Il marchait sur le trottoir à côté de sa femme et elle lui parlait ; il était irrité parce qu’il ne comprenait qu’un mot sur deux de ce qu’elle lui disait à cause du bruit des voitures. Puis le trottoir est devenu plus étroit, et il marchait maintenant derrière elle. Elle continuait de lui parler ; son irritation grandit encore un peu plus car il ne comprenait presque plus rien de ce qu’elle disait. Soudain une pensée traverse son esprit : « Il y a tant de couples qui ne se parlent plus, et toi tu as la chance que ta femme te parle, même au milieu de la circulation. » Ce fut comme un rayon de soleil. Son irritation disparut, et il fut rempli de joie.
Permanence et changement
« Deviens qui tu es » disait Nietzsche. Mais est-ce si facile ? Est-ce seulement possible ? Sommes-nous en mesure de nous comprendre nous-mêmes ?
Comment devenir ce que je suis, alors que je change tout le temps ?
Il est évident que nous changeons en permanence. Nous sommes tous différents du bébé, du petit enfant, de l’adolescent ou du jeune adulte que nous étions. Nous avons changé dans nos pensées, nos émotions, nos comportements, en fonction de l’histoire de notre vie. Il est évident aussi qu’une partie de nous-mêmes reste la même : le matin, c’est bien nous qui nous levons et pas un autre après une nuit qui nous a quand même imperceptiblement changé. Ce petit enfant humilié par un instituteur, c’était nous, et quelquefois nous ressentons les mêmes émotions quand notre manager est insatisfait de notre travail.
Pourquoi changeons-nous ?
Qu’est-ce qui nous fait changer ? On pourrait répondre que la vie elle-même nous fait changer. Notre corps change, sans l’apport de notre volonté. L’éducation que nous avons reçue nous atransformé petit à petit. Les expériences de notre vie ont modifié nos comportements ; certaines personnes ont eu une grande influence sur nous et cela a laissé des traces.
Il y a donc une série de facteurs qui nous font changer sans que nous en ayons vraiment conscience. Un des plus grands facteurs de changement est sans doute le contexte dans lequel nous vivons, c’est-à-dire la société, la culture, les médias, la justice, etc.
Quand j’étais étudiant, mon voisin était parti faire son service militaire. Après deux mois, il est rentré en permission. Quand je l’ai rencontré, il a émis des critiques sur la Marine et l’Armée de l’air. Il ne lui a donc fallu que deux mois à l’Armée de terre pour faire de lui un bon fantassin.
Quelquefois, nous voudrions être différents de ce que nous sommes. Nous voudrions changer, mais pas sous l’influence des autres ou du contexte ; nous voudrions vivre une autre vie.
Certains réussissent ; d’autres n’y arrivent pas. C’est comme s’ils retombaient constamment dans le même scénario. Plus ils veulent changer, plus ils reproduisent le passé.
Changer les autres
Nous souhaitons changer, mais finalement nous nous trouvons quand même assez bien. Dans sa fable « La Besace », Jean de la Fontaine imagine Jupiter proposant aux animaux de corriger un défaut chez eux, au cas où il aurait fait une erreur en les créant. Nous connaissons la suite : chaque animal se trouve très bien, mais propose à Jupiter de corriger quelque chose sur un autre animal. C’est ainsi que malgré son besoin de changement, l’être humain préfère souvent critiquer, car finalement, le bonheur de juger les autres, fait que pendant un court moment on se sent mieux. Or les sujets ne manquent pas : la famille, les amis, les collègues, la hiérarchie, la société, la police, la façon dont le gouvernement gère la pandémie, etc. Chacun y va de son couplet, donnant des bons points mais surtout des mauvais, selon la météo interne de son état d’humeur. Un des exercices les plus déprimants actuellement, est d’aller sur les réseaux sociaux. Que de haine, que de bêtises en tout genre, de la part de personnes qui ne regardent jamais dans la poche arrière de leur besace.
Le changement de regard
Beaucoup de nos difficultés avec les autres parlent davantage de nous-même que des autres. Le problème n’est pas les autres, mais la façon dont nous envisageons notre relation avec eux, la façon dont nous interprétons leurs attitudes, leurs comportements et leurs émotions.
Dans l’anecdote de cet homme exaspéré de ne pas comprendre ce que sa femme lui disait, c’est son changement de regard sur la situation qui l’a fait passer de l’irritation à la joie. Ce regard nouveau l’a fait réfléchir et l’a encouragé à vivre différemment ses relations avec les autres : enfants, collègues de travail…
Un grand secret de la vie est de comprendre que nous ne pouvons pas changer les autres. Par contre, quand nous changeons notre regard sur une situation ou une personne, très souvent les autres changent.
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Les philosophes de l’Antiquité se sont demandé : « Quelle est la substance qui persiste à travers le changement ? » Héraclite fut le premier à mettre en évidence le rapport dialectique entre changement et permanence. La réalité, selon lui, devait son existence à cet affrontement car le réel est un devenir qui résulte du combat entre ces deux forces.
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« Nous sommes lynx envers nos pareils, et taupes envers nous. Nous nous pardonnons tout, et rien aux autres hommes. On se voit d'un autre œil qu'on ne voit son prochain… Le Fabricateur souverain nous créa Besaciers tous de même manière, tant ceux du temps passé que du temps d'aujourd'hui, il fit pour nos défauts la poche de derrière, et celle de devant pour les défauts d'autrui. » Jean de la Fontaine
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Jean-Paul Sartre disait : « L’enfer c’est les autres. » Il est vrai que les autres peuvent nous faire beaucoup de mal et il serait superficiel de le nier. Mais dans beaucoup de cas, il serait préférable d’écouter Épictète qui disait : « Ce ne sont pas les choses elles-mêmes qui nous troublent, mais l’opinion qu’elles nous en inspirent. »