On a vu tellement de gens ces jours-ci ! Jésus n’a pas arrêté : il a prêché, guéri, écouté, délivré… Tout le monde se l’arrache. Il a fallu qu’on aille se réfugier de l’autre côté de la frontière, histoire de souffler un peu !
Une trouble-fête
Et ce soir, voilà qu’arrive une femme du village, une étrangère. Elle s’agenouille, devant la porte entrouverte, elle pleure, elle crie : « Seigneur, héritier du roi David, prends pitié de moi ! Ma fille est cruellement tourmentée par un démon ! » Franchement, pour qui se prend-elle pour importuner le Maître ? Elle, une païenne ! D’ailleurs Jésus ne répond rien, ça veut bien dire ce que ça veut dire… Mais la femme continue de crier, elle hurle, elle se lamente… On va finir par attirer l’attention ! Je vais voir Jésus : « Écoute, renvoie-la, elle nous fatigue, avec ses cris ! »
Alors Jésus sort sur le pas de la porte, il s’assoit sur une marche. Je m’attends à une remontrance, mais il parle calmement, comme pour engager le dialogue : « J’ai été envoyé pour mon peuple, le peuple élu, les brebis perdues d’Israël. » Mais la femme vient se jeter à ses genoux, elle l’implore : « Maître, j’ai besoin de toi, viens à mon secours ! »
Un dialogue étonnant
Nous, les disciples, on reste derrière. Manifestement la femme ne comprend pas ce que dit Jésus, mais bon, en principe, il a les choses en main. Alors, on attend.
Tout doucement Jésus lui dit alors : « Il ne faut pas enlever le pain de la bouche des enfants, pour le jeter aux chiens. » Ah oui, Jésus est venu pour nous les Juifs. On a bien besoin de lui, ce serait bien qu’elle le comprenne, et qu’elle se trouve son Messie à elle !
La femme renifle, relève un peu la tête pour regarder Jésus de biais : « Oui, Maître, c’est vrai ce que tu dis. Les enfants doivent manger d’abord, mais il y a suffisamment de pain pour que les miettes qui tombent nourrissent aussi les chiens sous la table. » Jésus réagit instantanément : « Femme, ta foi est grande ! Qu’il se produise ce que tu désires ! »
Je n’ai pas trop compris
Qu’est-ce que Jésus a donc voulu dire avec cette histoire d’enfants et de chiens ? Mais la femme, elle, est repartie chez elle, confiante dans cette promesse arrachée à Jésus. Plus tard dans la nuit, Jésus nous a expliqué : il y a suffisamment d’amour en Dieu pour tous : les Juifs et les autres. Il n’y a pas de limite au salut de Dieu. Même si Jésus est d’abord envoyé comme Messie pour son peuple, il l’est aussi pour le monde entier.
Le lendemain, la femme vient nous annoncer toute joyeuse la nouvelle : après des mois de tourments, d’agitation, d’insomnies et de crises terribles, sa fille dort paisiblement sur son lit. Elle dépose alors sur la table ce qu’elle a préparé pendant la nuit : du pain, des gâteaux, des paniers de fruits. Elle ajoute du vin et de l’huile, du parfum, un tissu de belle qualité. Manifestement, elle nous donne ce qu’elle a de plus précieux. Elle repart discrètement. Je la vois soulagée, heureuse, reconnaissante.
Mais elle ne se doute pas que nous aussi nous sommes bouleversés. Elle m’a fait comprendre que l’amour de Dieu dépasse les frontières.