Riggan (Michael Keaton) a un problème : il veut prouver à tous qu’il est encore un acteur. Pour arracher les derniers lambeaux de sa gloire passée de « Birdman », super héros connu de tous, il va oser le périlleux défi de mettre en scène, sur Broadway, une pièce de théâtre de Raymond Carver.
Raté ou super-héros ?
Dans sa mise en scène absolument étourdissante, le mexicain Alejandro Iñárritu ne choisit jamais : Riggan est-il un raté qui voudrait percer une dernière fois ? Est-il un ange incompris descendu parmi les hommes ? De bout en bout, la mise en abîme du réalisateur nous conduit tantôt à croire, tantôt à douter. Riggan est un fou, un dangereux schizophrène possédé par un personnage de cinéma, venu d’une époque révolue. Et ce qui ne l’aide pas dans sa psychose, c’est que le public a gardé de lui le souvenir, l’image exacte de sa gloire défunte. Il refuse de le voir autrement ! Quel fardeau pour un acteur déchu !
Exister dans le regard de l’autre ?
C’est encore dans les yeux de ses proches que le vrai Riggan « existe » le plus, eux qui le connaissent et ne le confondent pas avec une icône du passé ! Sa fille désinvolte, moult fois désintoxiquée (Emma Stone, lumineuse), lui assènera un de ces sermons dont un père, longtemps absent, sort en général abasourdi. Puis grandi. « Et en plus, tu n’existes pas si tu n’es pas sur les réseaux sociaux de nos jours », ajoute-t-elle. Jouer de son image en la mettant lui-même en scène aux yeux de tous sur ces réseaux indélicats ? Vous n’y pensez pas ! Pourtant, à la faveur d’un événement comique et incongru, son image dénudée fera un gigantesque buzz : sorti pendant l’entracte fumer une cigarette, une porte qui claque lui volera son peignoir pendant qu’en slip il remontera tout Broadway devant des milliers de badauds qui lui prendront ce qui lui reste de dignité. Quelle meilleure façon de faire parler de son spectacle ?
« Qui dites-vous que je suis » ?
Chacun a une mission à accomplir ici-bas. Mais Riggan, proche de la retraite, se cherche encore et veut convaincre des critiques hostiles du génie de sa mise en scène.
Sans dévoiler l’intrigue de ce chef-d’œuvre couronné par quatre Oscars cette année, disons que pour arriver au succès il usera de moyens extrêmes. Le plus sceptique des spectateurs lèvera sans doute les yeux au ciel à la fin du film, longtemps songeur... un peu comme les disciples du Christ qui assistèrent à l’ascension de leur Maître. Riggan s’est-il enfin trouvé, bien que personne n’ait été témoin de sa montée « dans la gloire » ? A-t-il encore besoin du regard des autres ? Le metteur en scène ne tranche pas, mais le sourire de la fille de l’acteur en guise d’image de fin en dit long...