À l’heure où j’écris ces lignes, l’actualité française est dominée par le vote du budget 2018. Entre « budget équilibré » et « cadeaux pour les riches », le débat est virulent. Des grèves expriment l’insatisfaction des fonctionnaires qui s’estiment lésés.
Le pouvoir d’achat au cœur des débats
Il mesure ce que l’on peut acheter avec les revenus dont on dispose. Il devient la mesure à laquelle on évalue la politique gouvernementale. Chacun veut plus, toujours plus de ce fameux pouvoir d’achat.
Il est vrai que nous sommes dans une société où l’on n’a pas le choix. Nous ne pouvons plus vivre dans une relative autarcie comme les paysans autrefois. Nous dépendons des ressources de notre travail et/ou de diverses allocations sociales, dans un monde où nous sommes devenus extrêmement dépendants de l’organisation sociale, et donc, les uns des autres.
Des peurs différentes
Derrière les discours économiques qui se veulent rationnels et argumentés se croisent toute une série de peurs. Peur du patron ou de l’artisan qui ne sait pas si son entreprise trouvera ou gardera son créneau dans un contexte concurrentiel. Peur du chômeur ou de l’intérimaire qui ne sait pas s’il trouvera un emploi stable. Peur du salarié qui craint de perdre sa place ou de ne pouvoir la garder qu’en échange d’une baisse de salaire. Peur devant un système économique qui produit de plus en plus de pauvres. Peur de devoir travailler de plus en plus longtemps pour une retraite de plus en plus faible. Ces peurs sont d’autant plus grandes que l’on a l’impression de ne pas maîtriser grand-chose face à cette réalité, et donc de ne pas maîtriser grand-chose de sa vie.
Les effets de la peur
La peur provoque le repli sur soi, elle nous isole les uns des autres. Chacun voit d’abord et parfois uniquement ses propres intérêts, surtout s’il a l’impression de lutter pour sa survie, par exemple les travailleurs dont l’usine va fermer. Cela amène des fractures sociales croissantes et donc de la violence. Une violence qui peut être dirigée contre soi (cf. les nombreux cas de suicide au travail) ou contre les autres.
La peur nous prend aussi beaucoup d’énergie, surtout s’il n’y a pas de perspectives positives. Elle nous affaiblit intérieurement. On se retrouve désabusé, sans punch et on dérive plus ou moins lentement vers une dépression qui peut aller jusqu’à l’hospitalisation.
Lutter, mais aussi s’interroger
Il nous faut lutter résolument contre la pauvreté, sous toutes ses formes, aucun doute là-dessus. Mais peut-être faut-il aussi s’interroger sur les valeurs concrètes de notre société, celles qui sont réellement à l’œuvre et non celles que l’on ressort le temps d’une manifestation. Et poser la question suivante : est-il vraiment possible de faire une société si la valeur dominante est la consommation qui valorise et classe les êtres humains d’abord en fonction de leur pouvoir d’achat ?
La bourse ou la (vraie) vie ?
L’humain est plus que ce qu’il gagne grâce à ses compétences ou ce qu’il peut consommer. Sa valeur n’est pas indexée sur son pouvoir d’achat. Nos sociétés occidentales, au sein desquelles sont pourtant nés les droits de l’homme et du citoyen, laissent l’économie libérale prendre petit à petit le pas sur toutes ces valeurs. Avec notre complicité ?