Les discours du type « Nous irons tous au paradis » ont l'apparence de la générosité. Mais en réalité, ils ont souvent deux défauts. D'abord, celui de la paresse : prêcher un salut à bon marché, c'est confortable et peu fatiguant. Ensuite, celui de l'hypocrisie : car le « tous au paradis » cache souvent, derrière une façade gentillette, des pratiques à plusieurs vitesses, des passe-droits et des privilèges, faisant penser à cette phrase de Coluche, sur le fait que l'on est « tous égaux... mais que certains le sont plus que d'autres ».
Case Départ*, la comédie croustillante de l'été 2011, nous en donne une illustration. L'histoire raconte les aventures de Joël et Régis, deux parisiens qui se retrouvent propulsés, par un improbable concours de circonstances, aux Antilles, à l'époque de l'esclavage (1780). Leur problème ? Ils sont tous deux descendants d'esclaves, et la couleur de leur peau les conduit directement sous les fers.
Quand la religion se fait prétexte
Les voilà réduits en servitude, comme tant d'autres, sous la férule d'un riche planteur blanc. Ce dernier est accompagné d'un prêtre, interprété par l'excellent Franck de Lapersonne. Joël et Régis ont beau se scandaliser, rien n'y fait. Esclaves ils sont, esclaves ils resteront.
Une scène du film montre bien comment ce système tenait debout. La religion chrétienne, portée aux Antilles par le catholicisme, fermait les yeux sur la condition des esclaves, et prêchait un Évangile au rabais, un « nous irons tous au paradis » sous condition, destiné à encourager la passivité et la soumission, au risque de tordre le sens des textes bibliques.
Le film montre bien comment le prêtre procède. Il s'arme d'un ton doucereux, de promesses vagues et d'une lecture mensongère de la Bible. Face à lui, des esclaves illettrés et peureux, qui subissent et se résignent. Seulement voilà : Régis, lui, sait lire, et s'avance crânement pour se saisir de la Bible. Il montre alors à tous que le prêtre n'a pas vraiment lu le texte. Qu'il en a déformé le sens pour mieux prêcher l'ordre raciste, la passivité et l'attente lointaine d'un Paradis bien tranquille. Par ce geste, il restitue à l'Évangile sa force subversive et potentiellement libératrice : voilà un texte qui vaut mieux qu'un « consensus mou » sur l'Au-delà !