Prendre en compte les dimensions linéaire, cyclique et événementielle du temps

Extrait Psychologie et vie chrétienne
Le changement d’environnement culturel de l’auteur a été la source d’une prise de conscience des différences dans la conception du temps dans les différentes cultures qui traversent le monde. Reprenant une classification du sociologue Øyvind Dahl, il décrit les trois grandes conceptions du temps : linéaire, cyclique et événementielle. Il sonde ensuite l’enseignement biblique pour constater qu’il invite à prendre en compte ces trois conceptions, dont il détaille les implications pratiques.

Abonnement aux Cahiers de l'École pastorale

Je m'abonne

Le temps erik witsoe IXpuRZvhCT0 unsplash J’ai déménagé à Madagascar en 2018, après avoir grandi et vécu 37 ans en France. Un des éléments les plus déstabilisants pour un Français débarquant sur cette grande île, c’est la question du temps. On ne comprend pas pourquoi les choses vont si lentement. On s’irrite lorsque des personnes ne viennent pas à un rendez-vous. Pourtant, les Malgaches ne sont ni malpolis ni fainéants ; en tout cas, pas plus que les Français. Les formules de politesse occupent une place bien plus importante dans leur culture que dans la nôtre. La plupart des Malgaches sont debout à cinq heures tous les matins. Ils se déplacent souvent à pied. Les travaux domestiques sont plus éprouvants quand vous n’avez ni eau courante, ni aspirateur, ni machine à laver.

Si les Malgaches sont plus souvent en retard (ou absents) à un rendez-vous que les Français, s’ils ont un rythme de vie qui peut me paraître plus lent, c’est avant tout parce qu’ils ont une conception différente du temps. Un des ouvrages qui m’a été le plus utile pour comprendre cela est celui de l’anthropologue Øyvind Dahl(1). Un chapitre de ce livre est dédié aux « concepts culturels » (pp.83-109). L’auteur montre que la manière dont on conçoit le temps peut être schématisée de trois façons : le temps linéaire, le temps cyclique et le temps événementiel (pp.89-96). L’approche linéaire prédomine dans la culture occidentale alors que l’approche événementielle prédomine à Madagascar.

Par principe, il n’y a aucune raison que ma conception occidentale du temps soit meilleure qu’une conception africaine ou asiatique. En tant que chrétien, ce qui fait norme n’est ni ma culture, ni mon éducation, mais la Parole de Dieu. Cela me semble donc important de confronter ces différentes conceptions du temps à l’enseignement biblique. Y a-t-il une vision du temps qui soit plus biblique qu’une autre ? Ne faudrait-il pas plutôt prendre en compte ces trois dimensions du temps ?

1. Les différentes conceptions du temps

Avant d’en proposer une évaluation biblique, il convient d’indiquer ce que l’on entend par « temps linéaire, cyclique et événementiel ». Je m’inspire ici largement de la typologie proposée par Øyvind Dahl.

Temps linéaire

Dans le cadre de la conception du temps linéaire, le temps est vu comme une sorte de route droite et continue sur laquelle on roule sans pouvoir s’arrêter. Le passé est derrière et le futur est devant. Et quoi que l’on fasse, que l’on dorme ou que l’on travaille, le temps s’écoule inexorablement.

Selon cette conception, le temps est une norme objective qui peut se mesurer, un peu comme on mesure les kilomètres parcourus sur la route. L’heure et les horaires jouent donc un rôle important : il convient d’être à l’heure, de ne pas « perdre son temps », de le « rentabiliser ». Le temps est vu comme un bien précieux qu’il ne faut pas gaspiller puisqu’il n’y a pas de retour en arrière possible. On insiste sur la ponctualité et la rentabilité.

Il est également facile de faire des projets, de prévoir, d’envisager l’avenir, puisque celui-ci adviendra forcément. On peut ainsi déterminer des objectifs et prévoir des étapes pour y parvenir. Lorsque cette conception du temps domine, on est donc souvent tourné vers l’avenir.

Cette façon de voir le temps est prédominante dans les sociétés occidentales modernes. Elle joue un rôle non négligeable dans l’organisation du travail et dans l’économie de marché.

Temps cyclique

Dans le cadre de la conception du temps cyclique, c’est l’idée de cycle qui prédomine. Ce qui arrive aujourd’hui n’est que la répétition de ce qui s’est déjà passé autrefois. Ainsi, chaque jour le soleil se lève et se couche. Les saisons reviennent chaque année de manière régulière. La vie se reproduit continuellement : certains meurent et d’autres naissent ; c’est le cycle de la vie.

Par conséquent, le temps n’est pas un bien précieux que l’on pourrait perdre. Il se répète indéfiniment : les choses reviennent toujours. On ne risque pas de « perdre » son temps.

Dans une société où cette conception domine, on est souvent tourné vers le passé. Puisque les choses se répètent sans cesse, il est recommandé d’apprendre du passé. Il convient de reproduire les gestes qui ont permis aux anciens de survivre. La tradition a une place importante dans l’organisation de la société.

Cela ne signifie pas, pour autant, qu’il n’y ait pas d’évolution possible : si le temps est cyclique, les choses ne sont jamais strictement identiques, il peut y avoir une forme de progrès. On est alors dans une conception du temps qui est davantage de l’ordre de la spirale que d’un cercle fermé.

Cette conception est surtout dominante dans les sociétés rurales où la culture de la terre est centrale : il convient de respecter le cycle des saisons.

Temps événementiel

Dans la conception du temps événementiel, c’est l’événement qui est au centre. Le temps est imprévisible. Ce qui va déterminer le déroulement de la journée, c’est ce qui arrivera durant celle-ci. Le temps ne peut donc pas être mesuré : il est avant tout une expérience, quelque chose qui se vit.

Pour ceux qui sont influencés par cette conception, il est difficile de faire des projets. On agit en fonction de ce qui se produit. On n’entretient pas un appareil dans l’espoir qu’il ne tombe pas en panne : on le répare seulement lorsqu’il ne fonctionne plus. On est donc focalisé sur le présent.

Cette approche donne généralement la priorité aux ...

L'accès au reste de cet article est protégé.

Achetez cet article pour le lire en intégralité ou le télécharger en PDF.

Recevez ce numéro
au format papier

7 €

J'achète ce numéro

Téléchargez ce numéro
au format ePub et PDF

5 €

J'achète ce numéro

Abonnement aux Cahiers de l'École pastorale

Je m'abonne

1.
Øyvind DAHL, Signes et significations à Madagascar : des cas de communication interculturelle, Paris, Présence africaine, 2006

Vous aimerez aussi

Ajouter un commentaire

Votre adresse e-mail nous permet :

  • de vous reconnaitre et ainsi valider automatiquement vos commentaires après 3 validations manuelles consécutives par nos modérateurs,
  • d'utiliser le service gratuit gravatar qui associe une image de profil de votre choix à votre adresse e-mail sur de nombreux sites Internet.

Créez un compte gratuitement et trouvez plus d'information sur fr.gravatar.com

Chargement en cours ...