Cela fait près d’une semaine que l’impensable est arrivé. Lazare, notre frère, est tombé brusquement malade, avec de la fièvre, des convulsions, des nausées…
Comme Jésus, notre ami, n’était pas très loin, nous l’avons fait prévenir au plus vite, pour qu’il vienne soulager notre frère. Mais rien ! Aucune réponse de sa part !
Au fil des jours, nous avons vu Lazare dépérir, jusqu’à ce qu’il rende son dernier souffle : c’est venu comme un choc, une agression. Un homme si jeune, si vaillant ! C’était mon petit frère, et les souvenirs de notre vie commune passent et repassent en boucle. Je le revois faire ses premiers pas, ou lorsqu’il a participé pour la première fois à la fête de la Pâque, ou encore quand il est rentré de la synagogue avec les félicitations de son maître de lecture… Je le revois s’agacer, rire, s’agiter, tomber, s’inquiéter, chanter – toutes ces expressions qui ne viendront plus jamais animer son visage.
Beaucoup de personnes sont venues nous soutenir et nous montrer leur affection. Notre maison ne désemplit pas, nous recevons des hommages, des courriers, des plats, des cadeaux. Des amies viennent pleurer avec nous… Mais je les vois passer comme dans un songe. Il y a quatre jours, nous avons placé Lazare dans un tombeau et c’est moi qui étouffe ! Je pleure, je manque d’air, je n’y crois pas. Comment est-ce possible ? Comment la mort peut-elle remplacer l’évidence de la vie, si vite, si brutalement ?
Mardi après-midi. J’entends sans les écouter les voisines. Marthe arrive alors, essoufflée, toute rouge. Elle me murmure à l’oreille : « Il est là. Il a demandé après toi. Vas-y ! » Elle me conduit hors de la maison et me montre la direction. En sortant du village, je le vois enfin : Jésus m’attend.
Je le rejoins. En arrivant, c’est comme si tout lâchait. Je m’effondre à ses pieds, j’éclate en sanglots, les mots sortent sans que je l’aie décidé : « Si tu avais été là, mon frère ne serait pas mort ! » Je sais que je ne devrais pas douter de Jésus ainsi, mais ces jours-ci, je ne comprends plus rien, je n’ai plus de certitudes, je suis perdue, apeurée et en colère, je me sens trahie et abandonnée.
Jésus s’assoit à mes côtés, met un bras sur mes épaules. Je le sens tendu, ému. C’est comme s’il partageait tous mes sentiments. Je l’entends parler avec ceux qui nous ont rejoints, puis, un bruit que je n’attendais pas : il pleure à côté de moi.
Sans me regarder, il me serre un peu plus fort. La force de son soutien me réconforte, en plein cœur de ma détresse. Puis, d’un coup, il se lève et part vers le tombeau. Dans son pas déterminé, je sens une promesse : il va faire quelque chose. Alors je me lève, et je le suis.