Joel B. Green, sous dir., À l’écoute du Nouveau Testament : Straté­gies d’interprétation

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Joel B. Green, sous dir., À l'écoute du Nouveau Testament : Stratégies d'interprétation – Québec, Ministère Multilingue, 2023 (traduit à partir de la 2e éd. américaine de 2010 ; 1ère éd. : 1995) – 450 p. – ISBN : 978-2-89576-198-3 – 42 €.

Avec cet ouvrage, les éditions « Ministère Multilingue » nous livrent la traduction française d’un manuel de référence pour l’interprétation du Nouveau Testament. Ce livre collectif, publié sous la direction de Joel B. Green, rassemble dix-huit contributions rédigées par d’éminents spécialistes du Nouveau Testament. Parmi les contributeurs figurent, entre autres, Loveday Alexander, Richard Bauckham, Bart Ehrman, Mark Allan Powell, Max Turner ou Kevin Vanhoozer. Tous sont des références internationales dans leur domaine, auteurs de nombreuses contributions majeures dans les études néotestamentaires.

Chacune des dix-huit contributions vise à présenter une méthode pouvant être utilisée dans l’interprétation du Nouveau Testament. Comme l’explique Joel B. Green dans le premier chapitre, l’ouvrage cherche à présenter à la fois : (1) les méthodes qui s’intéressent à ce qui est « derrière le texte » – le contexte historique, les traditions en arrière-plan des évangiles, etc.– ; (2) les méthodes centrées sur le texte lui-même – analyse du discours, critique rhétorique, analyse narrative, etc. – ; et (3) les méthodes focalisées sur celui qui est « devant le texte », à savoir le lecteur, qui peut d’ailleurs être une lectrice (critique féministe), un Afro-américain ou un Latino-américain. Les contributions sont placées dans ce même ordre, les premières étant les plus focalisées sur ce qui est « derrière le texte » et les dernières sur le lecteur.

Après un chapitre dédié à la critique textuelle (Bart Ehrman), on trouve une contribution sur la critique socio-historique (Stephen Barton), un chapitre sur l’importance des textes juifs extra-canoniques (Richard Bauckham), un autre sur celle de la littérature et de la culture gréco-romaines (Loveday Alexander), puis sur l’histoire des traditions (Holly J. Carey). Suivent des contributions sur l’utilisation de l’Ancien Testament par le Nouveau Testament (Richard Hays et Joel Green), l’analyse du genre (James Bailey), la critique rhétorique (Clifton Black), l’apport de la linguistique moderne pour l’étude du Nouveau Testament (Max Turner), l’analyse du discours (Joel Green) et l’analyse narrative (Mark Allan Powell). La dernière série est ouverte par une contribution stimulante de Kevin Vanhoozer sur « le lecteur dans l’interprétation du Nouveau Testament » ; s’en suivent des chapitres sur la critique féministe (F. Scott Spencer), les herméneutiques afro-américaine (Emerson Powery) et latino-américaine (Efrain Agosto), l’exégèse canonique (Robert Wall), et, enfin, une contribution sur l’apport du Nouveau Testament pour la théologie et l’éthique (Stephen Fowl).

Après avoir introduit le lecteur à la méthode en question, chaque contributeur propose un ou plusieurs exemple(s) de mise en œuvre de cette méthode. Pour cela, les auteurs avaient pour consigne de choisir leur(s) exemple(s) parmi les cinq passages suivants : Luc 3.1-20 (Jean-Baptiste), Jean 4.1-42 (Jésus et la Samaritaine), 1 Corinthiens 11.2-34 (hommes et femmes dans l’assemblée ; le repas du Seigneur), Jacques 4.13 – 5.6 (projets et richesse) et Apocalypse 5 (le livre scellé et l’Agneau).

Étant donné la diversité des contributeurs, on ne doit pas s’étonner d’entrevoir des présupposés théologiques tout aussi divers. Si plusieurs de ces spécialistes ont une approche assez conservatrice, très respectueuse pour l’inspiration du texte biblique, d’autres n’ont pas de difficulté à proposer une « déconstruction » critique du texte. On peut noter aussi l’accent assez nord-américain de l’ouvrage, en particulier dans les chapitres consacrés à l’exégèse « afro-américaine » et « latino-américaine ».

Chaque contribution s’achève par une sélection bibliographique commentée qui présente les ouvrages de référence sur le sujet. On peut regretter que la traduction française se contente de traduire ces recommandations qui ne portent que sur des ouvrages en anglais. D’une part, les traducteurs ne signalent pas l’édition française de certains ouvrages quand elle existe pourtant (c’est le cas, par exemple, de plusieurs ouvrages de sociologie, cités pp 63 à 65). Même pour des livres initialement écrits en français, comme ceux d’Émile Durkheim (p. 63) ou de Pierre Bourdieu (p. 64), on ne trouve que la référence de la traduction anglaise ! D’autre part, on pourrait s’attendre, pour la traduction d’un manuel de ce type, à trouver un complément bibliographique présentant les ouvrages de référence en français.

J’ai pu constater que l’éditeur francophone a fait le choix de faire traduire le livre par DeepL, un outil de traduction automatique nourri à l’Intelligence Artificielle(1). Par endroits, la traduction automatique a certes été légèrement corrigée et améliorée. Néanmoins, ce travail de relecture a laissé passer de nombreuses coquilles, divers anglicismes et, surtout, une certaine lourdeur de style (l’IA a encore des progrès à faire !). De plus, la traduction automatique des termes techniques, nombreux dans un ouvrage de ce type, n’a pas toujours été corrigée pour la faire correspondre à l’usage en français(2).

Malgré ces défauts, la traduction française reste lisible et compréhensible. Elle permettra à ceux qui ne sont pas à l’aise avec l’anglais, d’accéder à cet ouvrage de référence sur le sujet de l’interprétation du Nouveau Testament. Un livre, particulièrement complet et relativement à jour, qui figure parmi les « must read » pour tous les étudiants en théologie et tous ceux qui s’intéressent à l’étude académique et scientifique du texte biblique.

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1.
Cette affirmation est basée sur des observations faites à partir de divers extraits du livre pris au hasard. Possédant la version électronique de l’édition originale du livre (en anglais), j’ai copié-collé ces extraits dans l’outil de traduction DeepL librement accessible en ligne (www.deepl.com). J’ai pu constater que, mis à part quelques mots ici et là, la traduction française générée par l’outil correspondait mot pour mot à celle du livre ; y compris lorsque la formulation française est surprenante ou maladroite.
2.
À titre d’exemple, le chapitre 12 est intitulé « critique narrative » alors que l’on parle plutôt d’« analyse narrative » dans les milieux théologiques francophones. Ce chapitre est introduit par cette phrase : « La critique narrative se concentre sur les récits de la littérature biblique et tente de lire ces récits avec des connaissances tirées du domaine séculaire [sic] de la critique littéraire moderne » (p. 231). En plus de la lourdeur du style, le terme « secular » est malencontreusement traduit par « séculaire » au lieu de « séculier ».

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