Quand les Églises se parlent !

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Quand les Églises se parlent !

Michel Freychet
Lyon, Olivétan, 2022, 380p., 29 €

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M Freichet Quand les eglises se parlent Michel Freychet a été responsable, de 1984 à 1992, du service des relations œcuméniques au nom du Conseil permanent luthéro-réformé puis au nom de la Fédération protestante de France (FPF). Autant dire que Michel Freychet connaît bien le sujet de l’œcuménisme car c’est bien de cela dont il est question dans ce livre. Il est convaincu de la nécessité que les Églises aillent à la rencontre les unes des autres : « On ne soulignera jamais assez à quel point il importe que les Églises, dans leur diversité, sortent de leur isolement pour se parler et s’interpeller les unes les autres. » (p.17)

Quand on évoque le mot « œcuménisme », on peut penser à des situations très différentes. Ici il est question des rencontres œcuméniques au niveau des institutions officielles relevant des grandes traditions chrétiennes : catholique, luthéro-réformée et orthodoxe. Ceci dit, et surtout dans la deuxième partie du livre, l’auteur évoque aussi les réalités du terrain.

Ce livre est en deux parties : la première intitulée « Dialogues œcuméniques pluriels » est plus historique. Michel Freychet retrace les grands événements œcuméniques qui ont marqué la période des années 80 et 90, la réception des textes de Vatican II dans le catholicisme, ainsi que l’ensemble des documents œcuméniques qui ont jalonné cette période(1). L’auteur s’interroge sur la réception de tous ces textes, leur ancrage dans la réalité locale et il pose ce diagnostic lucide : « Les accords ont du mal à franchir le cercle des professionnels de l’œcuménisme. » (p.149) Les difficultés à concrétiser dans les faits ces avancées œcuméniques seraient dues non pas aux clivages théologiques, mais à d’autres facteurs : la situation minoritaire d’une Église par rapport à une autre ; les aspects culturels (langues, modes de vie) ; la situation politique quand une Église est identifiée avec l’identité nationale d’un pays où elle est largement majoritaire ; la mémoire collective avec ses traumatismes ; la crainte ; l’autosuffisance, etc...

La deuxième partie intitulée « Jalons » est une série d’articles et de conférences de Michel Freychet sur des sujets divers où l’auteur souligne « ... leur portée œcuménique dans la marche des Églises vers leur unité » (p.18). Fort de son expérience œcuménique, Michel Freychet voit trois enjeux dans les débats œcuméniques : la priorité donnée tantôt à la sotériologie tantôt à l’ecclésiologie ; la nécessité de distinguer entre le sacré, cultivé par certaines Églises, et la notion de sainteté au sens biblique ; enfin, la reconnaissance de l’ecclésialité des Églises qui marchent sur le chemin de la réconciliation. À noter, dans cette deuxième partie, l’article qui touche aux questions fondamentales « Quel œcuménisme voulons-nous ? » (pp.166-171). Michel Freychet écarte tout d’abord les fausses pistes de l’œcuménisme pour énumérer ensuite cinq critères qui, à ses yeux, permettraient de vivre un œcuménisme crédible :

  • Il faut qu’il soit résolument christocentrique ;

  • Garder le lien étroit entre l’unité de l’Église et sa mission (cf. les origines du Conseil œcuménique des Églises dans la rencontre d’Édinbourg sur la mission de 1910) ;
  • L’unité dans la diversité, thème cher aux protestants (cf. Oscar Cullmann) ;
  • La conversion des Églises (cf. le groupe des Dombes) ;
  • La reconnaissance mutuelle des Églises.

Les Églises et institutions évangéliques par nature plus frileuse que la tradition luthéro-réformée sur la question de l’œcuménisme se reconnaîtront davantage dans une approche moins institutionnelle que celle décrite dans ce livre. Au demeurant, c’est ce que semble souligner l’auteur : « L’Église que Dieu seul connaît ne se confond d’aucune manière avec l’Église-Institution. Cependant, par vocation, elle est destinée à se laisser reconnaître, durant son pèlerinage terrestre, par les marques distinctives, irrécusables, pour tout dire visibles, qu’expriment à la fois son unité, sa sainteté, son apostolicité et sa catholicité. » (p.190) C’est sur la question des « marques distinctives » et « visibles » que les divergences apparaîtront.

Une dernière remarque : si l’auteur cite les efforts du théologien protestant Oscar Cullmann dans son apport à l’œcuménisme(2) (pp.168,169), Michel Freychet semble privilégier l’approche œcuménique du groupe des Dombes qui établit une distinction entre identité chrétienne, identité ecclésiale et identité confessionnelle impliquant une triple conversion (pp.205-217). Un évangélique aura quelques difficultés d’une part à faire cette distinction et, par voie de conséquence, à s’engager dans cette triple conversion.

Au vu de la teneur hautement institutionnelle des rencontres œcuméniques et des documents officiels dont ce livre se fait l’écho, une impression d’être hors-sol se dégage. Sur le terrain concret des rencontres et projets locaux, les pasteurs et tous les acteurs de bonne volonté se sentiront peut-être peu concernés par tous ces dialogues. En même temps, comment ignorer que, depuis Vatican II, plus de 60 ans d’engagements œcuméniques se sont accomplis ? Comment rester dans l’isolement total et ne pas se laisser interpeller par tous ces textes qui font preuve d’une évidente volonté d’écoute mutuelle ? D’autre part, ces documents témoignent manifestement d’une meilleure compréhension des Églises et devraient permettre à l’avenir d’arrêter de se jeter des anathèmes. D’après l’ecclésiaste, il y aurait un temps pour tout « un temps pour lancer des pierres et un temps pour ramasser des pierres ; un temps pour embrasser et un temps pour s’éloigner des embrassements ».

Auteurs
Thierry ROUQUET

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1.
À ce titre, on pourra se référer à cette clé USB qu'André BIRMELÉ et les Éditions Olivétan ont conçue pour proposer au public francophone une documentation précieuse de l'ensemble des textes officiels retraçant 50 ans de dialogues et accords œcuméniques en France, en Europe et dans le monde.
2.
Oscar CULLMANN, L'unité par la diversité. Son fondement et le problème de sa réalisation, Paris, Cerf, 1986. Dans ce livre, l'auteur développe la thèse selon laquelle de la même manière qu'il y a une diversité de charismes dans l'Église locale selon 1 Corinthiens 12-14, il est logique de retrouver cette diversité au niveau des Églises et que par la reconnaissance de cette diversité ecclésiale, l'unité peut être fondée.

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