Juillet 1984. Arès avoir organisé des négociations pendant deux ans, François Mitterrand annonçait le retrait du projet de loi Savary sur l’école publique. Il avait reculé devant deux millions (ou un…) de manifestants défendant les écoles privées telles qu’elles existent toujours en France. Était-ce une lâcheté politique ? Car cette mesure figurait parmi les 110 propositions du candidat de la gauche, dont les troupes se sentaient trahies.
Hiver-printemps 2013. Malgré trois grandes Manifs pour Tous rassemblant certainement à chaque fois plus d’un million de personnes (et non le chiffre ridiculement « exact de 340.000 -selon-la-police »), et surtout malgré 700.000 signatures hostiles au Mariage pour Tous dûment comptabilisées par le CESE, François Hollande obtient le vote de la loi.
28 mai 2013. La loi Fioraso comportant l’extension de l’autorisation de dispenser des cours en langues étrangères est adoptée, malgré une forte opposition… y compris celle de 40 députés socialistes qui retournent subitement leur veste. « Le groupe PS a expliqué son vote positif par son soutien à la politique conduite par le gouvernement. »(1)
24 mai 2013. Pierre Moscovici, le ministre de l’Économie, renonce à proposer une loi limitant les hautes rémunérations des dirigeants d'entreprises, préférant lui substituer « l’autorégulation exigeante ». Il s’agissait pourtant d’une initiative qui aurait bénéficié d’un large soutien populaire.
Que ressort-il de tout cela ?
Après cinq années de gouvernance « à la hussarde », les Français s’attendaient à un peu plus de concertation. Si le style est un peu plus doux, la réalité n’est guère meilleure car, abstraction faite de l’idée que l’on peut avoir sur tous les thèmes évoqués, on observe que beaucoup de décisions sont prises à rebours de l’opinion publique. Tout cela sur fond de corruption généralisée et, manifestement, de copinage dans les plus hautes sphères politico-artistico-médiatiques.(2) Seul point positif : le nombre d’affaires qui sortent témoigne, peut-être, d’un meilleur fonctionnement de la justice.
Jean Lassalle, le « député qui marche », a entrepris de parcourir la France à pied pour prendre le temps d’écouter, directement, ce que les gens vivent et ont à dire. Il a été surpris de la gravité de l’exaspération : « la France est bloquée, archi crispée, [ma marche est] une manière de dire ‘réveillons-nous, réveillons la conscience et l’intelligence des gens !’ Sinon, attention à la guerre civile ! Ce sont les violents qui risquent de commencer à parler. »(3)
Rien de nouveau sous le soleil ?
C’est une histoire vieille comme le monde : « Les rois des nations les dominent en seigneurs et ceux qui exercent l’autorité sur elles se font appeler bienfaiteurs. » Cette logique, qui est de ce monde, ne connaît que de rarissimes exceptions. Il se peut que des dirigeants ne doivent pas écouter le peuple, qui n’est pas toujours intelligent ; mais dans ce cas, que ce soit pour faire son bien, et non pour renoncer à ce qui est juste au profit de quelques amis bien placés. Jésus propose autre chose : « Chez vous, rien de semblable. Au contraire, que le plus grand parmi vous devienne comme le plus jeune, et celui qui dirige comme celui qui sert. »(4) L’alternance à laquelle nous venons d’assister confirme hélas que cette utopie est encore à construire.