« Prends en un autre, celui-ci est à Papa. » Voilà ce que j’ai entendu durant mon adolescence. Maman ne voulait pas que j’utilise les mêmes ustensiles que lui. Pourquoi ?
Sombre avenir
Je savais bien que mon père, comme tant d’autres mineurs de fond autour de nous, était atteint de la silicose mais je ne mesurais pas exactement la gravité de son mal. En fait, les différentes explorations médicales révélaient un taux frôlant les 100 % d'atteinte des poumons. Il avait été mis en arrêt maladie bien avant l'âge de la retraite. Le corps médical de l’époque ne possédait pas de moyens de véritable traitement. Il se contentait de lui préconiser de bien manger, se promener, voyager. Hélas, Papa marchait très difficilement ; il n'avait ni appétit, ni capacité suffisante pour respirer. Je l’ai appris plus tard : on lui avait trouvé des tumeurs aux poumons. C’est sans doute pour cela que mes parents craignaient pour moi une éventuelle contagion : la tuberculose sans doute. Bref, la situation était bien sombre d'autant que Maman était traitée pour une maladie sanguine persistante.
Un jour plus lumineux se lève
Depuis quelques jours des affiches avaient été placardées un peu partout dans la ville. Il y était écrit en très gros : JÉSUS SAUVE, JÉSUS GUÉRIT. En fait c'était un groupe évangélique qui voulait implanter une Église chrétienne dans la région et qui proposait des réunions chaque semaine.
La présentation n'avait rien d'inquiétant ou de suspect. Mes parents s’y sont rendus. Les gens présents étaient invités à se rapprocher de Dieu et à croire dans les promesses contenues dans les évangiles. Après un exposé où on annonçait que le Christ pouvait transformer les vies mais aussi guérir les corps, on proposait à ceux qui le désiraient de prier Dieu. Avec d'autres personnes, mes parents ont accepté de bénéficier de la prière.
Est-ce possible ?
Contre toute attente, quelque chose s'est produit après ces fréquentations. Pas d'une manière brutale mais plutôt progressive. Papa se sentait mieux dans son corps et dans son être en général. Les mois suivants ont été encore plus saisissants car mon père a pu reprendre un travail régulier dans les houillères. Il a même pu jouir pendant quelques années de sa retraite avant de partir dans la paix de Dieu sans asphyxie ni hémorragie, ces phénomènes qui caractérisent la fin de vie des silicosés.
Moins spectaculaire mais tout aussi réel et durable, Maman a été guérie elle aussi. Son traitement par injection n'était plus nécessaire.
Pour moi, ce fut le début d'une période de questionnements où la raison et l'intelligence ne trouvaient pas leur compte. Devais-je croire en quelque chose ? C’est plus tard que j’ai découvert que ce n’était pas en quelque chose mais en quelqu’Un.