Ce très beau film, fondé sur des faits réels, débute dans un camp de réfugiés éthiopiens au Soudan. Famine, misère, désespoir hantent les regards. Une mère chrétienne découvre qu'une opération de rapatriement est en cours vers Israël. Mais voilà : cette « opération Moïse » (conduite en 1984-85) n'est prévue que pour les réfugiés éthiopiens juifs. La maman va alors confier son fils à une maman juive qui vient de perdre le sien. Avant de se séparer, elle dit à son garçon cette phrase prophétique : « va, vis et deviens ».
Nouvel environnement
Parvenu en Terre Promise, l'enfant est adopté par une famille juive citadine. Son identité ? Elle est à reconstruire. Ce processus en trois parties (« va », « vis », « deviens ») passe par un changement de prénom. Le petit chrétien s'appelle désormais Shlomo (Salomon), le juif. Perdu dans un monde dont il ignore toutes les règles, le petit Shlomo est confronté, dans le regard des autres, à sa différence. Sa couleur de peau fait peur, on l'évite. Mais avec l'amour de sa maman adoptive, l'aide malicieuse de son papy (exilé d'Alexandrie), les assiduités d'une jeune fille qui devient amoureuse de lui, le jeune Éthiopien va, peu à peu, se construire un avenir. Devenir un homme. Faire des études de médecine. Mais comment oublier ses origines ? Seuls, la lune blafarde au cœur de la nuit, et le regard compréhensif du chef spirituel de la communauté juive éthiopienne, vont l'aider à ne pas se perdre.
De quelle couleur es-tu ?
Un épisode, au milieu du film, joue aussi un rôle clef : invité à une controverse talmudique où il se rend par défi, Schlomo doit répondre à cette question centrale : quelle était la couleur de peau d'Adam ? Avec une grande finesse, Shlomo s'appuie sur le nom d'Adam. Il expose le fait qu'Adam n'était ni blanc, ni noir, mais rouge, couleur de l'argile mais aussi du sang (adama signifie terre, et adom signifie rouge). En partant du nom du premier humain biblique, Schlomo revient à l'essentiel : par-delà les étiquettes, les doigts accusateurs pointés sur ceux qui diffèrent, notre identité et notre nom ne sont pas là pour nous séparer. Ils devraient au contraire nous relier à une source commune qui nous dépasse, cette source divine qui veut nous sauver de l'exil du Mal pour nous donner la Terre Promise de l'adoption et de la réconciliation.