L’ÉGLISE DES PREMIERS TEMPS, des origines à la chute de l’Empire romain d’occident

Extrait Histoire de l'Eglise

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« La parole de Dieu est vivante et efficace, plus tranchante qu’une épée quelconque à deux tranchants. » Hébreux 2.12

LES PREMIERS GROUPES CHRÉTIENS

L’historien Juif, Flavius Josèphe, mentionne l’existence des chrétiens. Il signale que ce nom de « chrétien » vient d’un certain Chrestos mis à mort sous Ponce Pilate. Dans la version grecque des Antiquités, on lit le témoignage suivant :

« Vers le même temps survient Jésus, homme sage, si toutefois il faut le dire homme. Il était en effet faiseur de beaucoup de prodiges, le maître de ceux qui reçoivent avec plaisir des vérités. Il se gagna beaucoup de Juifs et aussi beaucoup du monde hellénistique. C’était le Messie (le Christ). Et Pilate l’ayant condamné à la croix, selon l’indication des premiers d’entre nous, ceux qui l’avaient d’abord chéri ne cessèrent pas de le faire. Il leur apparut en effet le troisième jour, vivant à nouveau, les divins prophètes ayant prédit ces choses et dix mille merveilles à son sujet. Et jusqu’à présent la race des chrétiens, dénommée d’après celui-ci, n’a pas disparu» (1).

À ce témoignage de Flavius Josèphe, on peut associer, beaucoup plus tardivement, L’Histoire ecclésiastique d’Eusèbe de Césarée, décédé en 340 après Jésus-Christ. C’est une source essentielle qui nous éclaire sur l’Église des premiers temps(2). Eusèbe est un passionné de littérature. Collaborateur d’un prêtre, il fait une carrière ecclésiastique qui le conduit à l’épiscopat. Il devient en 337 le panégyriste de l’empereur Constantin, ce qui fonde sa réputation. Il réunit autour de lui des copistes et entreprend la révision et la diffusion de livres saints.

À quel moment pouvons-nous situer le début de l’histoire de l’Église ? Est-ce après la résurrection de Jésus ? Pour les spécialistes, les débuts de l’Église peuvent se situer à la Pentecôte : il est question d’un événement qui surprend par sa nouveauté. Les disciples rassemblés à Jérusalem reçoivent l’Esprit Saint et abandonnent leur cachette pour annoncer au grand jour et avec audace le message de l’Évangile.

Le mot « Église », ekklêsia en grec, devient alors une réalité. Ce n’est pas la première fois que l’on rencontre ce terme. Jésus avait lui-même évoqué l’Église comme une entité à venir : « Je bâtirai mon Église et les portes du séjour des morts ne prévaudront point contre elle(3)… »

Lorsqu’il est employé pour la première fois dans le livre des Actes des apôtres, il s’applique directement à la communauté jérusalémite. Le mot n’est pas nouveau, il dérive du grec et désigne l’assemblée générale des citoyens d’une ville. Au début, l’usage de ce terme est sans connotation spirituelle. La seule utilisation religieuse d’ekklêsia se trouve dans un texte de l’Ancien Testament « qehal Yahvé », qui désigne l’assemblée convoquée par Moïse.

L’Église chrétienne naît donc à la Pentecôte, elle est le peuple de l’Esprit, un corps constitué qui rassemble des croyants qui reconnaissent en Jésus le Messie.

Irénée, dans son Adversus haereses, définit l’Église comme le peuple de l’Esprit :

« Car où est l’Église, là est l’Esprit de Dieu ; et où est l’Esprit de Dieu, là est l’Église et toute grâce ; et l’Esprit est vérité. Ainsi, ceux qui n’y participent pas ne reçoivent pas des mamelles maternelles l’aliment de vie, ne boivent pas à la source qui s’épanche du Corps du Christ».(4)

Le jour de la Pentecôte, les bases de l’Église sont posées.
On distingue alors trois caractéristiques de l’Église. Elle est universelle, c’est-à-dire qu’elle rassemble les hommes et les femmes quels que soient leur rang social, leur niveau académique ou encore la couleur de leur peau. Ainsi, le don des langues, ce jour-là, est le signe de l’universalité de l’Église.
Elle est aussi cosmopolite. Elle parle toutes les langues. Chacun peut entendre et recevoir l’Évangile dans sa langue maternelle.
Enfin, elle est missionnaire : la Bonne Nouvelle est annoncée dans le monde connu. Les disciples avaient reçu l’ordre de Jésus : « Allez par toute la terre et faites des disciples, les baptisant au nom du Père, du Fils et du Saint-Esprit. »(5)


Une autre singularité du premier groupe chrétien est son caractère proprement urbain. Les Églises fleurissent dans les villes et attirent un public hétéroclite. Jérusalem est évidemment le foyer principal où les apôtres Pierre et Jacques semblent avoir exercé un rôle de premier plan.
D’après l’historien romain Suétone, la religion nouvelle aurait atteint Antioche et Rome vers l'an 40. À l'instar de Jérusalem, Antioche en Syrie a été un centre d’expansion du christianisme dans le monde hellénistique. Les Juifs et les Grecs y sont nombreux. Lorsque Paul et Barnabas se rendent dans cette localité, ils trouvent des communautés chrétiennes déjà constituées. L’auteur des Actes des apôtres nous apprend qu’il y avait des prophètes et des docteurs dans l’Église d’Antioche.(6) C’est d’ailleurs à Antioche que, pour la première fois, les croyants ont reçu le nom de chrétiens en référence à Christ.(7) Ce terme porte une résonnance politique, il renvoie assurément aux partisans du Christ. Mais comme le signale Jean Daniélou :
« Le fait que le groupe des chrétiens reçoive ainsi un sobriquet officiel atteste que la communauté avait une consistance assez grande pour apparaître au niveau de la vie officielle. »(8)

LA CONVERSION DE SAUL DE TARSE


C’est avec l’apôtre Paul que l’Église connaît un développement fulgurant. De persécuteur qu’il était, il devient un actif et infatigable propagateur de l’Évangile. C’est le miracle de la grâce, il n’y a pas d’autre explication. Paul produit un formidable travail théologique destiné à asseoir la doctrine de l’Église primitive. Les épîtres qu’il rédige sont des réponses théologiques et pratiques aux questions soulevées dans les Églises. En outre, Paul donne une structure communautaire aux Églises qu’il implante dans les mégapoles de l’Empire. C’est sous l’action de son ministère auprès des païens que l’Église revêt cette dimension universelle. Il a la clairvoyance de s’entourer de proches collaborateurs qui sont des relais efficaces dans son entreprise missionnaire.
La propagation de l’Évangile a été favorisée par l’universalisme culturel en vigueur dans l’Empire. Tout le mérite de Paul repose sur la faculté qu’il avait de « penser le christianisme non comme une voie du judaïsme, mais comme une communauté dans la cité, structurée, intégrée, en faisant des choix de société incontournables ».(9)


Les Églises, nous l’avons signalé plus haut, sont implantées dans les grandes mégapoles de l’Empire. Aussi, aux 2e et 3e siècles, la quasi-totalité des provinces de l’Empire sont touchées par la ferveur missionnaire des chrétiens. D’après Eusèbe de Césarée, l’évangélisation de l’Égypte découlerait de l’action de Marc, mais cette affirmation repose sur la tradition et aucun écrit reconnu ne confirme cette idée. On sait, d’après Actes 18.24-25, qu’Apollos était originaire d’Alexandrie et qu’il avait été « instruit dans les voies du Seigneur dans sa patrie ».


En Gaule, on enregistre des progrès étonnants du christianisme. Le récit du martyre des chrétiens de Lyon en 177, dont Irénée fut une victime, nous apporte la preuve de la vitalité du christianisme dans cette région.
Ce mouvement d’évangélisation déborde les frontières de l’Empire et la Perse est touchée dès le 3e siècle.
À côté des apôtres, des évangélistes et des évêques qui leur ont succédé, on trouve une foule de disciples anonymes qui ont, eux aussi, par leur témoignage, contribué aux progrès de l’Évangile. Non seulement les chrétiens cherchaient à communiquer leur foi à leurs concitoyens, mais lorsqu’ils se déplaçaient, ils s’efforçaient de répandre la Parole de Dieu et de créer de nouvelles Églises. C’est ainsi que des commerçants, des ouvriers, et même des esclaves, ont pris une part active à l’évangélisation du monde.

LA FORMATION DU CANON BIBLIQUE


À mesure que les Églises se développaient, les écrits apostoliques ont commencé à circuler. Ils font autorité dans les communautés qui les reçoivent à tour de rôle. Les croyants, conduits par l’Esprit Saint, ont consigné dans des écrits l’enseignement des apôtres. On les réunira ensuite dans un seul corpus qui formera le canon du Nouveau Testament reconnu par les différentes Églises fondées par les apôtres. Cette démarche obéit à plusieurs objectifs concourant à l’édification du corps de Christ.
Il faut savoir que les Églises étaient éloignées géographiquement les unes des autres. Les lettres qu’elles se transmettaient après les avoir soigneusement recopiées, étaient un moyen de manifester leur unité en leur donnant ainsi le sentiment d’appartenir à une seule communauté. Ces circulaires leur permettaient de se protéger contre l’enseignement des faux docteurs qui se propageait en même temps que celui des apôtres.

En dehors des écrits canoniques, il existait d’autres textes dits « apocryphes », c’est-à-dire, cachés, mystérieux. Leur lecture conserve une valeur historique et peut être édifiante, mais ils n’ont pas été reçus comme faisant autorité dans l’Église. Il a fallu la perspicacité des Pères de l’Église pour sélectionner les livres qu’ils estimaient dignes de foi car émanant des premiers apôtres.


LES PÈRES APOSTOLIQUES ET LES PÈRES DE L’ÉGLISE
Les Pères Apostoliques


L’appellation « Pères Apostoliques » désigne ...

Auteurs
Eddy NISUS

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1.
Flavius Josèphe, La Guerre des Juifs, écrit vers 70 après Jésus-Christ.
2.
On peut consulter le manuscrit et quelques extraits sur le site de la BNF. Consulté le 3 novembre 2018.
3.
Matthieu 16.18
4.
Cité par J. LEBRETON. In Histoire de l’Église depuis les origines jusqu’à nos jours, Augustin FLICHE et Victor MARTIN, ss dir., tome 2 : De la fin du 2e siècle à la paix constantinienne, Paris, Éditions Bloud & Gay, 1946, p.9.
5.
Matthieu 28.19
6.
Actes 13.1
7.
Actes 11.26
8.
Jean DANIELOU, L’Église des premiers temps, des origines à la fin du IIIe  siècle, Paris, Éditions du Seuil, 1985, p.31.
9.
Marie-France BASLEZ, op. cit., p.57.

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