À quelle fréquence prêcher sur des textes de l’Ancien Testament (AT) ? Peut-on prêcher seulement sur l’AT sans citer un passage du Nouveau Testament (NT) ? Comment bien prêcher l’AT ? Voici les questions auxquelles les pasteurs et prédicateurs réguliers font face et auxquelles Christopher J. H. Wright se propose de donner des réponses éclairées. Le directeur des ministères de Langham, auteur d’une Éthique de l’Ancien Testament (2007) et, très récemment, d’un commentaire sur Le message de Jérémie (2017) est un excellent candidat pour rédiger l’ouvrage discuté dans ces quelques lignes. Et il faut le dire d’emblée : l’ouvrage de Wright est une réussite.
La première grande partie intitulée « Pourquoi prêcher sur les textes de l’Ancien Testament ? » veut démontrer la pertinence générale de ce corpus. Dans ces 39 livres, « Dieu a parlé » (p. 7) et continue de le faire. La Bible hébraïque était la Bible que Jésus lisait et priait ; il nous faut donc (re)découvrir sa richesse et son message afin de toujours mieux comprendre Jésus. Pour autant, « ce n’est pas que l’Ancien Testament "parle entièrement de Jésus" mais […] c’est un voyage qui mène jusqu’à lui. Dans son entier il désigne le Christ, mais il n’est pas entièrement "sur le Christ" (p. 52). Nuance faite, l’auteur rappelle plusieurs risques que le prédicateur court dans son exégèse de l’AT : le risque d’escamoter le sens originel du texte, de proposer des interprétations fantaisistes ou encore d’aplatir le récit biblique et de supprimer le caractère exclusif de l’incarnation. Si cette première partie servira de bonne base théologique pour le prédicateur non formé, ce sera également une piqûre de rappel pour le prédicateur (dé)formé. Car il faut le dire, nous prenons vite de mauvais plis, de mauvaises habitudes, et l’ouvrage de Wright vient jeter la lumière sur nos travers, tout en nous proposant le moyen de les corriger.
Le début de la deuxième partie constitue, à mon sens, le cœur de l’ouvrage. L’auteur commence en rappelant la pertinence des cinq questions à se poser à l’approche d’un texte (1. Où et quand ? ; 2. Quoi et comment ? ; 3. Qui ? ; 4. Pourquoi ? ; 5. Et après ?), et propose une mise en application à partir du texte de 1 Samuel 17. Ce chapitre met en exergue l’une des forces de l’approche de ce livre : l’auteur ne dit pas simplement pourquoi prêcher l’AT mais aussi comment prêcher l’AT. Pour ce faire, il nous entraîne à sa suite vers la mise en application d’une méthodologie au profit du texte biblique. À la fin de chaque chapitre, l’auteur propose des « points à vérifier » et des « questions et exercices », afin de prolonger la réflexion et s’approprier le thème. Mon chapitre « coup de cœur » est certainement le chapitre 8, avec les « Sept dangers à éviter quand on prêche sur des récits de l’Ancien Testament ». Il y a fort à parier que même le prédicateur chevronné de l’AT se reconnaîtra à la lecture de ces sept dangers :
- Ne pas transformer le récit en un catalogue de principes moraux ;
- Ne pas transformer le récit en un catalogue de vérités spirituelles ;
- Ne pas chercher dans le récit des sens cachés fantaisistes ;
- Ne pas niveler le récit pour le réduire à des points de doctrine ;
- Ne pas s’enliser dans les difficultés et les détails ;
- Ne pas susciter de fausses attentes ;
- Ne pas détourner l’Évangile.
Ce chapitre regorge d’astuces pour nous permettre de progresser dans l’exercice de la prédication de l’AT. Comme toujours, Wright se plie à l’exercice en proposant un plan de prédication du célèbre passage de l’Aqedah de Genèse 22.1-19.
Dans la dernière moitié de l’ouvrage, l’auteur offre une synthèse des différents genres littéraires de l’AT et une réflexion homilétique sur chacun d’entre eux. Il passe ainsi en revue la loi, les prophètes, les Psaumes et la littérature de sagesse. Bien que la liste ne soit pas exhaustive – là n’est pas la prétention de l’auteur – la réflexion est pertinente, étayée par de nombreux exemples issus du texte biblique lui-même et de l’expérience de l’auteur. Les prédicateurs formés et habitués à prêcher sur l’AT trouveront les chapitres « Comprendre… » ou « Faisons connaissance avec… » de prime abord assez basiques, mais ils permettent en réalité de réactualiser certaines connaissances acquises. Les parties homilétiques propres à chaque partie de l’AT sont bien pensées et aident au processus d’actualisation de l’AT. Wright n’esquive pas les problématiques complexes, à l’instar de la question de la peine de mort dans la loi de l’AT, de l’interprétation des prédictions des prophètes, des Psaumes imprécatoires, ou encore des questions gênantes posées par la littérature de sagesse.
En somme, l’ouvrage de Wright est de bonne qualité et à recommander aux prédicateurs peu expérimentés comme aux ténors de la prédication de l’AT. Certains estimeront qu’il y a peut-être trop de questions et d’interpellations personnelles au fil de la lecture alors que d’autres diront qu’elles sont parfaites pour l’appropriation. Question de goût. L’ouvrage de Wright peut servir de bonne introduction et de manuel de base pour des prédicateurs « débutants », tels que des laïcs suivant une formation homilétique dans l’Église, par exemple. Si le débutant est parfois plus enclin à prêcher sur le NT que sur l’AT, cet ouvrage lui permettra d’appréhender et de prêcher la Bible hébraïque avec de bonnes bases. En effet, sa théologie est solide mais accessible, l’ouvrage se lit bien, sans être simpliste pour autant. Ce manuel pourra tout aussi bien rejoindre des prédicateurs expérimentés, mais parfois découragés par l’exercice exigeant que représente la prédication de l’AT. Wright réussira certainement à vous redonner soif tout en renouvelant votre pratique. Les mises en garde de Wright et ses propositions rafraîchissantes révèleront – du moins je l’espère – que personne ne peut prétendre pleinement maîtriser la prédication de l’AT. Il faut savoir se laisser interpeller par un manuel de ce type et, si nécessaire, changer notre pratique, afin que notre prédication soit toujours plus à la gloire de Dieu.
Antony Perrot