La cérémonie vient de se terminer, et la foule se dirige vers le buffet. Une flûte de champagne à la main, je salue un ami et baisse le masque pour boire. Je lui précise que je suis vacciné. Il sursaute et me répond : « Moi, jamais ! » Je m’étonne de sa réaction et m’informe sur un refus si absolu. Il m’explique qu’il « sait » que Bill Gates a donné des fonds pour le développement du vaccin, mais qu’aussi, il avait investi dans les laboratoires chinois et qu’il serait à l’origine de la Covid. Pour gagner de l’argent avec les vaccins ? Que nenni ! Mon ami m’explique que Bill Gates veut que toute la population mondiale soit vaccinée, car ce n’est pas le virus qui nous tuera tous, c’est le vaccin ! Le but du milliardaire est de conserver cinq cents millions de personnes sur terre, et pas plus…
Fake news, quand tu nous tiens…
Une fake news, qu’on appelle aussi infox, est une fausse nouvelle, une contre-vérité. Tout le monde a bien sûr le droit de se tromper. Pour qu’il y ait fake news, il faut une volonté de manipuler l’autre, de le tromper. C’est donc une désinformation assumée. Pour cela, elle doit passer pour vraie. Se présenter comme un article de journal ou ressembler aux médias traditionnels. Elle doit aussi avoir un côté accrocheur, pour que le lecteur potentiel ait envie de la lire. Depuis la nuit des temps, les humainsont cherché à mentir et à tromper leurs semblables. On connaît « l’air de la calomnie » du Barbier de Séville. Par contre, la nouveauté, ce sont les moyens de diffusion. Les fake news sont liées à l’émergence d’Internet et des médias, et surtout aux réseaux sociaux. Ceux qui diffusent des fake news cherchent une diffusion massive, ce qu’on appelle la « viralité ». Or, pour qu’une information ou une vidéo soit virale, il faut qu’elle choque ou qu’elle soit sensationnelle, d’où l’intérêt pour la médisance et la calomnie.
En politique
Lors de la primaire de 2017 en France, Alain Juppé caracolait encore en tête des sondages, quand une rumeur s’est diffusée par une chaîne de mails : Alain Juppé se serait converti à l’Islam, et aurait l’intention de construire la plus grande mosquée d’Europe à Bordeaux, sur fonds publics bien évidement. Du jour au lendemain, Alain Juppé devenait « Ali Juppé » ! Gilles Boyer, son directeur de campagne, écrit dans son livre « Rase campagne » : « J’ai longtemps pris ça à la légère. Nous avons préparé un document qui explique en quoi tout cela est faux. Mais la raison n’avait pas sa place… J’ai clairement sous-estimé la crédulité des destinataires : qui peut sérieusement penser qu’Alain Juppé est l’agent dormant de l’islam radical ? Je me suis trompé : il s’est trouvé des gens pour le penser. » Sans cette rumeur, Alain Juppé aurait-il gagné la primaire de la droite ? Personne ne peut l’affirmer. Mais une chose est certaine, elle lui a fait perdre beaucoup de voix.
Dans le domaine médical
Les anxieux. Complotistes, ils sont persuadés que le gouvernement leur ment, que les médecins sont assujettis à Big Pharma, qui elle-même veut les asservir (même s’ils n’hésitent pas à prendre du paracétamol pour un banal mal de tête). Tout nouveau traitement, tout nouveau vaccin, et même tout nouveau produit, ne peut être que dangereux, comme la 5G, le four à micro-ondes, le compteur Linky, le téléphone portable, etc. L’infox leur donne l’impression d’être des « lanceurs d’alerte ».
Ceux qui veulent s’enrichir. Ils ont découvert que contester la médecine officielle était une activité lucrative. Ils ne sont pas médecins, mais se permettent de diffuser des conseils, des analyses, des prescriptions en toute impunité, et se font rémunérer par des abonnements à des lettres toutes plus sensationnelles les unes que les autres.
Face au flot de désinformations dans le domaine de la santé, l’INSERM vient même d’éditer un livre intitulé « Fake news santé ». Mais les complotistes le liront-ils ?
Bêtise et compulsivité
N’oublions pas ceux qui sont fiers de lancer des nouvelles totalement fausses, avec le plaisir pervers que d’autres y croiront. On trouve cela partout, y compris dans le milieu chrétien. Par exemple, l’ONG Portes Ouvertes a dû dernièrement faire une mise en garde concernant des fake news sur la situation des chrétiens en Afghanistan. Si la persécution y est bien réelle, l’information concernant 229 missionnaires condamnés à mort était totalement fausse. Une vidéo parlant de missionnaires torturés dans des sacs plastique était tout aussi délirante*. D’ailleurs, elle avait été tournée, non en Afghanistan mais en Bolivie !
On peut aussi lancer des fake news par un goût immodéré et compulsif de faire parler de soi. Le président Trump était champion toutes catégories en ce domaine. Selon un décompte établi en août 2018 par le Washington Post, il twittait environ 7 à 8 infox par jour !
Que faire ?
L’apôtre Paul demandait aux chrétiens de son époque de dire « la vérité avec amour », ce qui devrait être l’attitude de tout être humain. Mais la tendance actuelle d’une partie de notre société est plutôt la recherche de l’infox, du dénigrement, voire de la haine.
Triste constat, et raison de plus d’être vigilant, car nous aussi, nous risquons de diffuser des infox, tout simplement parce que nous les avons crues et que nous les transmettons à d’autres.
LE PIÈGE À CLICS
Chaque fois que vous cliquez sur un site sur lequel se trouve de la publicité pour un produit, l’entreprise qui le diffuse rémunère le site. D’où la profusion de titres accrocheurs pour que l’internaute clique. Plus de clics, plus de profits ! Ainsi, une seule personne peut être à la tête de plusieurs sites de fake news : un bon moyen de s’enrichir. Le journal Le Monde a identifié fin 2018 un informaticien français du nom de Johann Fakra qui avait créé une trentaine de sites de désinformation dans le domaine du sensationnel, du complotisme et de la santé.
DANGERS DES FAKE NEWS
En plus des mensonges et des calomnies que les fake news colportent, on peut noter d’autres dommages collatéraux.
L’EFFET BOULE DE NEIGE
Si une information est répétée à l’envi, et avec des sources différentes, elle va trouver du crédit, même si elle est totalement fausse. Ainsi, plus l’infox est relayée, plus le public a tendance à croire qu’elle est vraie.
LES MÉDIAS
Dans un souci de rester dans la course face à l’influence des réseaux sociaux, la presse et la télévision n’hésitent pas à diffuser des informations sans les vérifier. Ce qui va les rendre crédibles, alors qu’elles ne sont pas prouvées.
LA PSEUDO « JUSTICE » MÉDIATIQUE
Dans la mesure où le scandale attire, beaucoup d’articles et d’émissions télévisées sont basées sur des fake news. Des personnes, qui n’ont pas été condamnées, ni même seulement mises en examen, sont ainsi jetées en pâture, sans pouvoir vraiment se défendre.