Quelle relation entretenons-nous, en tant que pasteurs, responsables d’Église ou de communauté chrétienne, avec le réel ? Si un fil conducteur devait être donné aux différents articles de ce nouveau numéro des Cahiers de l’École Pastorale, la question du réel ou du concret figurerait à n’en pas douter en bonne position. Cela tombe bien, penserez-vous peut-être, pour une revue de théologie pratique. C’est vrai, mais ce numéro ne se focalisera pas uniquement sur le « faire » ou le « comment faire » de l’Église et de ses responsables. Si ce sera bien le cas des articles qui traitent de l’accompagnement des victimes de violences domestiques, de la prière communautaire en faveur des « chargés et fatigués », ou encore du bon usage de la démocratie dans l’Église, l’ensemble des articles (dont ceux cités ci-dessus) va plus loin. Ces contributions proposent en effet une réflexion approfondie sur le vécu réel dans le monde tel que nous le connaissons : fragmenté, empreint de violence, un monde qui ne connaît pas (ou trop peu) le Christ à qui les chrétiens rendent un culte, un monde « connecté » en permanence sur internet mais en manque de relations authentiques, etc.
C’est dans un tel monde que l’Église évolue. Elle est donc, de fait, en prise avec le réel, qu’elle le reconnaisse, s’en émeuve, ou pas. N’est-ce pas, d’ailleurs, par une telle réalisation que naît la théologie pratique ? Avant d’apprendre et de penser l’action chrétienne dans un contexte donné (le « comment faire »), c’est bien ce contexte qui doit faire l’objet d’une attention théologique et biblique toute particulière. Karl Barth, le grand théologien du XXe siècle, ne disait-il pas que le pasteur devait tenir la bible dans une main et le journal dans l’autre ? Oui, la théologie pratique est réaliste, elle connaît le monde, elle l’évalue, le confronte et l’aime. Mais elle n’est jamais pessimiste : forte du message d’espérance de la Bible, elle propose une vie, une pratique chrétienne, qui tend vers Dieu et son Royaume, qui s’enthousiasme de voir Christ à l’œuvre dans le monde.
Réalisme et espérance. Finalement, ce sont peut-être ces deux mots qui résument le mieux ce nouveau florilège d’articles. Si les pasteurs étaient dotés d’une troisième main, je proposerais donc peut-être, à la suite de Barth, d’y déposer ce numéro des Cahiers de l’École Pastorale… Bonne lecture !
Nicolas Farelly