que jusqu'au siècle dernier, la plupart des mariages étaient des mariages arrangés, décidés par les parents pour des raisons de lignage, de biologie et d'économie. Ferry explique que c'est la mondialisation qui a amené les villageois en ville pour y trouver du travail. Ils se sont dégagés ainsi des pressions de la famille et de la religion, et ils se sont mariés librement avec qui ils voulaient, par amour. Les enfants nés de ces unions sont donc désirés et aimés bien plus que les enfants des unions imposées d'antan. Et c'est cela, pour Ferry, qui donne du sens à la vie, malgré sa finitude : le fait d'aimer et d'être aimé. Ainsi, face à un monde qui part à la dérive, face à l'égoïsme et à la poursuite des intérêts personnels, Ferry affirme que l'amour pourra sauver le monde. Son nouvel humanisme prône la fraternité (mais sans Père commun !), l'entraide, le plaisir de donner plus que de prendre, l'amour.

En lisant ce livre, vous verrez de belles intentions, vous serez exhortés à l'amour, mais vous apprécierez encore plus la solution des évangiles. Jésus aussi nous demande de nous aimer les uns les autres. Mais il ose affirmer que sans lui, nous ne pouvons rien faire (Jean 15.5). Je laisserai donc la spiritualité laïque à Luc Ferry.

Dernier aspect que je voudrais souligner : Ferry raconte trois mythes et propose des explications très intéressantes. Il s'agit du voyage d'Ulysse, avec sa tentation de l'immortalité, du mythe de Protagoras, qui raconte la création du monde, et de l'épopée de Gilgamesh, le grand homme qui ne voulait pas mourir.

Bonne lecture !

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Informations complémentaires

Luc Ferry, Paris, Plon, 2010. 476 pages, 22,50€.

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