L'AUTORITÉ CHEZ LES BAPTISTES
Dieu dirige son peuple.
Une théocratie
La démocratie - le gouvernement du peuple, par le peuple, pour le peuple - est un idéal à chérir dans le domaine politique. Mais cet idéal ne s'applique pas à l'Église. Nous confessons que Jésus est Seigneur. C'est sa volonté et sa volonté seule qui doit faire autorité.
Ainsi, toute Église qui se veut Église chrétienne ne peut fonctionner sur la base de principes purement démocratiques. Elle cherchera plutôt à s'organiser sur le modèle théocratique, autrement dit, elle cherchera à être dirigée par Dieu. "Chercher premièrement son royaume et sa Justice" (Mat. 6.33) : tel sera le motif dominant de notre vie commune.
Mais qu'est-ce que cela veut dire : être une théocratie ? Comment Dieu dirige-t-il son peuple ?
Les Chrétiens sont divisés sur cette question. Voici les principales réponses données à cette question :
* Dieu dirige par le moyen des évêques (épiscopalisme).
* Dieu dirige par le moyen d'anciens (presbytérianisme - on le rencontre non seulement dans les Églises réformées, mais aussi dans des Églises de maison ou de nouvelles Églises).
* Dieu dirige par le moyen de l'Assemblée d'Église, qui réunit les membres d'une Église locale (congrégationalisme).
Le congrégationalisme
C'est le modèle qu'ont généralement adopté les baptistes (mais aussi d'autres Églises). John Smyth(1), par exemple, soutenait que c'est la congrégation ("les saints en tant que rois") qui dirige l'Église visible. Malheureusement, on confond souvent le gouvernement congrégationaliste de l'Église avec un gouvernement démocratique - de la même façon que l'on confond le baptême des croyants avec le baptême des adultes. Cependant, comme l'a écrit le théologien congrégationaliste P.T. Forsyth, "le congrégationalisme a été le père de la démocratie politique, et non son enfant". Dire que Dieu gouverne par le moyen du peuple réuni en assemblée ne veut pas dire que Dieu le fait en suivant les règles habituelles de la démocratie. Il faut plutôt dire avec une Déclaration sur l'Église de 1946, que l'assemblée d'Église "est le moment où, en tant qu'individus comme en tant que communauté, nous nous soumettons à la direction du Saint-Esprit et nous nous plaçons sous le jugement de Dieu afin de connaître la pensée du Christ".
On peut aussi choisir une autre définition : l'assemblée d'Église est "le lieu où tous les membres se réunissent régulièrement, dans un esprit de prière, partagent leurs préoccupations spirituelles les plus profondes et recherchent la direction du Saint-Esprit pour toutes les questions qui concernent leur vie commune en tant que famille de Dieu" (Daniel Webster).
L'autorité de l'Église locale
L'assemblée d'Église a une grande importance pour les baptistes. Ceci a des conséquences considérables en ce qui concerne la vie de la Fédération. Si l'autorité dernière repose sur les membres de l'Église locale, réunie au nom du Christ, il s'ensuit que toutes les formes de hiérarchie sont nécessairement exclues. Tandis que d'autres Églises ont une structure en forme de pyramide, avec au sommet un pape, un archevêque, un président de conseil, dans une Église baptiste la pyramide est renversée. L'Église n'est pas soumise à une figure humaine d'autorité, qu'elle se situe au sein de l'Église locale ou au dehors. Tout au contraire, les pasteurs, les anciens, les diacres, comme tous ceux qui exercent une responsabilité en dehors de l'Église locale sont là pour servir l'Église.
En accord avec cette conception de l'Église locale, l'Union Baptiste de Grande-Bretagne, dans sa déclaration de principe, affirme que le fondement de l'union est d'abord le fait que "notre Seigneur et Sauveur Jésus-Christ, Dieu apparu dans la chair, est la seule autorité absolue en matière de foi et de pratique, comme la Sainte Écriture nous le révèle, et que chaque Église, sous la conduite du Saint-Esprit, a la liberté d'interpréter et de mettre en œuvre ses lois".
Une Église baptiste est une Église qui se gouverne elle-même. Bien qu'elle veuille s'associer à d'autres Églises baptistes en exprimant par là une très réelle interdépendance (comme nous le verrons plus loin), elle garde toujours une indépendance de jugement et de décision. La pratique baptiste du gouvernement de l'Église met l'accent sur l'Église locale. En fait, les baptistes ne parlent pas de leur dénomination comme d'une Église, mais comme d'une union d'Églises. C'est dans l'Église locale que se trouve le cœur de la vie baptiste.
Les principes théologiques
Aucun baptiste qui réfléchit ne soutiendra que le "modèle congrégationaliste" est la reproduction exacte de l'Église du Nouveau Testament. Et d'abord parce que personne ne sait de façon certaine comment fonctionnait l'Église primitive. Il ne nous est pas possible, par exemple, d'examiner les procès-verbaux des réunions de l'Église de Jérusalem. Ensuite, il est évident que les structures des Églises variaient d'un endroit à l'autre. Ce qui était possible à Jérusalem ne l'était guère en Asie Mineure, où il n'y avait pas douze apôtres dans chaque Église ! D'un autre côté, les baptistes sont convaincus qu'on trouve dans le Nouveau Testament des principes qui demeurent valables pour aujourd'hui.
La souveraineté du Christ
D'abord et surtout, l'Église n'est pas, comme l'ont affirmé certains baptistes, la "communauté des croyants". Elle est, selon les mots de J.H. Oldham, "Jésus-Christ agissant dans le monde par la communauté des pécheurs rachetés". Ou, pour le dire plus simplement en termes bibliques, l'Église est le Corps du Christ (1 Cor 12.27 ; Eph 4.12), l'épouse du Christ (Apo 19.71 et le Temple du Saint-Esprit (1 Cor 6.19). L'Église, aussi bien locale qu'universelle, n'est l'Église que dans la mesure où elle est reliée au Christ, son Rédempteur et sa Tête (voir Eph 4.15 ; Col 1.18). On ne peut donc la réduire au rang d'une simple organisation humaine. Cela veut dire que dans sa vie commune l'Église n'est pas appelée à être démocratique (gouvernée par la majorité), ou despotique (gouvernée par une minorité qui tient le pouvoir), mais bien christocentrique (gouvernée par Christ). C'est Jésus qui doit en être le Seigneur.
Le sacerdoce de tous les croyants
Ce principe, énoncé dans 1 Pierre 2.4-5 et 9, affirme que l'ancienne distinction entre prêtres et laïcs a été abolie. Nous sommes tous prêtres. En fait, selon l'épître aux Hébreux, tous les chrétiens sont implicitement des grands-prêtres (voir par exemple Héb 10.19-22).
Le service de tous les croyants
Bien des passages pourraient être cités pour soutenir cette doctrine, mais le chapitre auquel on pense avant tout est 1 Corinthiens 12. Paul y développe l'image de l'Église en tant que corps. Dieu, nous dit-il, a agencé le corps de telle façon que l'ensemble de la communauté ne fonctionne correctement que si chaque personne participe activement avec son don particulier. Chaque membre a un rôle unique à jouer : le corps est affaibli lorsque les membres se retirent et ne jouent pas leur rôle. Certes, Dieu donne à certaines personnes des rôles de conducteurs, mais ces personnes n'ont pas le monopole du Saint-Esprit. Pour que tout marche au mieux, chaque membre est indispensable et tous doivent agir ensemble.
L'Assemblée d'Église dans le Nouveau Testament
Les principes théologiques exposés ci-dessus sont renforcés par la description que nous donne Luc de la première Église à l'œuvre. Quand il fallait prendre des décisions d'importance capitale, toute l'Église était impliquée dans la recherche de la pensée du Christ. Trois passages viennent à l'esprit, chacun traitant d'un cas particulier.
La désignation de responsables (Actes 6)
Quand les premiers "diacres" ont été nommés, c'est à l'Église, et non aux apôtres, qu'est revenue la tâche de choisir sept hommes "connus pour être remplis de l'Esprit et de sagesse... Ils les présentèrent aux apôtres, qui prièrent pour eux et leur imposèrent les mains" (Act 6.3-6). Ce n'est pas un anachronisme que de dire que l'assemblée de l'Église était impliquée. En réalité, il apparaît que l'Église a eu le rôle principal dans toutes les mesures prises pour désigner les sept.
Ainsi, bien que les théologiens discutent encore pour savoir si là "consécration" des sept a été l'affaire des apôtres ou de l'Église dans son ensemble (le texte grec original est beaucoup moins précis que la traduction ci-dessus et suggère plutôt que Luc fait de l'Église, plutôt que des apôtres, le sujet de l'imposition des mains sur les sept), il ne fait aucun doute que cette cérémonie était placée sous la responsabilité de l'Église. L'assemblée de l'Église n'a pas seulement donné un avis au sujet de cette désignation : elle a désigné les sept.
La gestion des finances
Après avoir entendu la Parole du Seigneur transmise par Agabus, "les disciples décidèrent d'envoyer, chacun selon ses moyens, un secours aux frères qui habitaient la Judée. C'est ce qu'ils firent : ils l'envoyèrent aux anciens par les mains de Barnabas et de Saul" (Act 11.29-30). Sans doute est-il dangereux de trop lire dans les silences de l'Écriture ; cependant, il paraît significatif que ce soit les disciples et non les anciens seuls qui ont participé à la prise de décision. Le rôle des apôtres semble avoir été simplement de porter l'offrande des Églises jusqu'à Jérusalem.
L'admission des membres
Au concile de Jérusalem, réuni pour discuter la grande question de l'admission des païens en tant que membres d'Église, l'initiative de régler la question dans le fond a certes été prise par les apôtres et les anciens. Mais l'Église tout entière a été associée à la décision d'accueillir les croyants païens dans l'Église. Luc nous dit qu' "il parut bon aux apôtres et aux anciens, ainsi qu'à l'Église entière" de prendre la décision (Act 12.22). Plus loin, dans le même chapitre, il cite la lettre au concile de Jérusalem, qui décrit cette décision en disant : "Il a paru bon au Saint-Esprit et à nous..." (15.28). Dieu a dirigé son peuple par le moyen d'une discussion accompagnée de prière.
Il est intéressant de noter la manière dont Luc raconte que, lorsque Jude et Silas arrivèrent à Antioche avec la lettre rapportant la décision du concile de Jérusalem, "ils remirent la lettre à la multitude réunie" (15.30). Le fait que toute l'Église, et non les seuls anciens, aient été les destinataires de la lettre est sûrement révélateur.
Autrement dit, dans le livre des Actes, qu'il s'agisse de la désignation de responsables d'Église, de la gestion des finances ou de l'admission des membres, l'Église tout entière est concernée. Sans doute les apôtres et les anciens avaient-ils un rôle clef à jouer, mais en fin de compte, on ne peut pas dire qu'ils dirigeaient l'Église, mais plutôt que l'Église tout entière était consultée quand il y avait une décision importante à prendre concernant sa vie.
L'enseignement de Jésus
Il ne suffit pas de faire appel à l'expérience de l'Église primitive. Notre autorité suprême est sûrement le Seigneur Jésus lui-même. L'Évangile selon Matthieu contient le texte fondamental concernant les assemblées d'Église (Mat 18.15-20). Quand un frère qui a péché refuse de t'écouter et que tu as essayé ensuite de lui parler en présence de deux ou trois autres frères, alors, nous dit Jésus, tu dois "le dire à l'Église". L'Église a, dans ce contexte, autorité pour "lier" ou "délier", autrement dit, elle a l'autorité dernière pour déclarer ce qui est péché ou ne l'est pas (18.18).
Dans ce passage, Jésus dit clairement que le dernier recours en cas de discipline n'est pas auprès des anciens ou d'autres leaders de l'Église, mais auprès de l'Église elle-même. Par voie de conséquence, on peut étendre ce qui est dit de la discipline ecclésiastique aux autres questions qui intéressent la vie de l'Église. En fin de compte, c'est l'assemblée qui a autorité dans toutes les questions qui concernent sa vie.
Matthieu ajoute à ces versets une autre parole de Jésus : "Là où deux ou trois sont réunis en mon nom, je suis au milieu d'eux" (Mat 18.20). Bien que cette parole s'applique d'abord à la prière des disciples pour le pécheur dont parlent les versets 15 à 17, on ne peut pas la limiter à cette situation particulière. Jésus est présent chaque fois que son peuple se rassemble en son nom. En pensant tout spécialement à l'assemblée d'Église, nous pouvons conclure que la capacité qu'a l'Église de prendre des décisions ayant autorité, se fonde sur la présence du Christ vivant au milieu d'elle. C'est lorsque le peuple du Christ se réunit consciemment en son nom et recherche sa volonté dans la prière que se trouve son autorité.
1 Corinthiens 5 nous donne un exemple probant du type de discipline auquel Jésus pensait. Paul écrit en effet à l'Église de Corinthe : "Au nom du Seigneur Jésus, vous et mon esprit nous nous sommes assemblés avec la puissance du Seigneur Jésus : qu'un tel homme soit livré à Satan..." (1 Cor 5.4-5). Il est vrai qu'au verset 3, Paul déclare qu'il a lui-même tranché la question. Mais il a dû le faire parce que les Corinthiens ne l'ont pas fait, alors que c'était leur responsabilité. Ce que dit Paul montre qu'une telle mesure disciplinaire est l'affaire, non des anciens, mais de toute l'assemblée. C'est à elle que revient l'autorité dernière en la matière.
Le pasteur et son pouvoir
Récemment, la question de l'autorité a pris une place centrale dans les Églises baptistes. Il fut un temps où un pasteur baptiste était considéré en quelque sorte comme l'employé de l'Église, tenu de satisfaire toutes les demandes de la communauté. Mais le pendule a oscillé et est passé de l'autre côté. L'accent est souvent mis sur l'appel qu'a reçu le pasteur pour conduire le peuple de Dieu. Sous l'influence de certains chrétiens charismatiques, surtout dans des "Églises de maisons", on s'appuie sur des textes de l'Écriture qui paraissent donner aux pasteurs et à d'autres responsables d'Église un véritable pouvoir.
Le fondement biblique
L'apôtre Paul écrit dans 1 Corinthiens 16.15-16 : "La famille de Stéphanas... s'est mise au service des saints. Soumettez-vous aussi à de tels hommes, ainsi qu'à tous ceux qui prennent part à l'œuvre et qui travaillent".
De même, dans 1 Thessaloniciens 5.12 : "Nous vous demandons, frères, d'avoir de la considération pour ceux qui travaillent parmi vous, qui vous dirigent dans le Seigneur et qui vous avertissent", et dans 1 Timothée 5.17 : "Que les anciens qui président bien soient jugés dignes d'un double honneur, surtout ceux qui prennent de la peine à la prédication et à l'enseignement".
L'auteur inconnu de l'épître aux Hébreux écrit de son côté : "Obéissez à vos conducteurs et soyez-leur soumis. Car ils veillent au bien de vos âmes, dont ils devront rendre compte. Faites en sorte qu'ils puissent le faire avec joie et non en gémissant, ce qui ne serait pas à votre avantage" (13.17).
On pourrait également ajouter à ces textes Galates 1, où Paul déclare aux Galates qu'il est avant tout serviteur de Dieu et non des hommes, car il a reçu son ordre de mission non des hommes, ni par un homme, mais de Jésus-Christ et de Dieu le Père (Gal 1.1). Il en conclut que s'il cherchait à plaire aux hommes, il ne serait pas serviteur du Christ (1.10). Cela ne peut-il s'appliquer aussi aux autres conducteurs de l'Église ?
Parallèlement, selon Éphésiens 4.11, c'est le Christ ressuscité qui "donne" à l'Église des pasteurs-docteurs, ce qui signifie que ces pasteurs-docteurs reçoivent leur autorité du Christ et que c'est à lui qu'ils doivent obéissance.
Dirigeants et serviteurs
Les passages ci-dessus ne sont pas aussi décisifs qu'ils peuvent sembler l'être. Il est certain que nous ne pouvons pas déduire du Nouveau Testament un quelconque gouvernement autocratique, où l'autorité est imposée d'en haut et une obéissance irréfléchie exigée. Quelle qu'ait été l'autorité reconnue à Stéphanas et à sa famille (1 Cor 16.15-16), il est clair que c'était une autorité qui ne provenait pas tant de leur statut que de la façon dont ils se sont mis au service de l'Église. Ce qui était vrai alors, est encore vrai aujourd’hui : en dernier ressort, on obéit à des leaders, non à cause de ce qu'ils disent, mais à cause de ce qu'ils sont. Ce sont des leaders-serviteurs.
Malheureusement, dans 1 Thessaloniciens 5.12, nos traductions utilisent un terme plus fort que l'original grec. Paul ne parle pas d'anciens qui "dirigent", mais qui se tiennent devant le peuple de Dieu. Diriger suggère un pouvoir ; ce n'est pas le cas du verbe grec dont le sens est plus atténué. Il est intéressant de noter que ce terme est employé à propos d'un "patron" ou protecteur qui a le souci de l'intérêt de ses clients. Dans Romains 16.1, ce mot désigne Phoebé qui vient en aide à beaucoup à Cenchrées.
Dans 1 Timothée 5.17, ce qui est en question n'est pas le pouvoir, mais il est à peu près certain que la bonne traduction parle de double salaire pour ceux qui travaillent dur à la prédication et à l'enseignement. Dans beaucoup d'Églises, les pasteurs seraient heureux de gagner autant que le diacre moyen. Que dire alors s'ils gagnaient le double ?
Enfin, dans Hébreux 13.17, si l'auteur attend sans aucun doute des destinataires de sa lettre qu'ils obéissent à leurs conducteurs, le verbe grec employé montre bien qu'il ne s'agit pas d'une obéissance aveugle. Le sens premier de ce verbe est celui de "persuader", ce qui donne à penser que l'auteur envisage une réponse à une exhortation réfléchie plutôt qu'un ordre contraignant. La direction pastorale dans le Nouveau Testament est sans autoritarisme. Elle laisse les fidèles libres d'accepter ou de refuser les directives. En outre, il faut équilibrer Hébreux 13.17 par Hébreux 12.15, où il est clair que le service de gardien ou de veilleur est l'affaire de tous les membres de l'Église. Une traduction littérale de ce verset, qui s'adresse à toute l'Église ainsi que le montre le contexte (lire Héb 12.14), donne la phrase suivante: "(Vous tous) vous devez veiller (exercer le service de gardien - en grec épiskopountes) de peur que certains se privent de la grâce de Dieu".
Les dirigeants doivent rendre compte
Les réserves ci-dessus n'enlèvent rien au fait que, selon le Nouveau Testament, les dirigeants doivent diriger. Cette direction implique une certaine autorité qui se fonde, pour une part, sur le type de personnes qu'ils sont, mais aussi sur le rôle qu'ils sont appelés à remplir.
Mais cela n'épuise pas l'enseignement du Nouveau Testament sur l'autorité dans l'Église locale. Si, comme nous l'avons vu, les dirigeants doivent rendre compte à Dieu (Gal 1.1 et Héb 13.17, par exemple), ils sont aussi responsables devant l'Église, qui a reconnu leur vocation et les a mis à part en vue du service (Act 13.1-3, 14.27) et doivent lui rendre compte. Par conséquent, l'Église a le droit non seulement d'encourager ses dirigeants, mais aussi de les reprendre. C'est ainsi, par exemple, que Paul exhorte l'Église de Colosses à dire à un de ses conducteurs : "Prends garde au service que tu as reçu du Seigneur afin de le bien remplir" (Col 4.17). L'exhortation n'est pas à sens unique. L'honneur et le respect sont dus aux pasteurs et aux autres conducteurs de l'Église, mais il y a des moments où eux aussi ont besoin d'être conseillés, non par quelque "apôtre" extérieur à la communauté, mais par l'Église où s'exerce leur service.
A cet égard, les implications du récit que fait Paul de ses relations avec les apôtres à Jérusalem est révélateur (Gal 2.1, 6-9, 11-14). Le simple fait que Paul ait pu reprendre Pierre et Barnabas à cause de leur attitude hypocrite à l'égard des chrétiens grecs, illustre la vérité plus générale que l'autorité confiée aux dirigeants doit toujours être évaluée. Ces dirigeants l'exercent-ils de manière juste ? Si Pierre et Barnabas eux-mêmes pouvaient faire fausse route, tous les dirigeants chrétiens d'aujourd'hui le peuvent aussi.
Nous l’avons déjà vu, l'autorité dernière, dans la soumission à Dieu, est de la compétence de l'assemblée de tous les membres de l'Église, et non - comme le suggèrent certains - des anciens ou d'autres responsables (Mat 18.15-20). Il n'est donc pas surprenant que dans ce que nous rapporte Luc de la première Église, toute l'Église était impliquée dans les questions cruciales concernant les membres, les dirigeants ou les finances (Act 6, 11 et 15). De même, l'Église de Corinthe a la responsabilité de prendre une mesure disciplinaire à l'égard d'un de ses membres (1 Cor 5).
Vivre la tension
Cette question de l'autorité dans l'Église locale entraîne une tension : d'une part, les dirigeants ont reçu une autorité ; de l'autre, c'est l'Église qui a l'autorité dernière. La question se pose inévitablement : comment résoudre cette tension ? La réponse est que nous ne pouvons pas l'éliminer sans tomber dans le déséquilibre ou être infidèles à l'enseignement du Nouveau Testament. Il nous faut reconnaitre que nous devons vivre avec des tensions dans la vie chrétienne.
C'est vrai en ce qui concerne les grandes doctrines de la foi. Il y a une tension au sein de la doctrine de l'incarnation : Jésus est pleinement homme, mais il est aussi pleinement Dieu. Éliminer cette tension, c'est immédiatement tomber dans l'hérésie. On rencontre à nouveau une tension dans la doctrine chrétienne de l'Écriture : elle est inspirée par Dieu et pourtant écrite par des hommes. Il en est de même de la doctrine du "libre arbitre" face à celle de l' "élection". La tension fait partie de notre foi ; on ne peut l'éviter.
Ce qui est vrai des questions doctrinales, l'est aussi en ce qui concerne notre compréhension de l'autorité dans l'Église.
Le fait de devoir rendre compte ne prive pas la fonction de pasteur de son autorité. Il faut bien comprendre que l'Église, en désignant ses dirigeants, leur délègue une autorité et que ces dirigeants ont le droit d’exercer cette autorité jusqu'à ce que l'Église cesse de la reconnaître. Le ministère de direction est un rôle donné par Dieu au sein de l'Église. Les dirigeants servent l'Église aussi bien que le Seigneur en mettant en œuvre leurs dons de conducteurs. Il s'ensuit qu'une Église qui ne permet pas à ses dirigeants de diriger rejette le don que Dieu lui a fait d'un ministère pastoral (Eph 4.11¬12). Cela ne veut pas dire que le seul rôle des assemblées d'Église soit d'enregistrer les décisions de ses conducteurs. En effet, les dirigeants aussi font partie du Corps du Christ et leur sagesse doit être testée tout comme celle des autres chrétiens (1 Cor 12.7-11). Ils sont en effet responsables devant l'Église.
D'un autre côté, une Église veillera à ne pas écarter trop vite les recommandations venant de ses conducteurs. Bien au contraire : une assemblée d'Église devra réfléchir sérieusement et longtemps avant de rejeter une recommandation unanime du conseil de diacres, concernant par exemple le projet de budget pour l'année qui vient. Il reste que les dirigeants ne sont pas infaillibles - pas même les pasteurs ! L'assemblée d'Église est le lieu où doivent être examinées toutes les propositions concernant la vie de l'Église, quelle qu'en soit l'origine.
L'autorité suprême appartient au Christ
Les baptistes se sont efforcés, de différentes façons, de redonner à l'assemblée d'Église toute son autorité par rapport à celle de ses dirigeants. John Smyth, par exemple, décrivait l'Église comme : "le propriétaire et le premier possesseur du trésor, et son Seigneur, sous l'autorité de Christ : c'est donc à l'Église que chacun doit rendre compte". Il écrivait par ailleurs : "Le Corps de l'Église, l'épouse de Christ, gouverne comme l'épouse sous l'autorité de son mari, selon la volonté et la décision de son mari ; les anciens dirigent en tant qu'intendants de Christ le roi, et de l'Église qui est l'épouse du roi".
Un exemple de la mise en pratique de ce principe nous est donné par le compte-rendu de l'Église baptiste d'Amersham en 1675. On y lit : "Si un ancien ou un diacre ou les anciens et les diacres s'attribuent un pouvoir ou un privilège au-dessus de l'Église, contrairement à ce que l'Église a jugé bon et que le Seigneur a déclaré dans sa Parole, et si un différend se manifeste entre un ancien ou un diacre et un membre de l'Église et que la question soit présentée devant l'Église assemblée, les deux parties se tiendront là et l'Église jugera selon la Parole de Dieu".
Ces exemples illustrent le fait que la doctrine de l'assemblée d'Église des premiers baptistes et leur compréhension de son autorité ne doivent en aucun cas être confondus avec la démocratie. L'assemblée d'Église était - et est encore - un moyen de découvrir la pensée du Christ. En fin de compte, c'est à Christ qu'appartient l'autorité suprême. Comme le dit la déclaration de principe de l'Union Baptiste de Grande-Bretagne : "Notre Seigneur Jésus-Christ... est la seule autorité absolue ; les Églises se réunissent pour comprendre ses lois et les appliquer". Le mot d'ordre de chaque assemblée d'Église doit être : "Jésus est le Seigneur".
Sujet de réflexion
L'assemblée d'Église n'est pas une audience papale, ni un débat parlementaire. C'est la famille de Dieu, heureuse de répondre à la vision et à l'amour de ses conducteurs, dans l'adoration, la prière et la soumission mutuelle sous l'autorité de Dieu (Frank Cooke). Nos assemblées d'Église correspondent-elles à cette définition ?