Soit une énigme. Pour la poser, un effort d’imagination. Vous êtes un médecin, vous vivez dans la deuxième moitié du premier siècle et vous avez reçu comme vocation – où vous vous êtes donné à vous-mêmes comme vocation – de raconter l’histoire de la première Église. Vous ignorez que vous êtes en train d’écrire le tout commencement du mouvement qui a le plus influencé l’histoire de l’humanité depuis deux mille ans, mais vous en avez l’intuition. Vous avez une contrainte : vous disposez de peu de place. Dans ma Bible, le livre des Actes des Apôtres fait une cinquantaine de pages alors que, de nos jours, les livres d’histoire font en général entre 500 et 800 pages. Vous avez donc cinquante pages pour décrire un événement immense. Vous avez beaucoup de choses à dire et peu de pages. Il va falloir vous restreindre. Maintenant voici l’énigme. Si Luc a dû opérer une sélection douloureuse dans ce qu’il a écrit – s’il y avait beaucoup de choses qu’il voulait dire et qu’il a tues par manque de place – pourquoi a-t-il répété certains événements, et notamment deux épisodes qu’il a racontés à deux ou trois reprises ? Ce n’est certainement pas par inadvertance, mais bien pour un motif théologique. Je pose l’hypothèse que ces deux événements sont, pour Luc, les deux piliers de son témoignage.
Le premier récit qui est raconté deux fois est la rencontre de Pierre avec Corneille.
...