Il y a quelques années lors d’une pastorale des Églises mennonites de France, nous avons expérimenté le « jeu de la rivière toxique ». Il s’agissait de traverser en équipe une rivière imaginaire, à l’aide de grands coussins sur lesquels se réfugier à trois au maximum, de les déplacer peu à peu, sans que personne ne tombe à l’eau, ni qu’un soliste ne la joue « perso », pour finalement parvenir tous ensemble sur l’autre berge… Une belle expérience de coopération sous forme de jeu !
Pour apprendre la coopération en Église, je recommande la pratique des jeux coopératifs ! Il s’agit de jeux dans lesquels « tous les joueurs gagnent ou perdent ensemble. Au lieu de jouer en opposition les uns contre les autres, les joueurs jouent conjointement ou ensemble pour réaliser un ou plusieurs objectifs communs, hors de tout esprit de compétition(2). »
Les jeux de coopération sont riches en enseignement : besoin de se concerter et de se parler ; écoute des uns et des autres ; nécessité d’avancer ensemble, sans électron libre ; place aux idées nouvelles, voire hors du cadre ; sagesse pratique et expérience bienvenues ; révélation des personnalités ; révélation des compétences ; besoin de clarté dans la méthode ou le processus ; besoin de coordination…
Dans la vie réelle, coopérer dans le cadre de la vie d’une Église ou d’une équipe pastorale ressemble peut-être parfois à un jeu mais, d’autres fois, représente plutôt un poids. Faire seul et vite paraît plus simple et préférable.
Pourtant, il me semble que si l’on prend au sérieux d’une part la dimension nécessairement communautaire de l’Église voulue ainsi par Dieu et d’autre part la collégialité des responsables pastoraux, écho de la vie communautaire, la coopération et le travail en équipe font partie des modes opératoires d’une « Église participative(3)», à savoir une compréhension de l’Église qui s’ouvre en théorie et en pratique à une large participation active de ses membres par leurs dons mis au service de l’édification de l’ensemble.
Une telle vision de l’Église implique la nécessité de collaborer et de coopérer. On se contente souvent de moins : par paresse, par lassitude, par cléricalisme (sans en dire le nom), par souci d’« efficacité(4) », par manque de compétences, par abus de pouvoir(5)… Et si la coopération réelle au sein de l’Église était la réforme à vivre encore ?
1. Définitions
Mais de quoi parlons-nous lorsque nous utilisons le vocabulaire de la coopération ? À quoi la coopération s’oppose-t-elle ? De quoi la coopération se rapproche-t-elle, et de quoi se distingue-t-elle ?
La coopération implique(6) d’abord une manière de traiter les autres qui favorise des relations harmonieuses, ce qui s’oppose à la compétition(7) ; la coopération implique ensuite un engagement mutuel, entre des personnes ou des groupes, à parvenir à un but commun, ce qui s’oppose à la recherche d’un but personnel ; la coopération implique enfin concrètement un travail en équipe, ce qui s’oppose à l’idée et à la pratique d’avoir un chef qui dicte et dirige les opérations et des exécutants qui appliquent les consignes reçues.
La compétition, par opposition, implique(8) (1) de chercher à acquérir un avantage sur l’autre, l’avantage pouvant être une récompense ou une reconnaissance ; (2) de défaire l’autre au cours du processus ; (3) de permettre à certains participants d’atteindre le but, alors que d’autres n’y parviendront pas ; certains sont gagnants, d’autres sont perdants.
La collaboration désigne une aide ou une participation à une œuvre commune, y compris dans le cadre de relations asymétriques ou hiérarchiques, ce qui différencie la collaboration de la coopération qui implique, elle, des relations non hiérarchiques. Le mot « collaboration » semble relativement plastique, pouvant décrire des formes de participation très différentes à une œuvre commune(9). Dans tous les cas, on utilise le mot « collaborateur » dans le cadre de l’entreprise, du commerce ou de la politique, tout domaine où les relations hiérarchiques sont évidentes.
La collégialité est « une forme d’organisation de l’autorité qui se vit à plusieurs. C’est une manière plurielle d’exercer le service au sein de la communauté pour éviter de donner le monopole de pouvoir à une personne(10). » La collégialité s’oppose principalement à la direction par une personne unique. Elle implique le travail en équipe et donc la coopération, car il semble difficile d’exercer l’autorité à plusieurs, sans qu’il y ait de coopération dans la tâche à accomplir.
2. Dix affirmations sur la coopération : point de vue biblique et théologique
- On peut affirmer que le Dieu révélé dans les Écritures est un Dieu de ...