Un ouvrage majeur d'un épigraphiste et historien de l'Orient ancien : il s'agit là d'un ouvrage savant, mais destiné à un large public cultivé et à bien des égards révolutionnaire ! Contrairement à une forte tendance parmi les théologiens, notamment de l'école historico-critique en Allemagne depuis la fin du XIXème siècle (J. Wellhausen), il analyse finement et réhabilite ce thème fondamental de l'ALLIANCE comme mode de relation diplomatique entre les peuples durant toute l'Antiquité proche-orientale, de Sumer (au IIIème millénaire av. J.-C.) à la période des Perses (IVème s. av. J.-C.). L'enquête suit pas à pas l'historique de la recherche, ce qui rend le livre un peu touffu, mais très vivant. Pour une anthologie très utile de (presque) tous les textes concernés, voir l'ouvrage de K.A. Kitchen - P.J.N. Lawrence
, Treaty, Law and Covenant in the Ancient Near East , - Abrév. :
TCL , (2012) - (voir
"Note additionnelle, 1" ).
Avant tout, l'auteur inclut dans sa quête, de manière très précise - et ceci est assez nouveau pour un travail d'orientaliste français -, la Bible Hébraïque (Ancien Testament). Ce mot latin de Testament(um) nous vient d'ailleurs de la traduction du terme hébreu Berît - "alliance", qui désigne bien "cet espace intermédiaire" du pacte, qu'il s'agisse de l'Alliance avec Dieu, dans la distance confiante avec l'Absolu, ou du contrat avec le prochain, dans un indispensable face à face humain - comme l'illustrent de nombreuses représentations antiques, du plus modeste cachet paléo-hébraïque (tel celui trouvé à Jérusalem en Janvier 2018 - Fig. 6 ) aux stèles et aux bas-reliefs de Syrie-Mésopotamie, ainsi la "stèle de l'alliance" trouvée à Ougarit (XIVème siècle av. J.-C. - Fig. 4 ), jadis exposée au Musée d'Alep.
Fig. 4 : Stèle (dite) de l'Alliance de Ras-Shamra - Ougarit (XIV° s. av. J.-C.), Musée d'Alep.(1)
Pour une nouvelle approche de la thématique de l'Alliance :
Cette thématique de l'Alliance, qui a souvent été considérée comme tardive et parfois même secondaire par rapport à la Loi ( Torâh ) dans la littérature exégétique récente, peut-elle être réhabilitée et "réenchantée" par ces nouvelles recherches ?
Il importe en effet de comprendre qu'il s'agit là d'une véritable Denkform de l'Alliance (au sens de M. Weber et W. Dilthey), à savoir : à la fois une forme de pensée structurante de la société antique (ici sémitique) et une pensée de la forme, matérialisée et diffusée par la représentation de l'image, véritable support de la parole rituelle et du texte transmis. D'où les magnifiques monuments qui nous sont parvenus et qui illustrent ce thème par une iconographie "en miroir", avec deux personnages royaux (ou officiels) se faisant face, de part et d'autre d'un axe vertical central et virtuel.
Or ces documents figurés sont à même de confirmer la nouvelle étymologie à partir de la préposition babylonienne birît , qui désigne bien cet "(espace de) l'entre-deux" de l'Alliance (ce " Zwischenraum ", selon M. Noth), un usage spécifique bien documenté par les traités de Mari dès le 18ème siècle avant notre ère. Cette scène emblématique constitue comme le cristallin d'une vision du monde diffusée par le texte et par l'image (Heintz - 1995 (2015), pp. 284-322 ;Bodi (2018), pp. 165s. ;Charpin, pp. 257s.).
Dès lors le terme hébreu Berît n'est plus simplement à traduire par : "lien, obligation" (c'est l'étymologie la plus répandue, mais non la mieux étayée ! - cf. Heintz, pp. 319-321),avec une forte insistance sur l'aspect légal (testamentaire !), mais bien par "alliance", avec toutes ses composantes de pacte et d'accord interpersonnel et international, tous ses aspects éthiques et une totale "obligation de sincérité". Cette dernière est bien exprimée, dans les traités de Mari et de Tell Leilan, par la formule : inalibbimgamrim - "dans la plénitude du coeur", qui figure précisément dans le Shema' Israël en Dt 6, 4-9 : "Tu aimeras le Seigneur ton Dieu de tout ton cœur ", et dont la formule est reprise en 2 R 23, 1-4, où le roi Josias s'engage, en 627 av. J-C., avec son peuple dans l'Alliance renouvelée avec Dieu, le Deutéro-nome (cf. Charpin, pp. 257ss.). Et cette thématique passera tout naturellement de l'Ancienne (Ps 9, 1) à la Nouvelle Alliance (Mc 12, 32-34 ; Lc 6, 38-45).
Quelques petites "coquilles" à corriger : p. 19, 1ère ligne : lire : repoussé ; p. 259-haut : Dt 6, 4-9, au lieu de : 49 (!) ; p. 296-haut : Ramsès II.
Découvertes archéologiques récentes :
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