Pouvoir et autorité
Je trouve la distinction entre « pouvoir » et « autorité » d’une grande utilité dans cette réflexion. Quelle est la différence fondamentale entre ces deux termes ? Mon vieux dictionnaire Hachette précise :
- le pouvoir est le droit, la faculté d’agir pour un autre en vertu du mandat que l’on a reçu.
- l’autorité est l’influence ou l’ascendant que l’on exerce (« il a une grande autorité sur ses élèves »).
Autrement dit, le pouvoir émane des structures d’une organisation, l’autorité découle de la personne. On retrouve cette même distinction sur des sites internet que j’ai consultés :
L’autorité est une valeur reconnue à une personne ou à une entité alors que le pouvoir est l’effet d’un droit ou de la légitimité exercé sur autrui avec plus ou moins d’autorité(1).
L’autorité peut être considérée comme une supériorité grâce à laquelle un individu se fait obéir en inspirant croyance, crainte ou respect et en s’imposant à autrui son jugement, sa volonté ou son sentiment.
Le pouvoir se manifeste :
- soit comme une propriété inhérente aux choses entendue en termes de capacités ;
- soit comme un attribut conféré par un groupe social ;
- soit enfin comme une capacité conquise ou investie, par exemple, par la violence(2).
Cette distinction n’est pas dénuée d’ambiguïté linguistique : on parle des autorités et des pouvoirs publics par exemple ; dans les deux cas il s’agit du gouvernement ou de l’administration publique chargée de faire respecter la loi. En revanche, cette distinction est extrêmement utile pour notre sujet. La gouvernance d’une Église locale peut aussi connaître des dérives selon la dernière définition du pouvoir : « une capacité conquise par la violence »… et la violence peut être subtile, voire « spirituelle ».
Pouvoir et autorité au sein d’une Église locale
En une phrase, le conseil de l’Église et la réunion des membres représentent le pouvoir, et l’équipe pastorale représente l’autorité. Mais avant d’aller plus loin, il convient d’apporter des clarifications sur les deux « instances » en question.
1. Le conseil d’Église
Le conseil d’Église est élu par les membres de l’association. Il me semble judicieux de faire correspondre la liste des membres de l’Église et les membres de l’association cultuelle. Maintenir deux listes différentes créerait des complications inutiles, à mon avis. Les membres de l’association sont donc tous ceux qui ont indiqué leur désir d’adhérer à l’Église et à sa confession de foi.
Pour concrétiser cette liste unique de membres, il faut veiller à la rédaction des documents officiels régissant la vie de l’association.
Par exemple, on pourra préciser au niveau des statuts, dans les différents alinéas :
Pour faire partie de l'association, il faut accepter sans réserve les présents statuts ainsi que le règlement intérieur de l'association et la confession de foi.
L'admission d'un nouveau membre s'effectue par vote de l'assemblée générale sur proposition du conseil d'administration.
Le conseil d'administration peut radier tout membre qui cesserait de se conformer aux présents statuts et au règlement intérieur ou dont la foi ou la vie serait en désaccord avec la confession de foi.
Et dans le règlement intérieur, on pourra ajouter des précisions supplémentaires :
Un chrétien né de nouveau par la repentance et la foi en Jésus-Christ et désirant devenir membre de l'association de l'Église Protestante Évangélique de… se mettra en relation avec le conseil. Le candidat fera une demande écrite en précisant son accord avec les statuts, le règlement intérieur et la confession de foi. L’équipe pastorale examinera le bien-fondé de la candidature sur le plan spirituel. Le conseil soumettra la candidature au vote de l'assemblée générale à la séance suivante.
Tout chrétien en communion avec l'Église Protestante Évangélique de… peut participer à ses activités sans être membre de l'association. Il ne peut cependant avoir de voix de délibération au niveau de l'association ni un ministère d'ordre important ou régulier au sein de l'Église.
La désignation de l’équipe pastorale : les membres de l’équipe en place, après avoir consulté l'Église, proposent de nouveaux membres avec le plein accord des intéressés. Après un temps de réflexion et de prière, l'Église est invitée à reconnaître l'appel de chacun et à s'exprimer par un large consensus avant que le frère proposé soit confirmé comme ancien. Cette responsabilité n'implique pas nécessairement l'abandon de la vie professionnelle.
Au regard de tous ces textes, quelqu’un pourrait se poser la question : mais pourquoi créer une association puisqu’il n’en est pas question dans le Nouveau Testament ? La réponse la plus pertinente serait que le respect de la loi (tant que cela ne constitue pas une désobéissance à Dieu) est conforme au principe énoncé par l’apôtre Paul : « Que chacun soit soumis aux autorités établies » (Rm 13.1 NBS).
Dans notre pays, un groupe de personnes qui voudrait obtenir la capacité juridique doit se constituer en association culturelle (loi de 1901) afin de pouvoir, entre autres :
- ester en justice
- recevoir et administrer les cotisations de ses membres
- ouvrir un compte bancaire
- acquérir un local destiné aux réunions de ses membres.
En ce qui concerne une Église, elle a tout intérêt à se constituer en association cultuelle (loi de 1905) car il s’agit d’un régime avantageux qui lui permet de recevoir des libéralités et des legs, d’émettre des reçus fiscaux et de bénéficier de certaines exonérations (telles que la taxe foncière sur ses locaux cultuels).
Cependant l’arrêté du ministère de l’intérieur du 1er août 2007, restreint ces avantages aux « associations cultuelles qui ont exclusivement pour objet l’exercice d’un culte et se soumettent aux dispositions du titre IV de la loi du 9 décembre 1905 concernant la séparation des Églises et de l’État ». En clair, les activités de l’Église qui ne concernent pas l’exercice d’un culte n’entrent pas dans les compétences d’une association 1905 et il convient de créer une deuxième association (de type 1901) pour gérer légalement ces actions – scoutisme, action sociale, concerts, expositions... Cependant les comptes de cette association ne peuvent être alimentés par l’association cultuelle, car cela constituerait un contournement de l’avantage fiscal par rapport aux dons reçus pour l’association de l’Église.
Dans cette configuration, il faut qu’une Église réfléchisse bien sur les relations entre ses deux associations. On peut préciser, par exemple, que seuls les membres de l’association de l’Église peuvent être membres de l’association 1901. Les mêmes personnes peuvent faire partie du conseil des deux associations, surtout dans le cas d’une petite Église. On peut aussi prévoir une réunion régulière entre les membres du conseil d’Église et ceux de l’association 1901 en vue d’une plus grande harmonie entre les deux. Et on peut aller jusqu’à traiter les affaires des deux associations au cours d’une même réunion pour qu’il y ait une totale cohérence dans ces mêmes actions, à condition de rédiger deux PV séparés (un par association).
2. L'équipe pastorale
Les Églises ont souvent des noms différents pour l’autorité spirituelle. Plusieurs termes sont utilisés dans le Nouveau Testament pour désigner les responsables d’une Église, et ils sont traduits de façon différente selon la version de la Bible utilisée :...