Le « crime » des premiers chrétiens
Les autorités, sans être dupes, mettaient à mort les chrétiens arrêtés. À leurs yeux, ils commettaient au moins un crime de lèse-majesté en ne sacrifiant pas aux dieux, c’est-à-dire en ne reconnaissant pas la souveraineté absolue des Césars.
Polycarpe est mort aussi à cause de pressions populaires et des autorités locales, motivées par un esprit de démagogie et la volonté de faire un exemple. Son supplice représente cependant un cas encore relativement isolé à cette période.
Le témoignage de Polycarpe
Polycarpe a, semble-t-il, connu l’apôtre Jean dans sa jeunesse. Évêque de Smyrne, il nous a laissé une « épître aux Philippiens ».
Dans un amphithéâtre comble, il doit affronter un terrible dilemme. Le proconsul le presse de jurer par la fortune de César et de maudire le Christ. Mais Polycarpe refuse en disant :
« Il y a 86 ans que je sers le Christ, et il ne m’a fait aucun mal ; comment pourrais-je blasphémer contre mon Roi qui m’a sauvé ? »
Le proconsul insiste alors en le menaçant de le livrer aux bêtes sauvages ou au feu s’il ne change pas d’avis. Mais Polycarpe tient bon.
Son martyre, le plus ancien récit du genre qui nous soit parvenu, a été diffusé dans toute la chrétienté. Il relate : « On disposa autour de lui les matériaux rassemblés pour le feu. Mais, quand les gardes voulurent le clouer au poteau : Laissez-moi comme je suis, leur dit-il. Celui qui m’a donné la force d’affronter ces flammes me donnera aussi, même sans la précaution de vos clous, de rester immobile sur le bûcher. Alors, il leva les yeux au ciel et dit sa dernière prière ».
Sa prière *
« Seigneur, Dieu tout-puissant, Père de Jésus-Christ, ton Fils béni et bien-aimé, à qui nous devons de te connaître, Dieu des anges, des puissances, de toute la création et du peuple entier des justes qui vivent sous ton regard, je te bénis parce que tu m’as jugé digne de ce jour et de cette heure, et que tu me permets de porter mes lèvres à la coupe de ton Christ, pour ressusciter à la vie éternelle de l’âme et du corps dans l’incorruptibilité de l’Esprit Saint. Accueille-moi parmi eux devant ta face aujourd’hui ; que mon sacrifice te soit agréable et onctueux, en même temps que conforme au dessein que tu as conçu, préparé et accompli. Toi qui ne connais pas le mensonge, ô Dieu de vérité, je te loue de toutes tes grâces, je te bénis, je te glorifie au nom du Grand Prêtre éternel et céleste, Jésus-Christ, ton Fils bien-aimé, par lequel la gloire soit à toi comme à lui et à l’Esprit Saint, aujourd’hui et dans les siècles futurs. Amen ! »
Quand il eut prononcé ce « amen », qui achevait sa prière, les assistants du bourreau allumèrent le feu.