Cet ouvrage est consacré au fonctionnement du conseil d’Église. L’objectif n’est pas d’entrer dans les détails des discussions théologiques sur la gouvernance d’Église. Nous partons du constat que notre lectorat appartient en général à des Églises gérées par un pasteur et un conseil, sinon par un collège d’anciens qui exercent la fonction de pasteurs en collégialité (les Églises type « frères »). Les textes qui suivent s’intéressent au fonctionnement de ce groupe de responsables au cœur de la communauté locale, quelles qu’en soient les modalités.
Force est de constater que nombre de conseillers ne sont pas suffisamment au courant des fonctions du pasteur et de celles de conseiller. Le simple fait d’être élu par les membres de l’Église ne fait pas d’un élu un bon conseiller qui connaît ses responsabilités aussi bien que ses limites. Il a besoin de savoir comment devrait fonctionner un conseil, tant au regard de la loi française, en tant que conseil d’administration, qu’à celui des Écritures en tant que responsable de la vie de l’Église.
Cet ouvrage se veut d’abord au service des conseillers, mais aussi des pasteurs en ce qui concerne leur collaboration avec le conseil d’Église. En effet, cette collaboration est souvent source de confusions, voire de malentendus et de frictions.
Alain Nisus entre dans le vif du sujet, en abordant une question aussi délicate qu’inévitable : l’autorité dans l’Église locale. Elle est d’autant plus pertinente que les Églises évangéliques attachent, en général, beaucoup de valeur à la collégialité. Bien que nous connaissions des pasteurs « solistes », qui se comportent comme des hommes à tout faire, et des pasteurs « grands patrons » qui se présentent comme des « autorités spirituelles uniques et suprêmes » dans l’Église, nous sommes nombreux à considérer que ces situations ne correspondent pas à l’enseignement du Nouveau Testament tel que nous le comprenons. Par conséquent, la collégialité est une valeur importante. En même temps, le ministère du pasteur occupe une place centrale dans la grande majorité de nos Églises.
Or, la question est de savoir comment se décline l’autorité dans l’Église, au regard de la collégialité qui nous est chère ? Quelle est la place du conseil, et quel est le rôle du pasteur ? Alain Nisus répond en deux temps, en présentant d’abord les aspects théologiques puis pratiques. Ces deux chapitres sont la transcription de ses conférences lors du synode des Églises Évangéliques Libres à Orléans, en mai 2013. Le style oral a été conservé.
David Brown, lui aussi, aborde les rapports entre les deux « instances » d’une Église locale : d’une part le pasteur (ou l’équipe pastorale) et d’autre part le conseil de l’Église. Dans son article, il s’intéresse au lien entre autorité et pouvoir. Faisant le constat qu’un mauvais fonctionnement de l’articulation entre ces deux instances peut être un véritable obstacle au développement d’une Église locale, il pose la question : pourquoi a-t-on adopté ce type d’organisation en France, et plus généralement dans les Églises du monde occidental ?
En préparant le contenu de cet ouvrage, nous avons pris connaissance de l’article de Frédéric Rognon au sujet des rapports entre le conseil et le pasteur dans une Église locale(1). Il analyse plusieurs différences entre la position et le ministère d’un pasteur et ceux d’un conseil. Ces différences invitent à travailler dans la complémentarité, mais elles peuvent également créer des tensions, voire des conflits. Bien que l’auteur se situe dans la tradition protestante réformée, ses observations et ses conseils sont d’une pertinence évidente pour les pasteurs et les conseillers dans le contexte des Églises évangéliques. Nous lui sommes reconnaissants d’avoir donné son accord pour reprendre son article dans notre ouvrage.
Il approfondit, dans l’article suivant, sa réflexion, déjà entamée, sur la gestion des conflits, dont il avait seulement esquissé les contours, en nous proposant une méthode pour une éthique évangélique du conflit.
Deux articles, consacrés au travail d’équipe dans les conseils d’Églises, accompagnent les réflexions précédentes. Quand un nouveau pasteur arrive, il a intérêt à se présenter comme quelqu’un qui aime travailler en équipe : c’est cela que les gens aiment entendre. Et ils n’ont pas tort, car le Nouveau Testament nous donne l’exemple des serviteurs de Dieu qui travaillent, non seulement de manière collégiale, mais aussi en équipe. S’appuyant sur les données bibliques, Christophe Paya énumère quelques règles pratiques pour que conseil et pasteur puissent fonctionner comme une véritable équipe et pour qu’ils favorisent davantage la collaboration avec d’autres équipes de responsables. Son chapitre est basé sur son article « Collégialité, travail en équipe », paru dans le Dictionnaire de théologie pratique(2).
Outre-Atlantique, les Églises réfléchissent beaucoup à la pratique du « leadership » et à « l’esprit d’équipe ». Leurs expériences et leurs réflexions peuvent nous être utiles, dans un pays marqué par les structures hiérarchiques et par la figure du « patron ». Nous avons repris un article du pasteur américain Glenn C. Daman, directeur du Centre for Small Church Leadership. Créé aux États-Unis, ce centre propose un accompagnement, des conseils et des articles adaptés aux pasteurs et responsables d’Églises de petite taille, afin de les encourager et de les aider dans leur ministère. Ainsi s’est développé le « réseau de leadership ». Sur son site, le pasteur Glenn C. Daman a placé une réflexion sur la nécessité, surtout dans les petites communautés, de résister au modèle d’un pasteur « homme à tout faire » et de travailler en équipe. Ce texte, fort utile, est repris dans ce hors-série, en l’adaptant au contexte français. L’auteur pose deux questions : quels en sont les bénéfices, et quelles sont les démarches nécessaires pour développer un travail en équipe ?
Fort de son expérience dans le ministère et l’École Pastorale, mais aussi, actuellement, dans l’accompagnement spirituel des personnes, Louis Schweitzer est bien placé pour répondre à une question que tout conseil se pose, ou devrait se poser régulièrement : comment discerner la volonté de Dieu et prendre des décisions ? Ses conseils vont nous aider à nous remettre en question, car chercher la volonté de Dieu n’est pas la même chose que ce que nous avions pensé avant de venir à la réunion. Chercher la volonté du Seigneur présuppose de notre part la volonté de nous laisser corriger par lui et d’écouter ce qu’il peut nous dire au travers des autres. Il nous faut donc une certaine humilité.
Cette humilité est aussi de mise quand il s’agit de gérer la critique. Celui qui fait le service pour le Seigneur dans l’Église fera l’objet de critiques. Tôt ou tard, il est confronté à toutes sortes de remarques, clairement dites ou simplement exprimées par un regard ou un geste qui en disent long. Au lieu de les étouffer ou de les interdire catégoriquement, nous ferions mieux de faire la part des choses entre ce qui est justifié et ce qui ne l’est pas. En abordant ce sujet, nous mettons en exergue comment tirer profit de la critique.
Enfin, André Pownall, nous ramène au conseil à proprement parler : ses réunions, sa structure, sa répartition des tâches, etc. Pendant un stage de l’École Pastorale à Massy, en 2011, il a passé en revue toute une série d’aspects pratiques du travail du conseil. Nous avons développé le texte de son intervention, en y ajoutant d’autres points. Que les responsables d’Églises y trouvent de bons conseils qui feront de bons conseils d’Église.