Introduction
Chaque vie, chaque famille, chaque communauté et chaque Église est touchée d’une manière ou d’une autre par le handicap(2). Cette affirmation a probablement toujours été exacte – ou du moins presque toujours – ce qui explique sans doute pourquoi il est étrange que l’étude d’un fondement théologique et biblique cohérent pour l’intégration des personnes handicapées n’ait débuté que récemment.
Ce domaine d’étude doit beaucoup aux mouvements de défense des droits des personnes handicapées et aux études plus larges sur le handicap qui y sont liées. Celles-ci se sont opposées au consensus incontesté du « modèle médical », qui présentait toute déficience par rapport à une forme humaine « typique » comme un problème clinique devant être résolu par une intervention. En lieu et place, on a proposé un « modèle social » qui reconnaît la variété et la déficience, mais qui ancre beaucoup plus l’expérience d’« être handicapé » dans la société, une société qui ne veut pas s’adapter pour que les personnes handicapées puissent s’épanouir(3). C’est dans ce contexte que la théologie du handicap, telle qu’elle est présentée dans cet article, a également commencé à prendre forme.
Cela ne signifie pas que l’Église et les théologiens chrétiens n’ont rien eu à dire sur le sujet auparavant. Brock et Swinton ont écrit un excellent survol historique des idées théologiques chrétiennes sur le handicap(4). L’histoire de l’Église est empreinte de soins envers les malades, les pauvres et les marginaux, qui englobent dans ces catégories des personnes en situation de handicap. De plus, de nombreuses assemblées proposent d’excellents services, rendant accessible le culte pour les personnes en situation de handicap. Quoiqu’il en soit, nos pasteurs et nos Églises se trouvent souvent à court des ressources bibliques et théologiques qui nous permettraient de prendre en charge correctement et sereinement les personnes en situation de handicap.
Définir les défis
Beaucoup d’entre nous découvrent la théologie du handicap pour la première fois lorsque nous sommes confrontés à des questions d’accès et d’inclusion dans la vie de l’Église, et c’est d’ailleurs la genèse de cet article. Très vite, les nombreuses facettes de la question deviennent évidentes. En termes pratiques, le « handicap » englobe un large éventail de situations de vie, dont beaucoup n’ont aucun rapport entre elles. Nous pourrions tenter d’établir quelques grandes catégories comme suit :
- Les personnes ayant des besoins physiques ou de mobilité, pour lesquelles l’accès physique est la priorité ;
- Les personnes ayant des difficultés d’apprentissage ou une déficience intellectuelle, pour lesquelles la communication et la compréhension doivent également être prises en compte ;
- Les personnes souffrant d’une déficience sensorielle (visuelle, auditive ou autre), pour lesquelles l’environnement et les moyens de communication pourraient devoir être adaptés ;
- Les personnes souffrant de handicaps invisibles, liés au fonctionnement d’un organe interne ou à la santé mentale.
Ces facteurs peuvent interagir de manière complexe, et tous affectent également les familles et les amis, alors que nous réfléchissons à la manière de permettre aux personnes en situation de handicap d’être présentes, de participer, de prier et de donner et recevoir la grâce et la beauté de l’Évangile.
En termes théologiques et bibliques (le point central de cet article), derrière les questions immédiates de présence, d’accès et de participation, se cachent des questions plus profondes d’inclusion. Il s’agit notamment des questions suivantes :
- L’inclusion dans l’image de Dieu (anthropologie théologique). Nous cherchons ici une base pour affirmer que les personnes handicapées ont une valeur égale aux yeux de Dieu, comme aux nôtres.
- L’inclusion dans la lecture de l’Écriture (herméneutique). Nous recherchons ici des approches permettant de lire les références au handicap dans les Écritures de manière positive et constructive.
- Inclusion dans l’histoire du salut (sotériologie et eschatologie). Cela concerne à la fois la façon dont nous parlons de repentance et de foi, mais aussi les aspects d’une vie vécue avec un handicap qui pourraient être préservés après la résurrection.
- L’inclusion dans le corps du Christ (ecclésiologie). Nous en revenons ici aux questions de célébrations cultuelles et de vie d’Église.
La discussion ci-après traitera de chacune de ces questions à leur tour et passera en revue les ressources bibliques et théologiques utiles, proposées par celles et ceux qui ont écrit sur la théologie du handicap. Nous ne dresserons pas de critique détaillée pour chacune d’entre elles, mais un commentaire plus général sur la façon dont elles pourraient être utilisées, ainsi que sur les aspects méritant d’être davantage développés à l’avenir.
Mais, avant de poursuivre, il nous faut proposer deux commentaires généraux. Premièrement, la théologie du handicap, dans son ensemble, part souvent d’une volonté de s’éloigner de l’idée que le handicap ne peut être compris que comme le résultat de la chute, et donc du péché. Ce point est également repris ci-dessous en considérant la nécessité de poursuivre les travaux.
Deuxièmement, une partie de la tâche consiste à remettre en question les idées ...