« Réveille-toi, toi qui dors, relève-toi d’entre les morts et Christ t’éclairera. » Éphésiens 5.14
L’histoire du christianisme est rythmée par des périodes de renouvellement spirituel qui assurent un dynamisme à l’Église grâce à des hommes et des femmes qui se sentent poussés à proclamer avec ferveur le message de l’Évangile à leurs concitoyens. L’expression « Réveil religieux » en anglais «Awakening » s’applique aux mouvements spécifiques du 18e et du 19e siècle. Il décrit un renouveau spirituel dans les Églises issues de la Réforme protestante du 16e siècle.
Commencé en Allemagne avec Philipp Jacob Spener, le renouveau religieux s’est poursuivi avec le piétisme morave développé par le comte de Zinzendorf. Les frères Wesley très marqués par le piétisme germanique deviennent, avec George Whitefield, le fer de lance du réveil anglo-saxon. Leur but est de « réveiller » l’Église anglicane jugée trop inerte et dépourvue de toute ferveur spirituelle(1).
Lauric Hanneton analyse le « premier Grand Réveil » évangélique comme étant :
« une combinaison variable et hautement volatile de calvinisme, et notamment de puritanisme, à la mode de la Nouvelle-Angleterre… Il ne s’agissait pas tant d’une innovation radicale en matière théologique que d’une importance nouvelle accordée à l’expérience de la conversion, qui devenait la clé de voûte de l’ordo salutis, la condition sine qua non du salut. »(2)
Cependant, le premier grand réveil se produit en Nouvelle-Angleterre sous l’impulsion de Jonathan Edwards (1703-1758). Ce dernier succède à son père comme pasteur d’une Église congrégationaliste de Northampton dans le Massachussetts. Son parcours intellectuel et spirituel est impressionnant. Personnalité très cultivée, polyglotte, il rapporte son expérience de conversion dans ses Mémoires :
« Le 12 janvier 1723, je fis solennellement don de moi-même à Dieu, par écrit ; me donnant à Dieu, avec tout ce que je possédais ; m’engageant, pour l’avenir, à ne plus m’appartenir, à agir comme quelqu’un qui n’a aucun droit sur lui-même. Je m’engageai solennellement à ne m’attacher qu’à Dieu seul, ne cherchant nulle part ailleurs mon bonheur, et faisant comme si rien d’autre n’existait, prenant la Loi pour règle constante de mon existence ; m’engageant à combattre contre le monde, la chair et le diable jusqu’à mon dernier souffle. »(3)
Sa prédication est basée sur la justification par la foi.
Son contemporain G. Whitefield, originaire d’Angleterre, effectue trois voyages en Nouvelle-Angleterre. Prédicateur infatigable, il prêche à Boston en plein air devant des milliers de personnes. Il finit par exercer une influence profonde en Amérique. Les colonies américaines sont secouées par une effervescence religieuse au milieu du 18e siècle.
La Suisse et la France sont touchées par la vague du réveil religieux sous l’impulsion de César Malan, Henri Pyt et Ami Bost. Chez ces hommes du réveil, on découvre une profonde piété et le souci « d’insuffler dans une piété trop formelle, sans saveur ni chaleur, une foi vivante et missionnaire ».(4)
Notons que les réveils sont à l’origine d’un grand nombre de sociétés missionnaires.
LE MOUVEMENT MISSIONNAIRE
« Allez, faites de toutes les nations des disciples, les baptisant au nom du Père, du Fils et du Saint-Esprit, et enseignez-leur à observer tout ce que je vous ai prescrit. » Matthieu 28.19-20
Nous avons signalé que les sociétés missionnaires se situent dans le sillage du Réveil religieux. Il ne sera pas utile d’énumérer l’ensemble des sociétés missionnaires qui ont exercé leurs activités à l’échelle planétaire. Bornons-nous à dire que les missionnaires ont fait un travail d’évangélisation auprès des peuples étrangers au christianisme, mais qu’ils ont également ouvert des pistes intéressantes dans le domaine de l’anthropologie.
William Carey est présenté comme le père de la mission moderne. Né en 1761, il a grandi dans une très modeste famille britannique. Membre de l'Église baptiste de son village, il se soucie des peuples qui ne connaissent pas l’Évangile du Christ. En 1792, il fonde la Baptist Missionary Society dont il devient lui-même le premier missionnaire. L’année d’après, il part pour les Indes où il annonce l’Évangile, fonde une imprimerie et entreprend la traduction de la Bible en langue vernaculaire. Sa devise est la suivante : « Attends-toi à de grandes choses de Dieu ; tente de grandes choses pour Dieu. »
L’exemple de William Carey fera des émules puisqu’on assiste à la naissance de plusieurs sociétés missionnaires. On se souvient du travail remarquable de Hudson Taylor en Chine. Ce dernier s’est lui-même identifié au peuple chinois en adoptant leur tenue vestimentaire pour faire entendre le message évangélique aux Chinois.
Si l'on a tendance à associer quelquefois l’idée de mission à celle d’expansion coloniale européenne et à l’acculturation des peuples évangélisés, il ne faudrait toutefois pas oublier l’action de certains missionnaires qui poursuivaient un tout autre objectif.
En effet, les peuples autochtones ont trouvé aussi des défenseurs chrétiens. On se souvient de Las Casas, prêtre catholique, qui au 16e siècle, a défendu brillamment les Indiens contre ceux qui leur déniaient un statut humain.
En Afrique, David Livingstone (1813-1873), pasteur et grand explorateur de l’Afrique australe, a demeuré onze ans à Kuruman, dans l’actuel Botswana. Les récits de ses explorations ont connu un réel succès de librairie. Livingstone attachait un grand respect aux cultures autochtones et a constamment dénoncé l’esclavage(5).
Les missions religieuses d’obédience protestantes telles que la London Missionary Society fondée en 1795, les baptistes ou encore les Frères moraves ont été à la pointe du combat en faveur de la suppression de l’esclavage dans les colonies britanniques. Leurs activités ont eu une certaine résonance sur le terrain colonial. Si les noms de William Wilberforce et de Thomas Clarkson sont bien connus, en raison de leurs implications sur le terrain politique, il n’en va pas de même de celui de William Knibb, missionaire de la London Baptist Society (Société baptiste de Londres), première société missionnaire fondée par des chrétiens évangéliques au 18e siècle.
Le baptiste anglais William Knibb s’est distingué par son engagement abolitionniste. L’essentiel de son action se déroule sur l’île de la Jamaïque, colonie anglaise située dans les Grandes Antilles. Il parvient rapidement à s’attirer la sympathie des esclaves noirs qui sont nombreux à assister à l’office religieux au grand dam des planteurs esclavagistes qui se montrent désormais très hostiles à la présence de William Knibb. De 1831 à 1832, une insurrection déclenchée par les esclaves met à feu et à sang la colonie. Après cette révolte, Knibb regagne l’Angleterre et plaide pour l’abolition de l’esclavage. Son engagement abolitionniste parvient à gagner les Églises baptistes à la cause de l’émancipation des esclaves. En 1833, le parlement anglais proclame l’abolition de l’esclavage, assortie d’une période d’apprentissage dans toutes les colonies britanniques. On ne saurait dire que c’est l’œuvre d’un seul homme, mais il est clair que William Knibb a combattu avec détermination le système esclavagiste à la Jamaïque(6)
Pour preuve, on peut lire encore aujourd’hui sur une stèle à la Jamaïque une phrase qui immortalise son action philanthropique et son engagement pastoral. Dans ce registre, la figure du pasteur protestant Guillaume de Félice est incontournable. Il a compris que l’esclavage était incompatible avec le christianisme. C’est pour cela qu’il a consacré sa vie à défendre la dignité humaine en luttant avec détermination pour la suppression de l’esclavage dans les colonies françaises.
Ces quelques exemples révèlent que, lorsque l’Évangile est compris, il ne laisse pas les hommes indifférents. Il est ouverture sur l’autre, respect de sa dignité.
Ces exemples suffisent pour nous convaincre que les protestants évangéliques sont non seulement engagés dans le travail d’évangélisation mais qu'on les retrouve également sur le terrain social et politique.
BILAN
Que peut-on dire après plus de deux mille ans ...