Ouf ! Jacqueline Sauvage a été graciée. Enfin, presque, puisqu’elle reste considérée comme une meurtrière. Quand elle a tiré trois balles dans le dos de son mari, il ne la mettait pas en danger de manière imminente. Il l’avait « seulement » menacée de mort quelques instants ou quelques heures auparavant. La femme martyrisée avait, c’est le cas de le dire, « pété les plombs », mais de façon décalée dans le temps, donc : pas de légitime défense.
Droit et bon sens ne font pas toujours bon ménage
Elle avait été tabassée pendant 47 ans, son fils s’était suicidé deux jours avant, les trois filles avaient été violées pendant des années, toute la famille avait été réduite au silence et terrorisée par cette brute dont tout le voisinage souhaitait la mort.
Mais voilà : la famille avait eu le tort de se taire, comme l’avait argumenté la présidente du tribunal dont le mari n’est sans doute pas un bourreau ; et, stricto sensu, Jacqueline Sauvage avait tiré sur un pauvre homme sans défense. Dix ans de réclusion criminelle pour 47 ans de patience, de silence et d’esclavage.
Pendant que la justice ergote au point de prendre, et même de confirmer, une décision qui révolte le bon sens, il y a environ 150 femmes qui, tous les ans, rien qu’en France, meurent sous les coups de leur conjoint. 150 femmes... et 25 hommes.
Pas de solution satisfaisante
Comme toujours dans ce genre d’affaire extrême, on ne peut pas créer de précédents qui, par exemple, en viendraient à considérer comme légitime de tuer tous les maris violents. Mais à l’inverse, une justice trop mathématique peut laisser entendre aux gens qui maltraitent, tabassent ou violent leur conjoint et leurs enfants que, moyennant quelques précautions, ils peuvent être assurés de l’impunité. C’est hélas trop fréquemment le cas.
En France, que ce soit dans des affaires de violences familiales ou de violences policières, la tendance serait : « Faites-vous tuer d’abord, et allez vous plaindre ensuite. » Aux États-Unis, c’est le contraire : « Flinguez d’abord, et les victimes iront s’expliquer ensuite... dans l’autre monde. »
S’il faut qu’il y ait des juges, des procureurs et des avocats, c’est bien parce que l’appréciation des crimes et délits n’est pas une science exacte. Or, dans le cas de Jacqueline Sauvage, tout le monde a compris, sauf le jury, que cette femme était avant tout une victime.
Savoir faire la part des choses
Dans la Bible, on voit bien que tous les meurtres ne sont pas équivalents et que certains sont sinon approuvés, en tous cas considérés avec bienveillance. Par exemple, dans sa jeunesse, Moïse avait tué un Égyptien qui frappait un Hébreu : il avait dû s’enfuir au désert pour échapper au châtiment du pharaon. Or, quel bilan la Bible fait-elle de ce meurtrier, à la fin de sa vie ? « Il ne s’est plus levé en Israël de prophète comme Moïse, que le Seigneur connaissait face à face... ». Jacqueline Sauvage n’est pas une héroïne ; mais ce n’est pas une criminelle dans l’âme, juste une jeune fille irréfléchie qui est devenue une femme pas très avisée. Maintenant, qu’on la laisse enfin connaître quelques années de paix.