(Une mise en perspective)
J’ai manifesté ton nom aux hommes que tu m’as donnés du milieu du monde. Ils étaient à toi et tu me les a donnés ; et ils ont gardé ta parole. (Jn 17,06)
« L’ Unio Reformata n’est pas une nouvelle Eglise, ni une nouvelle bouture, qui espère, un jour, faire sécession, ni une ‘communauté de purs’… »
Les lignes qui suivent se veulent une tentative (personnelle) de situer l’émergence de ce mouvement dans le contexte de l’Eglise protestante unie de Belgique dont il est issu, avant de risquer une esquisse de prospective à la lumière de ses antécédents.
L’impossible unité
Selon la prière « sacerdotale » de Jésus (Jn 17), la communauté des disciples, fondée sur la foi en lui comme Sauveur et Seigneur, devrait se caractériser par une unité joyeuse et resplendissante, prémices d’une humanité nouvelle. Cependant, la conditio sine qua non pour atteindre ce but est qu’elle soit « formatée » par la Parole et qu’elle la vive pleinement dans la vérité et dans l’amour. L’histoire de la chrétienté nous montre toute la difficulté d’atteindre une telle unité. Et ce n’est sûrement pas le protestantisme qui pourrait prétendre donner des leçons en la matière. André Gounelle, par exemple, observe que :
Depuis toujours dans le protestantisme, de vifs affrontements opposent ceux qui veulent l’adapter au présent et ceux qui entendent maintenir les formes anciennes de pensée, de culte, d’organisation ecclésiale. D’un côté, on redoute un protestantisme « barbare » selon une expression de Schleiermacher, ou « sentant le moisi » comme l’écrit Troeltsch, c’est-à-dire un protestantisme qui ignore la pensée, la science, les idées et les valeurs de son temps. De l’autre, on craint que les tentatives d’adaptation à des contextes nouveaux ne l’altèrent, ne le dénaturent et ne le coupent du message évangélique. « Pas d’autre évangile », cette expression de l’apôtre Paul a servi dans l’Allemagne des années 80 de slogan à des protestants qui entendaient résister à des changements considérés comme dévastateurs. (1)
Au cours des derniers siècles, la culture occidentale a été marquée par une importance toujours plus grande accordée à la Raison, puis à la Science (rationalisme, scientisme), avec des conséquences considérables, voire radicales pour l’approche de la foi (chrétienne) en général et des Ecritures en particulier. Aux yeux de la société, la Bible a complètement perdu son rôle de norma normans . Et ce basculement de paradigme (2) s’infiltre largement à l’intérieur même des Eglises chrétiennes.
Parmi les protestants, théologiens en tête, nombreux sont ceux qui ont adopté et favorisé les schémas culturels dominants, s’inscrivant dans ce qui est considéré comme le progrès. Inversement, pas forcément moins nombreux, mais généralement moins puissants, d’autres ont gardé leurs distances par rapport à ces évolutions, ou ne s’en sont rapprochés que très prudemment, avec nuances, restant avant tout soucieux de ne pas vider le message chrétien de sa substance spirituelle et transcendante. Souvent en rupture avec les orientations favorisées par les dirigeants d’Eglise, cette approche a débouché sur des courants qui vont du piétisme au pentecôtisme, en passant par le méthodisme, les mouvements de réveil, le fondamentalisme, les Eglises évangéliques, et bien d’autres encore, comme diverses Eglises réformées ou presbytériennes confessantes.
Des critiques croisées diront des uns qu’ils ont adopté les modes de pensée du monde et évacué la notion même de révélation au profit d’approches se réclamant de la science d’une façon quasi religieuse, et des autres qu’ils ont entretenu des spiritualités obsolètes, inadaptées au temps présent et évacué l’impérieuse nécessité d’actualiser l’Evangile pour le rendre accessible et acceptable au monde contemporain.
Pour notre propos il est important de constater qu’il n’en résulte pas seulement un éclatement toujours plus poussé, voire exacerbé du protestantisme en d’innombrables Eglises et dénominations, mais aussi, et tout autant, un constant fractionnement interne des Eglises dites historiques ou unitaires (3) .
L’Eglise unie (?)
L’EPUB – Eglise protestante unie de Belgique – est née de la fusion de plusieurs dénominations passablement contrastées (4) . Ce regroupement des forces était ressenti comme nécessaire vu la situation extrêmement minoritaire du protestantisme dans un pays où des persécutions prolongées avaient pratiquement éradiqué la présence protestante (5) . Mais l’unité structurelle ne gommait pas les différences, comme il apparaît clairement dans l’article premier de la Discipline, intitulé « De la foi de l’Eglise » : « L’assemblée synodale, les assemblées de district, les Eglises locales et les membres de l’Eglise Protestante Unie de Belgique ont la mission d’expliciter et d’actualiser la déclaration de foi de l’Eglise. Leurs traditions et leur spiritualité propres pourront s’exprimer librement dans le cadre de cette mission. » (6)
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