Depuis les premiers temps de la Réforme, le protestantisme parle de discipline ecclésiastique, mêlant autant dans son contenu l’organisation de l’Église que la sanctification du croyant. La recherche de la sainteté du croyant et de l’ensemble de la communauté obligeait les réformateurs à se positionner en matière d’autorité afin que dans l’église règne le « bon ordre » comme le disait Calvin.
Toutefois, soucieux de ce que l’autorité ne se mute pas en autoritarisme, l’exercice collégial de cette discipline d’Église était requis pour autant qu’il soit possible, et ceci, en vue de chercher en toutes les manières possibles à « ramener le pécheur dans le droit chemin ». Jean Calvin ne souhaitait pas d’excommunication majeure, mais prônait une attitude plus mesurée de dialogue avec le fautif, principalement lorsque l’église catholique, à cette époque, ordonnait la défense d'avoir « conversation » avec les excommuniés.
Nous discernons de ce fait que, dès le début de la Réforme, le double souci de ne pas faire entrer le péché dans l’Église mais de ne pas condamner définitivement un pécheur était présent. Ainsi, cette double démarche d’exercice d’une discipline, et en même temps d’une responsabilité de réhabilitation, traçait la voie à une « pastorale ». Nous entendons par pastorale tout l’accompagnement de la personne avant et après un acte disciplinaire.
C’est ce domaine de la pastorale que nous voulons explorer pour faire ressortir, non pas tant les démarches, que l’état d’esprit de l’exercice de la discipline quel que soit le cas. Même lorsqu’il peut être question de ces cas trop douloureux de fautes morales, de fautes liées au pouvoir ou à la malversation.
La loi et toujours la loi !
Quand nous pensons à une intervention disciplinaire, nous faisons la plupart du temps référence à la loi et aux diverses modalités pratiques de sanctions. Le plus souvent nous pensons la discipline dans un contexte pénal : celui d’un délit appelant une sanction.
« L’intervention disciplinaire » en cas de faute grave pourrait, à première vue, se suffire de ce cadre-là, et prétendre avoir rempli sa mission. Mais la question est bien de cerner si la faute n’appelle que la loi, ou bien si elle invite dans le cadre de l’Église et des relations fraternelles à prendre en considération un autre domaine : celui de la confiance ? La confiance à considérer en ce domaine comme lieu d’aveux et de guérison.
La discipline en amont et en aval !
Les décisions disciplinaires, si elles peuvent donner l’impression que « justice est faite » ou que « l’exemple a été donné pour les autres », peuvent parfois ne satisfaire que le côté « légaliste » de notre logique, et en définitive s’avérer un échec. Comme le disait dans un autre contexte un directeur de prison : « quand on punit, c’est que l’éducation a échoué » ! Un échec en profondeur ! Celui sans doute de ce manque d’écoute, d’attention, de confiance suffisante dans les relations qui aurait pu permettre que l’intervention disciplinaire n’ait pas lieu, ou qu’elle soit moins sévère ou conflictuelle. Cette position pourrait paraître bien idéaliste mais n’est-ce pas ce chemin-là qu’il convient d’explorer ? Parce que nos assemblées d’Église sont constituées de relations, de communion, de soutien mutuel. Il est fondamental de nous poser la question de ce qui est en amont de l’intervention disciplinaire - le contexte préalable - et de ce qui est en aval - les conséquences humaines, relationnelles, et l’impact sur la durée.
Nous nous laissons à penser que pour tous, la discipline corrective s’exercera toujours à contrecœur : il vaut donc mieux y être préparé pour éviter de laisser passer la passion avant la raison. D’ailleurs, pourquoi ne pas aborder ce sujet en Église au moment où les choses vont bien ? Mais, c’est rarement le cas et souvent nous hésitons en ayant la crainte de voir venir les cas difficiles, par le simple fait d’en parler ! De ce fait nos règlements intérieurs sont souvent assez pauvres pour traiter la question ; ce qui entraîne souvent des malaises. De plus, si l’Église vit dans un climat de suspicion, de jugement qui en permanence trie et catalogue dans des registres les « bons » des « mauvais », l’exercice de la discipline aura des conséquences catastrophiques. La discipline risque bien d’être perçue comme « une chasse aux sorcières ».
Pour éviter que la discipline n’apporte plus de problème qu’elle n’en solutionne, il est bien impératif de voir ce que l’Église entretient comme climat relationnel pour pouvoir exercer la discipline d’une manière juste.
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