À l’heure où le Rapport Sauvé met à mal l’Église catholique, cette dernière est questionnée sur ses structures d’autorité. Un certain nombre de risques sont pointés dans l’exercice de celle-ci : abus d’autorité, sacralisation du clergé, dénaturation du principe d’obéissance, etc. Pour contrer cet ensemble de risques, l’une des recommandations du rapport est d’augmenter la part prise par les laïcs et les femmes dans la gouvernance de l’Église. Autrement dit, sans renoncer pour autant à la dimension hiérarchique de l’Église, marque de l’ecclésiologie catholique, il exprime une poussée vers plus de synodalité. L’appel a été entendu et le chantier de réflexion ouvert lors de la dernière conférence des évêques.
Cette question de la tension entre l’autorité de quelques-uns et de tous demeure une question résolument actuelle en protestantisme. Elle a été au centre de la dernière pastorale nationale de la Fédération des Églises évangéliques baptistes, avec deux gros thèmes traités : « Quelle autorité pour le pasteur aujourd’hui ? », et « Quelle autorité pour la Fédération (l’échelon dénominationnel) en congrégationalisme aujourd’hui ? ». De son côté, l’Église protestante unie de France vient tout juste d’amorcer, le mois dernier, un cycle synodal triennal sur le sujet du ministère pastoral.
À l’échelle globale, la société française est également fortement traversée par ces questions. Une étude internationale récente en théorie des organisations a montré que la France était le pays qui entretenait le rapport le plus paradoxal à l’autorité. Cette étude met en évidence en effet que la France est le seul pays, avec la Belgique francophone, à tenir à parts égales, avec la même force et dans le même temps, un désir de verticalité et d’horizontalité dans l’exercice du leadership. Tenu de composer avec ces deux injonctions contraires, l’exercice de l’autorité pastorale en France n’est dès lors pas toujours simple à vivre. Les abandons de ministère y sont fortement corrélés. Comment, dès lors aujourd’hui, en protestantisme, dans nos Églises, tenir ensemble ces deux dimensions : la nécessité de responsables à l’autorité bien définie, et donc soutenable dans la durée, clairement positionnés au service de la maturité et de la mission de tous, et de tous les ministères (Éphésiens 4) ?
Dans le contexte de la modernité tardive, à la façon dont l’Église catholique est conduite, douloureusement pour sa part, à le faire, une réflexion salutaire devrait être conduite dans l’ensemble de nos Églises à ce sujet. Dans le sens de l’énoncé et de la réception d’une autorité bonne pour le gouvernement de l’Église ; pour des vocations pastorales durables ; pour une Église davantage mature ; pour une annonce toujours plus pertinente de l’Évangile à nos contemporains.
Modestement, cette dernière livraison des Cahiers voudrait contribuer à nourrir cette réflexion sur l’Église, le ministère, les ministères, notamment par la publication de l’intervention de Bernard Ott donnée lors la dernière Assemblée plénière du CNEF sur la question de la formation des ministères et ses visées. Vous le découvrirez, les autres ressources de ce numéro, chacune à leur manière, aiguiseront également votre réflexion sur ces questions. Alors, à chacun, bonne découverte.
Erwan CLOAREC
Édito
L’autorité en question
Erwan Cloarec
Articles
Prendre en compte les dimensions linéaire, cyclique et événementielle du temps
Timothée Minard
Enseigner et former dans les pas du Maître
Micaël Razzano
Comment développer l’intégration dans les Églises ?
Michel Sommer
La « formation ministérielle » : un des enjeux de la formation théologique pour le monde évangélique
Bernard Ott
L’Église dans tous ses États
Objectif zéro pauvre
Clément Blanc
Prédication
L’Église, une famille (Marc 3.31-35)
Nicolas Farelly
Présentation de livre
Lydia Jaeger et Alain Nisus, sous dir., Une foi, des arguments
Étienne Lhermenault