Je venais de méditer l’épisode impressionnant dans la vie de Jacob où il se prépare à rencontrer Ésaü, son frère ennemi, après quatorze ans d’éloignement.
La manière dont l’Éternel est intervenu dans la lutte intérieure d’un homme tiraillé par des sentiments opposés, m’avait à nouveau impressionné. Une lutte qui lui a fait à la fois du bien et du mal : la bénédiction dans la souffrance. Un homme finalement prêt à se réconcilier avec celui qui avait autrefois voulu sa peau.
J’avais relu les quatre mots griffonnés dans la marge de ma Bible, le jour où je ne sais plus quel orateur béni avait prêché. Les mots commençaient tous par la même lettre, un P, selon une méthode structurante qu’affectionnent en particulier les prédicateurs anglo-saxons :
– la condition sine qua non de toute réconciliation. Il faut reconnaître la part qu’on a jouée soi-même dans le conflit, assumer les conséquences de la souffrance occasionnée à autrui.
Prix – une réconciliation n’est jamais bon marché, jamais facile. Il faut sacrifier son orgueil, son désir de revanche. Payer une restitution, pour montrer que je reconnais le dommage infligé à l’autre. Vouloir à nouveau vivre en harmonie avec l’autre. Pour en arriver là, on doit se vaincre soi-même. Cela passe par une lutte intérieure.
Pardon – face aux fautes de l’autre qui m’a fait tant de mal, et face à mes propres fautes, je dois me décider à accorder le pardon à l’autre et à moi-même. Un acte fondé sur le pardon que Dieu nous offre à tous, en Jésus-Christ. C’est lui qui m’aide à accorder le pardon à l’autre, et à rechercher le sien.
Paix – une réconciliation est un rapprochement, elle rétablit la relation et elle ouvre la voie au shalom. On ne devient peut-être pas ami, mais on pourra désormais vivre dans le même pays et s’exercer réciproquement à l’amour du prochain.
En remuant ces quatre P, mes pensées avaient vagabondé vers des situations où une personne était intervenue pour aider des personnes brouillées à se réconcilier, ce qui avait pas mal troublé ma méditation. Je m’étais rendu compte combien le ministère de réconciliation, qui nous est confié (2 Co 5.18-21), devient compliqué, voire ingrat, dès lors qu’il s’agit d’appliquer la réconciliation « verticale » avec Dieu, aux relations « horizontales ». Si Jésus félicite les « faiseurs de shalom » (Mt 5.9), c’est dire combien leur œuvre pour être bonne n’en est pas pour autant évidente. Et certainement pas à prendre à la légère. Les Proverbes, ne comparent-ils pas « le passant qui s’immisce dans une querelle dont il n’a que faire », à quelqu’un qui « saisit un chien par les oreilles » ? (26.17).
Il est pourtant des situations où un pasteur ne peut rester à l’écart. Ce sont des frères et des sœurs qui souffrent des dégâts d’une rupture, c’est une Église qui se divise, c’est un couple qui ne s’en sort plus tout seul…
Que le Seigneur me vienne en aide, avais-je soupiré, en relisant les « quatre P » !
Ensuite, je m’étais mis au travail. Le premier dossier qui m’attendait consistait à mettre la dernière main au Cahier que vous avez sous les yeux. En relisant les articles, j’ai eu le sentiment de revivre la méditation à peine terminée. Couples en voie de divorce, personnes divorcées qui veulent se remarier, intervention dans des conflits difficiles à résoudre, pour ne pas parler des actes de violence et d’agression dont doit s’occuper la justice. Dans toutes ces situations, nous sommes invités à prononcer une parole et faire des gestes qui contribuent à la paix et à la réconciliation. Un véritable ministère. Trois articles y sont consacrés.
Que ces réflexions, ainsi que les autres textes que vous trouverez dans ce Cahier, soient pour vous source d’inspiration, et autant d’outils de travail.
Evert Van de Poll