La mécanisation, la robotisation, et, désormais, la numérisation du travail, sont, à la fois, un progrès social considérable et bienfaisant, et une catastrophe pour l’homme et son avenir. Il est évident que l’homme a toujours réussi, par son inventivité, sa curiosité, son ingéniosité, à diminuer les efforts pour vivre, survivre, travailler, manger... La capacité à inventer toutes les technologies possibles et imaginables demeure une des originalités de l’homo sapiens. Plus fort que la fourmi, l’abeille ou le chimpanzé, il est capable de toujours améliorer ses outils et ainsi gommer toute pénibilité afférente aux multiples tâches de son existence. Cela fait partie de sa nature de peu inférieure à Dieu.
Merci aux savants
Les savants rendent notre monde plus facile alors qu’ils vivent, tel le professeur Tournesol, dans une bulle, loin de toute réflexion sur le système économique et politique qu’ils enrichissent. En effet, c’est bien un monstre capitaliste qui profite de tout, bien avant l’ouvrier citoyen. Le développement des technologies qui crée des milliers d’emplois a tendance à en détruire bien davantage. Cela devient évident lorsque nous remarquons que vingt robots dans une chaîne de montage remplacent cent ouvriers, et qu’un ordinateur performant remplace dix ingénieurs. Nous avons, par exemple, des machines capables d’établir des diagnostics médicaux dix fois plus fiables que celui des médecins ! Il ne faudra pas longtemps pour que la Sécurité Sociale trouve ces machines plus performantes et moins coûteuses que les spécialistes en tout genre, et dont la tentation est le dépassement d’honoraires. Soyons lucides : le manuel est remplacé par un robot et l’intellectuel par un logiciel.
Bientôt payer pour pouvoir travailler ?
L’homme qui travaille va devenir rare, mais pas nécessairement cher. Que se passe-t-il lorsqu’il y a un poste pour 800 candidats ? Déjà, des employés acceptent des diminutions de salaire pour garder leur boulot. Ne nous leurrons pas : la tendance générale, malgré tous les discours trompeurs, est d’aller vers la destruction de l’emploi tout en prétendant inverser la courbe du chômage. Le paradoxe est si grossier qu’on se demande pourquoi il ne saute pas aux yeux : une technologie qui détruit plus d’emplois qu’elle n’en crée provoquera immanquablement une catastrophe sociétale.
Un indice qui ne trompe pas
Un des signes qui devrait nous alerter c’est celui des salaires qui tombent en dessous du seuil de subsistance. Ce phénomène risque de s’accentuer jusqu’à ce qu’on aligne les salaires sur ceux du Pakistan. On évoque la compétitivité, mais c’est d’un étranglement programmé qu’il s’agit. Qu’est-ce qui a provoqué ce dérapage si ce n’est l’argent de quelques-uns ? En effet, les gains générés par toute forme de progrès, ont été confisqués par des actionnaires, enfants d’un capitalisme immoral, aux dépens de ceux qui veulent travailler en pensant améliorer leurs conditions de vie.
Avant qu’il ne soit trop tard
Évoquer ces observations, les analyser et en tirer des conclusions donnent le vertige parce que l’on pressent le danger qui conduit à l’autodestruction. Le réchauffement de la planète, la pollution, le nucléaire et les armes chimiques semblent dépassés. Nous voilà comme le lapin pris dans les phares d’une voiture folle au cœur d’une nuit sans lune : prisonnier d’un doute, fasciné par l’inconnu, paralysé par la conscience d’une mort imminente. Ne nous reste-t-il que des projections alarmistes, constatant que notre impuissance est à la hauteur de notre orgueil ? Que faire quand nous ne serons plus que les esclaves oubliés de nos machines ? Sera-t-il possible de se libérer des chaînes que nous nous sommes données ?
Le travail n’est pas une punition
Il est urgent d’ouvrir les yeux sur les fausses fascinations, de quitter les utopies fantasmées. Il faut dénoncer et empêcher les profits immenses de certains, et programmer un partage équitable des richesses que la technologie offre. Et peut-être corriger quelques erreurs bien humaines.
Lutter contre la pénibilité du travail est sans doute une démarche juste et bonne, mais progressivement, c’est le travail tout entier qui a été confié aux machines, laissant l’homme dépossédé de ce qui le forge, de ce qui lui donne sens, de ce qui le valorise. Ce sera toujours du travail que naîtront la reconnaissance de soi et la raison d’être. Il faut arrêter de croire que le travail est une sanction. C’est d’autant plus vrai que Dieu lui-même l’a institué. Et c’est lui qui nous embauche dans un dessein de cocréateur.