« À rester dans ta tour d’ivoire,
En broyant du rose ou du noir,
Tout seul, tout seul.
Comme on n’est pas très malheureux,
On oublie qu’on n’est pas heureux,
Tout seul, tout seul. »
Comme le chantait Françoise Hardy, derrière les aspects positifs de la solitude, se cache un bon nombre de souffrances.
Il y a solitude et solitude
Dans notre société de communication, où tant de moyens sont à notre disposition pour dialoguer, la solitude demeure pourtant bien présente. À tout âge, on peut avoir l’impression d’être seul. Certains enfants ressentent déjà beaucoup de solitude. On sait que l’adolescence est un moment particulièrement délicat où on se découvre comme un être différent des autres, unique et, par là même, seul. Cette première expérience de la solitude existentielle se rejoue à l’âge adulte, à différentes étapes de la vie. Victor Hugo écrivait, pendant son exil forcé : « L’enfer tout entier est dans ce mot : solitude . » Quand elle est imposée, la solitude est difficile à vivre. Quand, au contraire, pour une période précise, quelqu’un cherche un peu de tranquillité, pour réfléchir ou se reposer, la solitude peut être grandement appréciée. Elle permet un face à face avec soi-même. C’est un espace de liberté ouvert dont chacun peut profiter.
Amie
On peut ainsi parler de la solitude-amie qui permet de retrouver la paix. C’est dans le silence que beaucoup de croyants ressentent le mieux la présence de Dieu, cet être invisible et bienveillant qui vient à la rencontre des humains quand ils sont disponibles pour percevoir et écouter sa voix. Certains ont aussi besoin de solitude pour se donner rendez-vous à eux- mêmes, pour se ressourcer.
Ennemie
La solitude-ennemie est celle qui vient détruire le sentiment de bien-être. Elle amène au doute sur soi-même : « Si je suis seul, c’est que je n’intéresse personne... que je ne vaux pas grand-chose. » L’être humain a des besoins essentiels, notamment celui d’être reconnu, celui d’être écouté, celui d’être aimé, celui de se sentir utile à quelqu’un d’autre... Quand on est seul, ces besoins ne sont pas entièrement satisfaits. Des manques se créent et parfois s’installent. Se développent alors de l’amertume, de la tristesse, mais aussi parfois de la colère.
Nos besoins
Nous avons tous un besoin existentiel d’être connu et reconnu, d’être appelé par notre nom, de savoir que nous comptons pour quelqu’un et que notre existence, est non seulement légitime, mais a du sens. C’est dans le regard de l’autre que l’on trouve cette reconnaissance. Regard de ses parents, en premier lieu, puis regard de tous ceux qui croisent notre chemin de vie. Quand surgit un sentiment amoureux et une relation de couple, le sentiment d’exister est décuplé. Beaucoup de joie de vivre vient habiter celui/celle qui découvre l’amour. Parce qu’il/ elle est choisi/e par quelqu’un comme un vis-à-vis, parce qu’il/elle est choyé/e, parce qu’il/elle se sent admiré/e, il/elle est plein/e d’une énergie nouvelle. À l’inverse, une personne insatisfaite dans son couple ou malheureuse en ménage, une personne qui subit un deuil ou une séparation, une personne célibataire qui n’a jamais connu de relation amoureuse, peut faire l’expérience d’une perte d’es- time de soi.
Communiquer est un autre besoin humain, essentiel. C’est en s’exprimant que chacun construit son histoire, prend conscience de ses émotions, élabore des projets. N’avoir personne à qui parler de façon profonde peut se révéler très douloureux. Au contraire, être écouté est un cadeau rare et précieux, qui vient effacer le sentiment de solitude par la complicité qui s’est établie.
Chacun de nous a besoin d’être aimé. Nous sommes comme des grands réservoirs qui ont besoin d’être remplis de tendresse, d’affection, d’attention, d’encouragement et aussi de câlins. La solitude vient parfois souligner un manque affectif qui se fait sentir alors cruellement.
Un autre de nos besoins est celui d’appartenir à un groupe. Il s’oppose, bien sûr, au besoin de liberté qui est aussi important. Pour chacun, il importe à la fois de se sentir libre et de se sentir en relation avec les autres. Appartenir à un groupe construit une identité. Faire partie d’une famille, être membre d’une asso- ciation, être inscrit dans une profession, être d’une région ou d’un pays, autant de moyens de se sentir en lien avec les autres. Une solitude vécue positivement peut donner un bel espace au besoin de liberté. À l’inverse, une solitude subie peut donner l’impression d’être coupé du monde. Elle devient alors isolement et provoque un sentiment d’abandon, voire de rejet. Cette différence entre solitude choisie ou subie est fondamentale. On peut aussi distinguer une solitude réelle d’une solitude ressentie. On peut se sentir bien, seul au milieu d’un paysage. On peut se sentir mal au milieu d’une foule.
Devenir acteur
Si le sentiment de solitude fait partie de la condition humaine, il peut néanmoins s’apprivoiser, se gérer, et aussi se dépasser. Au lieu de s’enfermer dans des questions sans réponse (« Jusques à quand ? » ; Pourquoi moi ? »), il s’agit de décider d’aller de l’avant et d’être acteur de changements dans sa vie. La solitude est ainsi une école exigeante. Elle pousse à oser sortir de sa tour d’ivoire pour prendre sa place au milieu des autres, tout en restant soi-même.
LA SOLITUDE REVENDIQUÉE. UNE NOUVELLE MODE ?
Les « Solobataires », nouveau terme des sociologues pour désigner l’ensemble des personnes célibataires, séparées, divorcées et veuves, sont de plus en plus nombreux. Est-ce pour autant une condition idéale ?
Certains revendiquent un célibat gage de liberté et de dynamisme ; ils se surnomment les « solobattants ! » Mais, d’autres vivent plus ou moins douloureusement une situation non choisie.
Manger seul, sortir seul, préparer ses vacances seul, se soigner seul, autant de moments difficiles. À vivre seul entre ses quatre murs, on peut devenir sujet à l’angoisse ou à la déprime. Pour celui qui ne l’a pas vécu, le poids de cette solitude quotidienne est difficile à imaginer. Le silence est pesant, chaque décision coûte, toute démarche administrative ou bricolage ménager est à assumer seul. Personne ne viendra remplir le frigo ou mijoter la soupe du soir...
Certaines dates cristallisent la souffrance. Devoir passer le 24 et le 25 décembre seul, alors que l’on sait toutes les familles réunies, peut être terrible. Guetter toute la journée de son anniversaire un appel téléphonique ou un courrier... dans l’espoir que quelqu’un ait pensé à moi... Autant de moments où vivre seul est un défi difficile à relever.
Chaque situation est différente. À différentes époques de vie, pensées et émotions varient. C’est un chemin, un effort, une lutte parfois, pour ne pas sombrer dans l’isolement. Pourtant, mille façons de s’ouvrir aux autres permettent d’éviter d’être soliTaire pour devenir soliDaire !