Dans le renouveau actuel du cinéma catholique engagé, voici un film précurseur, magnifique et drôle, qui met l’accent sur la conversion personnelle. C’est un ami, invité à la première au Festival de Cannes, qui m’a persuadé de m’y pencher. « Le silence à la fin était à couper au couteau », m’a-t-il dit. Et en effet, chacun fera la réponse qu’il souhaitera au Christ qui apparaît progressivement dans la vie du personnage principal (l’excellent Bruno Caravaca) : silence gêné, honte et éloignement pour les uns, accueil humble pour les autres…
Monsieur Tout-le-monde
Anne Giafferi met en scène le livre de son mari Thierry Bizot (auteur de « Catholique anonyme »). Antoine, avocat dans la quarantaine, a tout pour être heureux : une femme superbe, de beaux enfants, un compte en banque garni. Mais sa vie n’est que façade. Antoine a un « trou » dans le cœur, un « vide en forme de Dieu », comme le disait Pascal. Et cela, Antoine ne le sait pas encore.
Moins heureux qu’il y paraît
C’est vrai qu’Antoine a quelques cicatrises qui font mal : son père, qui n’a de cesse de le diminuer et de lui préférer son frère (Benjamin Biolay), buveur oisif et violent. Il y a aussi sa femme, qui considère aujourd’hui que sa quête intérieure fait tâche dans la belle « plastique sociale » de leur vie rangée. Il y a également ses enfants qu’il ne comprend décidément plus à mesure qu’ils grandissent. C’est en se reconnaissant malade dans son âme qu’Antoine pourra commencer un vrai chemin vers la foi.
De moqueur à moqué
Un jour, un professeur de son fils invite Antoine à des réunions de catéchèse pour adultes. Avec ses amis « bobos », il se moquera d’abord de la ringardise et du simplisme de la croyance. Puis il se prendra progressivement au jeu et choisira de porter la honte que notre société réserve à ceux qui désirent « marcher sur les anciens sentiers » alors qu’elle est si prompte à encenser les cultures de partout et d’ailleurs.
Christ, discret mais efficace
Tout en pudeur, sans tambours ni trompettes, le Christ viendra poser la pierre qui manquait dans la vie d’Antoine. En allant vers lui, Antoine se réconciliera avec lui-même et avec les autres. Il pardonnera à son frère sa violence, à son père ses abus et sa démission, à sa femme sa superficialité. Il découvrira aussi le chemin du dialogue avec ses enfants. Nous sommes bien loin de la mystique des sectes qui enferme dans la certitude des doctrines étranges. À l’image de l’affiche de Sempé, il suffira d’un geste, même timide, et d’un regard vers le ciel pour que Dieu note de l’attente exprimée : Oui, moi, j’ai envie, j’ai BESOIN d’être aimé ! Et je me moque bien de ce que pourront penser les autres !