Ce soir-là, Joseph s’endort en paix, pour la première fois depuis des semaines.
Depuis qu’il a quitté Nazareth avec sa fiancée, qui est enceinte, pour aller se faire recenser à Bethléhem, il est inquiet de l’endroit où l’enfant verrait le jour. En voyage, un accouchement est toujours un risque... et Marie est si jeune !
Finalement tout s’est bien passé. Il a trouvé une étable, qui est un lieu plus intime que l’hôtellerie pour accoucher, et Marie a mis au monde un garçon. Il l’a appelé Jésus, suite à un rêve étrange qu’il a fait quelque temps auparavant.
Joseph s’endort, et voici que le même rêve recommence. Il voit un ange de lumière venir à lui, Joseph, le petit charpentier de Nazareth ! Il lui ordonne de se lever, et de fuir jusqu’en Égypte, car le roi Hérode a peur de l’enfant, et il a projeté de le tuer.
Joseph se lève et réfléchit. Pourquoi doit-il partir en Égypte ?
Et que fera-t-il dans ce pays lointain ?
Faut-il vraiment qu’il devienne un émigré ? Mais si Hérode veut tuer l’enfant, il sait bien qu’il ne sera en sécurité nulle part, tant qu’il n’aura pas quitté le pays.
Joseph décide de faire confiance à la parole de l’ange et de partir. Mais la route est longue et difficile, elle traverse un désert. Et Marie est si fatiguée, et l’enfant si fragile ! Il lui faut absolument trouver une monture. Il n’est pas question de penser à un chameau, c’est bien trop cher. Même pour un cheval, il n’a pas assez d’argent. Peut-être trouvera-t-il un homme compatissant qui accepterait de lui vendre un âne pour les quelques pièces qu’il a emportées avec lui.
Le lendemain, Joseph demande aux habitants de Bethléhem s’ils peuvent lui vendre un âne, mais il n’a pas assez d’argent, et le prix qu’il propose est ridicule. Il ne se décourage pas, et continue à chercher jusqu’à ce qu’il trouve un aubergiste qui accepte de lui céder un vieil âne dont il ne se sert plus, car il est boiteux.
Comment peut-il espérer fuir avec un âne boiteux ? D’autant qu’il a appris d’inquiétantes nouvelles sur les soldats d’Hérode. Ils recherchent les enfants, et, avec leurs superbes chevaux, ils poursuivent les familles qui cherchent à fuir. Mais Joseph n’a pas le choix, il ne va pas attendre passivement que les soldats du roi viennent tuer son fils sous ses yeux !
Donc, il achète l’âne boiteux et retourne à l’étable. Là, Joseph se penche inquiet sur le berceau que Marie a installé dans une mangeoire, et il contemple son fils. Pourquoi Hérode a-t-il peur de cet enfant si fragile ?
Comment peut-il espérer échapper aux cavaliers du roi ?
Il ne lui reste plus qu’à faire confiance à la parole qu’il a entendue dans son rêve. Si l’ange lui a demandé de fuir, Joseph espère que Dieu protégera sa famille tout au long du voyage.
La nuit suivante, Joseph prend la femme et l’enfant, les charge sur le vieil âne boiteux, et ils partent en direction de l’Égypte.
L’officier d’Hérode, qui a été spécialement envoyé de Jérusalem pour surveiller les enfants de Bethléhem, est vite informé qu’une famille, avec un jeune enfant, a pris la fuite vers le sud.
Il prend lui-même la tête d’une petite troupe de cavaliers pour poursuivre les fuyards. La famille a une demi-journée d’avance, mais avec leurs chevaux rapides, les soldats ne tarderont pas à la rattraper. Au bout d’une heure de course, ils repèrent sa trace sur la piste.
L’officier descend de son cheval pour l’étudier. Il distingue bien les pas d’un homme, la trace d’une jeune fille qui traîne un peu les pieds comme si elle était malade ou très fatiguée, et enfin les empreintes d’un âne qui boîte.
Il remonte en selle et ordonne à ses soldats de faire demi-tour. Celui qu’ils recherchent est une menace pour le roi, ce n’est pas un miséreux chevauchant un âne boiteux.
Quand Joseph est arrivé en Égypte, bien qu’étranger, il a fini par trouver du travail comme ouvrier chez un charpentier.
Il s’est longtemps demandé comment l’ange de son rêve s’était débrouillé pour protéger sa fuite des soldats d’Hérode, alors qu’il n’avait qu’un vieil âne boiteux pour échapper à leurs chevaux de guerre.