Dans l’un de ses sermons, Martin-Luther King fait un portrait saisissant de Jésus : « Il est né dans un obscur village ; c’était le fils d’une pauvre paysanne. Il a grandi dans un autre village non moins obscur, où il a travaillé comme charpentier jusqu’à trente ans. Alors, pendant trois ans, il s’est mis à marcher ; c’était un prédicateur itinérant. Et puis il s’est mis à faire des choses. Il n’avait pas grand-chose. Il n’a jamais écrit de livre. Il n’a jamais eu de fonction officielle. Il n’a jamais fondé de famille. Il n’a jamais possédé de maison. Il n’est jamais allé à l’université. Il n’a jamais visité de grande ville. Il ne s’est jamais écarté de plus de trois cents kilomètres de l’endroit où il est né. Il n’a rien fait que le monde associe à l’idée de grandeur. Il ne représentait que lui-même. »
La vie de Jésus représente peu de chose au regard des critères de ce monde, et pourtant, ajoute le prédicateur : « Toutes les armées qui ont jamais marché au combat, tous les vaisseaux qui ont jamais navigué, tous les parlements qui ont jamais siégé et tous les rois qui ont jamais régné n’ont pas, à eux tous, affecté la vie de l’homme sur terre autant que l’a fait la vie de ce solitaire. »
Ce sermon pose l’énigme de Jésus : comment se fait-il qu’une vie en apparence aussi modeste ait eu des effets si importants dans l’histoire ? Chacun y répondra en fonction de sa foi. Cinq points nous permettront de mieux comprendre qui a été Jésus.
C’ÉTAIT UN HOMME DU PEUPLE
Jésus était un maître qui pouvait soutenir un dialogue avec les scribes et les théologiens de son époque sur des questions de Torah, mais il était aussi près du peuple. Les évangiles disent à plusieurs reprises qu’il enseignait avec autorité parce qu’il parlait un langage que tout le monde pouvait comprendre. Ses discours, en paraboles, montrent qu’il savait comment on fait des semailles, comment on administre une propriété, comment on fait du pain et comment se produisent les conflits de famille. Il connaissait le drame des travailleurs journaliers qui étaient au chômage et les ravages provoqués par les deuils et les maladies.
C’ÉTAIT UN THAUMATURGE
Même si cela gêne notre esprit rationnel, les évangiles racontent de nombreuses guérisons opérées par Jésus et si nous retirons le côté miraculeux de ces récits, la cohérence du récit disparaît. À propos de cet aspect de son ministère, Alphonse Maillot a écrit : « On pourrait se demander si le Christ n’entreprend pas avec les miracles une sorte d’immense programme de désaliénation systématique… Après la campagne de miracles du Christ, il n’y a plus ni jour sacré, ni lieu sacré, ni lépreux, ni femme, ni aveugle, ni infirme, ni prêtre, ni possédé... Jésus en mourra, parce que tout cela n’est pas resté parole, au sens de purs discours, mais parce que cela a été, au moins en quelques occasions, signé et signifié par un fait, qui, comme tout fait, est irrécusable. »
IL A BOULEVERSÉ LES RÈGLES DE PURETÉ
Un des versets cardinaux de l’enseignement de Jésus est celui qui dit : « Il n’y a rien d’extérieur à l’homme qui puisse le rendre impur en pénétrant en lui, mais ce qui sort de l’homme, voilà ce qui le rend impur. » Autrement dit, la frontière qui sépare le pur de l’impur n’est plus une frontière extérieure aux humains, mais intérieure à chacun. La vraie pureté ne dépend pas des aliments que l’on mange ni de la façon dont on s’est lavé les mains, mais de ce que l’on a dans le cœur. C’est au nom de ce principe que Jésus a partagé la table des pécheurs, qu’il a accueilli la femme adultère et qu’il a déclaré aux responsables religieux du temple que « les collecteurs d’impôts et les prostituées les devanceront dans le royaume de Dieu ».
IL A ÉTÉ FONDAMENTALEMENT NON VIOLENT
Le résumé de l’enseignement de Jésus se trouve dans le « Sermon sur la montagne » dans lequel il commence par déclarer heureux le pauvre en esprit, l’humble, le doux et le persécuté. Jésus y parle d’un royaume en tout point contradictoire avec les valeurs du monde dans lequel il vivait… et du nôtre. Dans la suite de son enseignement, cela le conduira à déclarer que le vrai maître est celui qui sert, que le plus grand est le plus petit, le dernier est le premier, la pierre qui a été rejetée est devenue celle de l’angle. Jésus a vécu ce qu’il annonçait jusqu’à se laisser crucifier, réalisant en cela l’annonce de la non-violence fondamentale d’un Dieu qui préfère se laisser crucifier par ses ennemis plutôt que de les massacrer.
IL EST MORT D’UNE MORT IGNOMINIEUSE
Jésus a été injustement condamné à mort selon un procédé particulièrement cruel : il a été cloué sur une croix. À la mort de Jésus, sa vie peut être considérée comme un échec aux yeux humains. Si l’on en reste aux données de l’Histoire, il a été un homme qui a essayé de modifier la compréhension de Dieu de son époque, il a rassemblé quelques amis qui l’ont suivi un moment, puis il a été arrêté et est mort abandonné des siens. Cette réalité nous rappelle l’énigme posée au début de ce texte. Comment de ce "rien’’ est né le mouvement qui a, peut-être, le plus influencé l’histoire de l’humanité de ces deux derniers millénaires ? Est-ce un hasard improbable, une de ces ruses de l’Histoire, ou ce Jésus de Nazareth était-il plus que ce que sa biographie permet de savoir ?
La réponse de la foi est que la mort n’est pas le dernier acte de la vie de Jésus et que nous pouvons apporter une certaine crédibilité aux disciples qui ont confessé avoir revu vivant celui a été crucifié. Cette donnée apporte un autre regard sur la personne de Jésus : il est le don de Dieu dont parle l’évangile de Jean : « Dieu a tellement aimé le monde qu’il a envoyé son Fils unique afin que quiconque croit en lui ne périsse pas, mais qu’il ait la vie éternelle. »