Se pencher sur les écrits des Pères Apostoliques c’est, pour beaucoup de chrétiens, évangéliques notamment, pénétrer dans un monde inconnu. Ce constat, et le désir de rectifier le tir, sont à la base du présent numéro de
Hokhma , contenant la version définitive de plusieurs conférences données lors du dernier colloque de l’AFETE (Association Francophone Européenne des Théologiens Évangéliques).
Il va de soi que rien ne remplace la lecture des Pères eux-mêmes. Parler d’un auteur, même de façon détaillée, maintient une distance entre celui qui écoute et celui qui, il y a dix-neuf siècles environ, écrivait aux Églises. En lire des extraits permet de diminuer un peu plus le fossé, mais peut aussi donner des impressions erronées si l’on prend un court passage comme représentatif du tout. Malgré ces inconvénients, c’est ce que les éditeurs du présent numéro ont choisi de faire, dans l’espoir qu’une approche, même indirecte ou fragmentaire, pourra susciter l’envie de mieux connaître ces premiers écrits chrétiens qui ont vu le jour en dehors du Nouveau Testament. Il y a fort à parier que le lecteur ne sera pas d’accord avec tout ce qui y est exprimé. Les conférences ont donné lieu, à plusieurs moments du colloque, à des discussions animées sur telle affirmation ou telle présentation ! Mais chaque article, à sa manière, pousse à la réflexion et encourage le lecteur à approfondir ce corpus littéraire.
Cela étant dit, comment lire ces écrits du début du II e siècle (voire, dans certains cas, de la fin du I er siècle) ? Pour reprendre le titre du colloque, comment faire « une lecture évangélique » des Pères apostoliques ? Deux démarches, en tout cas, seraient possibles : nous pourrions, par exemple, au nom du sola Scriptura , nous en désintéresser tout simplement. Il est vrai que les Pères apostoliques ne sont pas canoniques et ne jouissent pas d’une autorité particulière dans le protestantisme. Pour la même raison, il serait possible de porter sur leurs écrits un regard essentiellement négatif, en nous contentant de relever les erreurs, doctrinales ou autres – et il y en a –, qui s’y trouvent. À l’inverse, nous pourrions avoir la tentation d’imposer à ces théologiens-praticiens, de façon un peu subjective et anachronique, notre propre pensée et nos propres luttes. Ce serait d’autant plus facile que nous nous trouvons aujourd’hui, du moins en Occident, dans une situation de plus en plus caractérisée par « l’évidement » du religieux, du christianisme en particulier, comme le soulignent D. Hervieu-Léger et d’autres. À ce titre, il serait aisé de verser dans « l’hagiographie », dans une lecture qui cherche à « récupérer » les Pères afin de mieux nous identifier à eux – ou de mieux les assimiler à nos propres circonstances !
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