Pete Greig
Charols, Excelsis, 2023, 320 p, 16 €
Après une introduction qui replace la prière comme « langue natale », « pulsation de vie » inscrite au cœur de l’humain, Pete Greig(1), sur le fondement et la structure du Notre Père, explore les différents chemins qui constituent « le paysage complexe et vivant de la prière » : adoration, reconnaissance, demande, intercession, renoncement, contemplation, écoute, examen, confession, combat. Greig complète le tableau en abordant aussi le thème de la prière inexaucée, auquel il a consacré tout un ouvrage(2).
Pour chaque chapitre, des figures viennent illustrer le propos : certaines bien connues comme frère Laurent de la résurrection, Corrie ten Boom, le conte de Zinzendorf ou encore Desmond Tutu, d’autres moins, comme Joni Eareckson Tada ou Amy Carmichael, missionnaire et poétesse qui a travaillé en Inde. Ce sont de belles découvertes !
En écho au titre de l’ouvrage Prier tout simplement - Petit guide pour tous, Greig sait, avec pragmatisme et pédagogie, donner des repères accessibles, synthétiser et récapituler sa pensée, son expérience, en des points clairs. Il n’hésite pas non plus à émailler son propos d’exemples concrets, qui lui donnent la force de l’incarnation.
Le livre peut, par ailleurs, être enrichi par les ressources du site « prayercourse(3) » – un cours de huit sessions dispensées sous forme d’échanges filmés d’une vingtaine de minutes, et d’une boîte à outils qui propose trente fiches pratiques abordant des sujets aussi divers que la « prière respiration », « comment intercéder pour une crise à grande échelle » ou les clés pour « mener une réunion de prière stimulante »(4).
Mais ce qui fait la valeur de cet ouvrage tient peut-être à ce parcours authentique d’un homme qui, en vingt ans d’expériences diverses, a éprouvé les combats, tout comme découvert les trésors de la prière dans le quotidien de sa vie de mari, de père, d’ami, et de disciple du Christ. Les trois fondements qu’il nous recommande pour grandir dans la prière, « simplicité, honnêteté et persévérance », dessinent les qualités que l’on pressent chez l’auteur.
Prier c’est tour à tour oser demander l’éloignement d’un nuage de moustiques qui empoisonne un repas de vacances sur un bateau dans une crique en Croatie(5), ou comprendre comment, pour Corrie et Betsie Ten Boom, les puces qui infestent le baraquement du camp de concentration de Ravensbrück peuvent devenir des circonstances dont Dieu se sert. Après le légitime désespoir de se sentir abandonnées de Dieu, les deux sœurs vont découvrir, par le cheminement de la prière, que ces puces « sanctuarisent » un espace où leurs tortionnaires ne mettent pas les pieds, leur « permettant » ainsi de témoigner librement et partager leur foi(6).
Deux postures qui disent, dans des contextes on ne peut plus opposés, – protéger la qualité d’un moment de joie ou poser les signes du royaume dans l’enfer des camps –, quelque chose de la plasticité avec laquelle nous sommes invités à dialoguer avec le réel pour y reconnaître les chemins de Dieu. Nous y découvrons les visages de Dieu, à la fois père généreux d’un bonheur qu’il veut largement dispenser à ses enfants, comme frère courageux qui nous apprend dans le sillage de sa passion victorieuse, à être porteurs de vie au cœur des ténèbres et de la mort.
Si ce livre nous donne d’explorer les différentes façons d’entrer en relation avec Dieu, il nous apprend aussi à devenir plus sensibles et attentifs aux différentes façons dont il nous parle. Il le fait d’abord et prioritairement par sa Parole vivante, la Bible, mais aussi par ce qu’il donne à travers rêves et visions, paroles de connaissance, visitations angéliques. Dieu se fait aussi entendre dans l’ordre du créé, soit par les canaux qui font de l’homme ce qu’il est – bon sens, intuition, conscience, réflexion –, soit par les beautés et mystères de la nature. Dieu nous parle enfin par ce que nous recevons des autres. C’est au travers de toutes ces modalités qu’il s’agit d’apprendre à écouter, déchiffrer le murmure de ce qu’il nous dit pour, dans un second temps, apprendre à lui répondre par la prière
Enfin Greig nous alerte sur ce qui peut obstruer la source de cette communication si diverse et vivante : « Nous ne pouvons recevoir de nouvelle révélation avant d’avoir obéi à sa dernière injonction(7). »
En plusieurs situations et histoires vécues, Greig nous fait prendre de la hauteur et nous donne à percevoir le maillage subtil tissé par la prière. L’œuvre de l’Esprit qui inspire simultanément en plusieurs cœurs, ici l’élan d’une intercession, là le courage d’une parole ou d’un geste. À chacun de jouer sa partition sans percevoir encore l’image d’ensemble, sans compréhension anticipée de son impact dans la grande réalisation du plan de Dieu. C’est le Dieu des connexions qui se révèle, l’Esprit qui crée, relie et rassemble des existences pour qu’elles deviennent ensemble signes de sa présence, participantes de l’avancement de son royaume. « Quand les prières d’un banlieusard, soutenu par son épouse qui priait à distance, furent utilisées pour neutraliser un malheur imminent » (un attentat à Londres(8)), ou encore le cheminement d’une année qui, par la conjonction de plusieurs, sort le jeune Pete Greig d’une crise où il était sur le point de perdre la foi(9).
Prier, c’est retrouver, tout à la fois, l’humilité de sa place – être « un acteur secondaire, certainement pas le principal, jouant un petit rôle dans une pièce qui raconte la vie de quelqu’un d’autre(10) » –, et c’est aussi saisir l’importance de sa responsabilité pour entrer dans cette grande histoire que Dieu veut écrire en alliance avec les hommes – « Quand je prie, des coïncidences se produisent ; quand j’arrête de prier, elles cessent de se produire(11). »
Prier, c’est enfin reprendre la mesure du temps de Dieu, si souvent déconcertant pour nous. Des indices épars semés un à un vont, par la grâce de la relecture, prendre sens dans le recul du temps long, nous invitant à la patience, à la fidélité et à la persévérance pour ce qui n’a pas encore reçu sa signification, son interprétation ou son accomplissement. « Les "soudains" de Dieu arrivent lentement et la plupart des miracles instantanés demandent des années(12). » Greig nous encourage à ne jamais laisser tomber, nous rappelant que toutes les prières dont nous n’avons pas reçu ou reconnu les exaucements ici-bas, sont précieusement conservées par Dieu(13) et trouveront leur amen final au dernier jour, le jour de Jésus-Christ. En réponse à nos soupirs et à nos cris, il y effacera souffrances, maladies, injustices, morts et renouvellera toutes choses. Alors nos prières « joueront un rôle décisif au dernier chapitre de l’histoire(14). »
Ce livre stimulant, comme il l’a souvent fait pour moi, nous reprend et nous exhorte, en éclairant nos manques de foi, d’honnêteté, d’humilité, de persévérance, ou d’espérance. Surtout, il nous replace avec confiance devant Dieu, l’auteur de tout bien, pour lui demander la grâce de son secours, de son Esprit, de sa vie. Enfin, il nous encourage au combat : prier « est le début d’un soulèvement contre le désordre du monde(15) », « une révolte spirituelle contre les obstacles qui empêchent la réalisation des promesses de Dieu(16) ». Avec audace, autorité et fidélité, nous sommes appelés à « frapper les ténèbres jusqu’à ce qu’elles saignent de la lumière du jour(17) ».