1 Autrefois, vous étiez morts à cause de vos fautes et de vos péchés.
2 Par ces actes, vous conformiez alors votre manière de vivre à celle de ce monde et vous suiviez le chef des puissances spirituelles mauvaises, cet esprit qui agit maintenant dans les hommes rebelles à Dieu.
3 Nous aussi, nous faisions autrefois tous partie de ces hommes. Nous vivions selon nos désirs d'hommes livrés à eux-mêmes et nous accomplissions tout ce que notre corps et notre esprit nous poussaient à faire. Aussi étions-nous, par nature, destinés à subir la colère de Dieu comme le reste des hommes.
4 Mais Dieu est riche en bonté. Aussi, à cause du grand amour dont il nous a aimés,
5 alors que nous étions spirituellement morts[a]à cause de nos fautes, il nous a fait revivre les uns et les autres avec le Christ – c'est par la grâce que vous êtes sauvés.
a. Autre traduction : sous le coup d'une condamnation à mort.
6 Par notre union avec Jésus-Christ, Dieu nous a ressuscités ensemble et nous a fait siéger ensemble dans le monde céleste.
7 Il l'a fait afin de démontrer pour tous les âges à venir, l'extraordinaire richesse de sa grâce qu'il a manifestée en Jésus-Christ par sa bonté envers nous.
8 Car c'est par la grâce que vous êtes sauvés, par le moyen de la foi. Cela ne vient pas de vous, c'est un don de Dieu ;
9 ce n'est pas le fruit d'œuvres que vous auriez accomplies. Personne n'a donc de raison de se vanter.
10 Ce que nous sommes, nous le devons à Dieu ; car par notre union avec le Christ, Jésus, Dieu nous a créés pour une vie riche d'œuvres bonnes qu'il a préparées à l'avance afin que nous les accomplissions.
Quelques mots d’introduction
Ce texte – Éphésiens 2.1-10 dans la traduction du Semeur – ne m’a pas été imposé par un lectionnaire ou la liturgie du jour, cela aurait pu être le cas et je ne vois personnellement pas de contraintes gênantes dans cette approche. Quand j’ai choisi ce texte je l’ai fait sur un critère que je qualifierai modestement d’« inspiration pastorale ». C’est l’articulation entre la grâce de Dieu offerte à l’homme sans condition et la réponse du chrétien à celle-ci dans le cadre d’un service au sein d’une Église locale qui m’a orienté dans le choix de ce texte. Cette thématique me semblait fondamentale à ce moment de la vie de notre communauté pour que je m’attelle sérieusement à cette question, d’où l’expression « inspiration pastorale » et ce texte d’Éphésiens m’a paru contenir suffisamment de matière en rapport avec cette thématique pour y puiser une prédication.
La deuxième remarque c’est que dans la préparation de cette prédication je m’efforce de résister à la tentation constante d’imposer des vues partisanes, opinions ou dadas théologiques au texte. Cette réserve ne m’autorise pas à prendre toutes les libertés mais elle ne m’emprisonne pas pour autant dans l’exposition du texte, c’est une sécurité, un rail tracé par celui qui a inspiré ce texte, l’Esprit de Dieu. C’est pourquoi, je dois me rappeler sans cesse que je suis toujours au service d’une Parole et non l’inverse.
Bas les cartes, discours de méthode…
1) J’adhère pleinement à la conception de l’analogie de l’Écriture d’abord dans le contexte de l’épître : je crois que l’auteur de cette lettre garde tout au long de sa missive une intention théologique, une cohérence de pensée. Il y a donc une logique interne à la lettre qui ne peut être la propriété de personne si ce n’est de celui qui l’a inspirée. Puis, cette même cohérence de pensée, je l’applique à l’ensemble des Écritures pour éclairer le texte d’Éphésiens 2.1-10 qui sert de base à la prédication : « Toute Écriture est inspirée de Dieu et utile… » (2 Tm 3.16).
2) Le choix de la version : la Bible du Semeur m’a paru la plus intéressante pour ce texte car dans sa syntaxe je trouve qu’elle articule bien chaque proposition et phrase tout au long de la péricope. Je ne me sens pas pour autant emprisonné par une traduction ; à l’occasion le texte grec me servira de socle.
3) La découpe d’un texte biblique pour une prédication pose toujours quelques difficultés : où commencer ? Où terminer ? À ce sujet, méfions-nous des titres et des alinéas que les éditeurs de nos Bibles imposent au texte de façon arbitraire quelquefois et qui peuvent nous influencer :
– Le passage choisi en 2.1 marque une étape dans le développement de l’épître. Les versets précédents décrivent d’un point de vue céleste le Christ « chef » de l’Église et les privilèges glorieux de l’Église « corps » de ce chef, le tout sous la forme d’une prière d’adoration. Au verset 1 du chapitre 2, l’apôtre revient sur terre en décrivant la dure réalité des hommes pêcheurs, sans Christ. On passe donc une étape dans le développement de la pensée de l’apôtre.
– Concernant la fin du passage, je m’arrête au verset 10 tout en sachant que le verset 11 est introduit par une conjonction de coordination « dio » (que l’on peut traduire par « c’est pourquoi », « ainsi donc », « en conséquence »). Dès lors pourquoi s’arrêter au verset 10 ? Ne serait-il pas logique d’englober les versets suivants au passage choisi ? Il y a effectivement une logique d’enchaînement des phrases dans tout ce chapitre (logique interne au chapitre 2, mais aussi à toute l’épître) mais si nous continuons avec le verset 11, il faut prendre aussi tout ce qui suit et là, il y a une difficulté supplémentaire car l’apôtre développe toute une pensée très élaborée sur l’union en Christ des non-juifs et des juifs jusqu’à la fin du chapitre. Ceci nous amènerait à parler de beaucoup de choses par rapport au thème des 10 premiers versets : la grâce de Dieu à l’égard d’hommes pêcheurs qui ne la méritent pas. Tout dépend donc de mon objectif. Est-ce que je veux rentrer dans le détail du texte ou survoler et dans ce cas je peux aborder dans ma prédication tout l’ensemble jusqu’au verset 22 ? Cela dépend aussi de mon planning de prédication, est-ce que j’ai prévu de faire une série de prédications sur toute l’épître dans la continuité de cette prédication (ce qui n’était pas le cas cette fois-ci) ? Après plusieurs lectures du texte et beaucoup de tergiversations, j’opte pour clôturer mon texte au verset 10 afin de bien circonscrire ma thématique du départ.
– Un dernier point à noter. Il y a une inclusion dans ce passage. Les versets 2 et 10 ont un même verbe traduit par « marcher ». Ce parallèle permet de penser que tout au long de ces versets l’auteur développe un même sujet, savoir : marcher selon ce monde ou marcher dans les œuvres préparées d’avance par Dieu.
4) Le plan : c’est une étape délicate car le plan orientera forcément tout le développement de la prédication. L’autre difficulté réside dans le risque de créer de toute pièce un plan artificiel sans aucun lien avec le texte. Peut-on discerner une logique dans ce texte ? Une pensée se développant par des étapes bien définies ?
– Ce texte d’Éphésiens comporte un double accent : d’une part le verdict sans appel de Dieu sur tous les pêcheurs que nous sommes (1 à 3) et d’autre part, l’initiative de Dieu, sa grâce souveraine et suffisante fondée uniquement sur sa « riche miséricorde » et son « grand amour » (4ss). Le verset 4 marque un tournant fondamental dans la construction du texte.
– Qu’en est-il de la réponse de l’homme à cette grâce ? Le texte ne donne pas une réponse directe et très développée à cette question mais les versets 8 à 10 nous donnent une piste : nous sommes son ouvrage (10a) et désormais en tant qu’œuvres de Dieu créées en Jésus-Christ nous ne pouvons que le glorifier par le don de nos vies, ce que l’apôtre décrit par une forme d’hébraïsme « marcher dans les œuvres ». Expression bizarre pour un occidental du XXIème siècle qui marche sur des trottoirs et non pas sur des idées ou des comportements. Pour faire le lien avec notre culture, on traduit couramment cette expression par « pour que nous les accomplissions » (10b). Sur la base de cette analyse du texte, je propose un plan en 3 parties :
I. Une nécessité fondamentale : accepter et reconnaître notre impuissance et recevoir humblement la grâce de Dieu (1-3).
II. La grâce de Dieu à l’œuvre en Jésus-Christ tout au long de la vie chrétienne (4-7).
III. Comment répondre concrètement à cette grâce ? (8-10)
I. Versets 1 à 3
• Verset 1 à 2
Cette lettre est adressée à toute une région, dont la ville d’Éphèse était le principal pôle de rayonnement. Celle-ci, très peuplée (250.000 habitants environ) était réputée pour être un grand centre commercial, culturel et religieux. Sur ce dernier point le texte d’Acte 19.23-40 est très explicite. Les versets 1 et 2 expriment clairement les activités ténébreuses, occultes liées aux pratiques païennes de la région d’Éphèse (cf. le culte à Artémis et tout le commerce qui en dépendait). L’apôtre résume tout cela par le même verbe que le verset 10 « marcher », sauf qu’il s’agit ici de marcher selon ce monde et non dans « les œuvres préparées d’avance par Dieu ». Marcher, c’est réellement être impliqué dans ce que l’on fait, y trouver son plaisir, sa raison d’être, son fondement de vie, de croyance et d’espérance. Un homme qui marche selon est un homme qui est en osmose avec les coutumes, les croyances de son temps. De nos jours beaucoup de pratiques occultes et de spiritualités sont de mode, il est de bon ton de s’essayer à ce qui est dans l’air du temps. Déjà au tout premier siècle de l’ère chrétienne, on qualifiait les chrétiens d’athées car ils rejetaient le panthéon des dieux gréco romains.
• Verset 3
Personne ne peut faire l’économie de la grâce de Dieu, pas un seul juste devant Dieu. Dans ce verset, l’apôtre Paul s’associe à la condition de tous les hommes. Il est juif mais tout comme les païens d’Éphèse il a expérimenté la puissance du péché dans sa vie pour finalement s’abandonner aux mains de Dieu et recevoir, après d’âpres luttes, à la grâce du pardon. Conclusion : Une religion peut-elle nous sauver ? Non ! Une morale bien ficelée peut-elle donner la paix à notre conscience ? Non ! La résilience est-elle la solution pour rebondir au sein des difficultés ? Non ! Et Paul de conclure ce passage par ces mots scandaleux « nous étions par nature des enfants de colère ». Rousseau avait dit que l’homme naît bon mais que c’est la société qui le corrompt ! Paul nous dit que nous sommes corrompus par nature et non pas par culture, Quel constat !
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